Rien ne semble pouvoir arrêter la descente aux enfers dans laquelle la zone tout entière semble entraînée. La confirmation en Italie d'un nouveau gouvernement, composé essentiellement de techniciens et dirigé par l'ancien commissaire européen Mario Monti, qui pourrait pourtant obtenir la confiance du parlement dès la fin de cette semaine, n'a pas suffi à ramener le calme.
M. Monti devait se rendre hier matin à la présidence pour accepter officiellement de former le nouveau gouvernement En Espagne, les promesses formulées par le dirigeant de la droite Mariano Rajoy, probable vainqueur des élections prévues dimanche, n'ont pas changé la donne sur les marchés financiers, agités par le risque de contagion de la crise de la dette. "L'Europe va continuer à être la principale obsession des opérateurs de marché", ont résumé les stratégistes de BNP Paribas. Dans ce contexte, les investisseurs refusent tout simplement de prendre le moindre risque et se désengagent massivement des dettes des pays qu'ils jugent les plus fragiles.
Résultat, l'Allemagne creuse l'écart avec les autres pays européens sur le marché des emprunts d'État.
Le "spread", soit l'écart entre le rendement des obligations à 10 ans de l'Allemagne, référence du marché, avec celui des autres pays, se creusait, pour atteindre des records depuis la création de la zone euro, y compris vis-à-vis de pays comme la France. Du coup, la note triple "A" de ce pays, deuxième économie de la zone euro, était vue comme menacée au moment où Paris doit potentiellement dépenser deux fois plus que Berlin pour financer ses emprunts à dix ans, si les taux du marché obligataires se confirmaient au moment de procéder à des levées de fonds.
Les bourses européennes ont également chuté le 15 novembre, après avoir un moment pour certaines redressé la tête. La Bourse de Paris a terminé en recul de 1,92% et celle de Francfort de 0,87% après être passé très brièvement dans le vert, embellie précédée quelques heures auparavant d'une chute de 2,58%.
En baisse à l'ouverture, Wall Street a redressé la tête, réagissant notamment à des indicateurs économiques meilleurs que prévu aux États-Unis : le Dow Jones a gagné 0,14% et le Nasdaq 1,09%.
"Nous sommes surpris de voir la résurgence de l'aversion pour le risque si rapidement après les changements de gouvernements en Italie et en Grèce", estimait Ciaran O'Hagan, stratégiste chez Société Générale.
Pour M. O'Hagan, "étant donné la grande anxiété et une peu probable initiative politique imminente, la peur du risque en Europe va probablement continuer".
La récession semble inévitable
Ce contexte de craintes sur les dettes a également été alimenté par le piteux état de la croissance en Europe.
La croissance économique a plafonné au troisième trimestre en zone euro avec une hausse de 0,2% par rapport au trimestre précédent, mais elle pourrait se contracter au quatrième trimestre.
L'Allemagne a certes enregistré une croissance de 0,5% de son produit intérieur brut (PIB), qui atteste la résistance de la première économie européenne face au trou d'air attendu de la région. Mais dans le même temps, la confiance des milieux financiers allemands dans l'avenir économique de leur pays à horizon six mois a poursuivi sa chute en novembre.
Pire, l'activité devrait continuer de se contracter début 2012 dans un contexte déprimé par la crise de la dette, qui partout impose l'austérité.
Cette situation serait synonyme de retour en récession pour la zone euro, trois ans après la crise financière de 2008. La Grèce paie déjà un lourd tribut à ce contexte d'austérité généralisée. Le PIB grec a reculé de 5,2% au troisième trimestre, après une contraction de 7,4% au trimestre précédent.
Face à cette défiance des marchés, l'Union européenne s'est dotée le 15 novembre d'une loi qui limitera la spéculation sur la dette des États européens, en interdisant dès le 1er décembre les "CDS à nu" sur les titres de dette souveraine et en encadrant les "ventes à découvert" à partir de 2012.
Les CDS, instruments financiers théoriquement utilisés pour se protéger contre le risque de défaut d'une entreprise ou d'un pays, ont été accusés d'amplifier la crise en servant à parier contre les États.
À partir du 1er décembre, il ne sera plus possible à un acteur financier d'acheter un CDS (credit default swap) ayant pour sous-jacent un titre de dette émis par un État européen sans être détenteur d'un tel titre.
La Commission européenne est de son côté partie en guerre contre les agences de notation, accusées d'avoir accentué la crise de la dette, avec la volonté d'encadrer plus strictement leurs activités.
Elle a en revanche renoncé, au moins temporairement, de suspendre la notation d'un pays si celui-ci devait être soutenu par un programme d'aide de l'UE ou du Fonds monétaire international (FMI), comme c'est le cas de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal.
AFP/VNA/CVN