Le répit généré par l'engagement des responsables européens, à l'exception du Royaume-Uni, à renforcer la discipline budgétaire en zone euro aura donc été de courte durée.
Son effet avait déjà commencé à s'éroder durant le week-end, des voix critiquant un accord qui manquait "de la puissance nécessaire pour avoir un effet durable", selon les mots du chancelier autrichien Werner Faymann. Mais le communiqué de l'agence de notation financière Moody's, tombé tôt le 12 décembre au matin, a définitivement effacé l'enthousiasme. "L'absence de mesures pour stabiliser les marchés sur le court terme signifie que la zone euro, et l'Union européenne plus largement, restent sujettes à de nouveaux chocs et que la cohésion de la zone euro demeure sous une menace persistante", a-t-elle prévenu.
Moody's envisage toujours d'abaisser les notes souveraines des pays de l'Union européenne, une dégradation qui pourrait intervenir durant le premier trimestre 2012.
La réaction des Bourses européennes a été immédiate et sans appel : elles ont ouvert en recul, et au cours de la matinée, la baisse s'est accentuée.
Vers 10h45 GMT, Paris perdait ainsi 0,95%, Francfort 1,98%, Londres 0,77%, Madrid 1,51% et Milan 2,03%.
Les nuages noirs s'accumulent au-dessus de la zone euro, qui attend fébrilement la décision de Standard & Poor's, l'agence ayant annoncé son intention de se prononcer "aussitôt que possible" - au vu des résultats du sommet européen -, sur les notes de quinze pays de l'Union monétaire.
Aucun pays ne semble désormais à l'abri, même les mieux notés, comme l'Allemagne ou la France.
Le dernier grand pays à avoir perdu son précieux triple A n'était autre que les États-Unis, cet été.
Annoncé comme un cataclysme, l'abaissement de sa note ne s'est finalement pas traduit par une augmentation du coût du financement de la dette pour la première économie mondiale. Mais la situation semble plus délicate pour les pays de la zone euro, qui ne bénéficient pas d'une monnaie de réserve comme le dollar et ne peuvent pas autant compter sur leur marché intérieur.
Seul pays à risquer de descendre de deux crans d'un coup, la France a tenté de déminer le terrain pendant tout le week-end, à coup de déclarations rassurantes. "Les messages des agences sont des messages parmi d'autres. (...) Ce n'est pas la grenouille du matin qui donne la météo", a ainsi minimisé le ministre français de l'Économie, François Baroin.
L'accord de Bruxelles crée les conditions d'une "sortie de crise", a encore martelé le 12 décembre dans entretien au Monde le président français Nicolas Sarkozy, pour qui perdre le triple A serait "une difficulté de plus, mais pas insurmontable".
L'intervention de Moody's "a réactivé l'aversion au risque des investisseurs en pointant l'absence de solution nouvelle" à l'issue du sommet de Bruxelles, a commenté l'analyste David White de Spreadex.
"Les marchés se montrent pessimistes après l'annonce de Moody's", ont également noté les analystes de Saxo Banque, car "si (lors du sommet, ndlr) tout a été entrepris afin de stabiliser les marchés sur le long terme avec la mise en place des fonds de sauvetage, presque rien n'a été fait pour le court terme".
Une nouvelle semaine cruciale en Grèce
À l'inverse, une émission obligataire en Italie -premier test sur les marchés depuis l'adoption d'une nouvelle cure d'austérité par le gouvernement de Mario Monti -, s'est plutôt bien déroulée, alors même que les principaux syndicats italiens ont appelé lundi à une grève unitaire de trois heures contre les mesures de rigueur.
Le Trésor italien a en effet réussi à lever comme prévu sept milliards d'euros d'obligations à un an avec des taux en légère baisse, signe d'une atténuation de la pression.
Sur le front grec, premier domino de la crise de la dette, la semaine s'annonce encore cruciale, avec de nouvelles rencontres le 12 décembre du ministre des Finances, Evangélos Vénizélos avec les inspecteurs de la troïka des créanciers du pays ainsi qu'avec le représentant des banques chargé de négocier l'effacement d'une partie de la dette du pays.
Au menu des discussions avec les experts de la zone euro, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international (FMI), M. Vénizélos doit faire le point sur l'application du deuxième prêt accordé au pays fin octobre, d'un montant de 100 milliards d'euros, en échange de nouvelles réformes réclamées par les créanciers du pays.
Au Royaume-Uni, la journée risque également d'être difficile pour le Premier ministre David Cameron qui doit s'exprimer devant le Parlement, alors que sa décision de s'opposer à un changement de traité à Bruxelles, trouve un large écho populaire mais ravive les divisions dans le gouvernement de coalition, où les libéraux-démocrates expriment ouvertement leur désaccord.
Dans ce contexte délicat, et alors même que l'OCDE vient de signaler un "ralentissement de l'activité" des grandes économies en octobre, la bouffée d'air frais pourrait venir d'Outre-Atlantique, avec une réunion le 14 décembre de la Réserve fédérale américaine qui devrait préparer les esprits à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire.
AFP/VNA/CVN