Les marchés l'ont désigné depuis longtemps en la personne de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), seule institution capable selon eux et certains gouvernements de sauver la monnaie unique. "Nous sommes devant un choix horrible. Dans l'ordre des horreurs, l'alternative est la suivante : soit une intervention massive de la BCE, soit la catastrophe", a résumé le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, dans une interview à la Frankfurter Allgemeine Zeitung publiée le 21 novembre.
Seul problème, la BCE, soutenue par l'Allemagne, refuse de jouer ce rôle. Berlin a ainsi réaffirmé le 21 novembre son refus d'une plus forte intervention de l'institution de Francfort dans la lutte contre la crise de la dette, n'y voyant pas le "remède miracle" attendu par les marchés.
La Banque centrale européenne se refuse toujours à jouer le rôle de prêteur en dernier ressort des États européens en rachetant de manière illimitée des obligations souveraines, qu'elle n'acquiert qu'au compte-gouttes et sur le marché secondaire où s'échangent les titres déjà émis.
Pourtant, a jugé le ministre polonais, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, "le risque est celui d'un désastre économique historique qui, comme la grande dépression des années 1930, conduirait au final l'Europe dans la guerre".
Dans ce contexte, la victoire massive de la droite en Espagne ce week-end n'a rien changé. Les Bourses européennes ont continué leur plongeon, l'accentuant même en fin d'après-midi, et le marché obligataire restait sous tension, dans un climat d'incertitudes et faute de solution à court terme.
La Bourse de Francfort a ainsi terminé en baisse de 3,4% et à Wall Street, le Dow Jones a perdu 2,1% et le Nasdaq 1,9%. En Espagne, la Bourse a cédé 3,5%, en dépit de la victoire du Parti populaire (PP) et de son chef Mariano Rajoy, appelé à former le nouveau gouvernement espagnol. Le PP a obtenu la majorité absolue et infligé à son rival socialiste sa plus grave défaite depuis le retour de l'Espagne à la démocratie.
Euro-obligations : pas "un remède miracle"
Tout en confirmant le "AA-" de Madrid et sa perspective négative, l'agence Standard and Poor's a estimé que "la majorité claire" obtenue par le Parti populaire "pourrait faciliter une mise en oeuvre concentrée en début de législature de mesures de réformes". Sur le marché des emprunts d'État, les taux espagnols sur dix ans sont repartis à la hausse à plus de 6,5% en fin d'après-midi, contre 6,3% vendredi. En Italie, au centre de l'inquiétude des marchés la semaine dernière, le taux à dix ans restait élevé, au-dessus des 6,6%. La Bourse de Milan a terminé de son côté en chute de plus de 4,7%.
Le président américain Barack Obama a assuré le nouveau Premier ministre Mario Monti de sa "pleine confiance dans la solidité et la vitalité de l'Italie" face à la crise de la dette, le 21 novembre lors d'un appel téléphonique.
La Bourse de Paris, qui a terminé en baisse de 3,41%, a de son côté pâti d'un avertissement de l'agence de notation Moody's qui a estimé le 21 novembre matin qu'une hausse des taux des obligations françaises et des perspectives de croissance économique détériorées risquaient d'avoir des conséquences négatives sur la note de la dette du pays.
La Bourse d'Athènes a, elle, perdu plus de 4% dans l'attente des résultats de la rencontre prévue en fin d'après-midi à Bruxelles entre le nouveau chef du gouvernement grec Lucas Papademos et les responsables européens.
La Grèce attend de ses partenaires le versement vital de huit milliards d'euros d'ici la mi-décembre. Mais les ministres des Finances de la zone euro ont réclamé des engagements écrits au gouvernement grec sur l'application des mesures d'austérité et les réformes structurelles, avant le versement de cette aide.
Dans ce contexte, les euro-obligations que la Commission européenne veut proposer cette semaine apparaissaient aux yeux de certains comme une solution possible à la crise. Mais l'Allemagne a douché ces espoirs le 21 novembre, n'y voyant là encore aucune "solution miracle".
Dans un "Livre vert", la Commission européenne juge pourtant que cette mutualisation des emprunts publics des pays de la zone euro pourrait "rapidement atténuer" la crise actuelle. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a d'ailleurs réaffirmé le 21 novembre son soutien à la création de ces euro-obligations dans la zone euro lorsqu'elle aura atteint un niveau suffisant de discipline budgétaire. Les Européens ne sont pas les seuls à se débattre avec la crise de la dette.
AFP/VNA/CVN