Dans Tunis et sa banlieue, où plusieurs quartiers avaient été soumis le 14 janvier au soir à la loi et la violence des pilleurs, souvent identifiés par plusieurs témoins comme étant des partisans, notamment des policiers, du régime de Ben Ali, des habitants tentaient le 15 janvier de s'organiser en comité de défense.
Le principal syndicat du pays, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé le 15 janvier au soir sur la télévision nationale à la formation de comité de vigiles "pour que les gens puissent se défendre eux-mêmes" en cas d'attaques.
Juste après l'entrée en vigueur du couvre-feu, le centre de Tunis était totalement désert, commerces et cafés étant fermés. Seule la présence de la police était visible.
Sur le front politique, le Conseil constitutionnel tunisien a proclamé le 15 janvier "la vacance définitive du pouvoir" et la nomination de Foued Mebazaa, président du parlement, au poste de président de la République par intérim. Ce dernier a ensuite prêté serment.
Ce nouveau retournement de situation, fondé sur l'article 57 de la Constitution, est intervenu à la demande de Mohammed Ghannouchi, Premier ministre sortant, nommé le 14 janvier président par intérim après la fuite de M. Ben Ali et qui ne sera resté que vingt-quatre heures à ce poste.
L'article 57 fixe de manière précise la transition à la tête de l'État. Il prévoit des élections présidentielles et législatives dans un délai de 60 jours maximum. La nomination le 14 janvier de M. Ghannouchi en vertu de l'article 56 laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali et avait été contestée aussitôt par des juristes et une partie de l'opposition.
Dans la matinée, Foued Mebazaa a affirmé que "tous les Tunisiens sans exception et sans exclusive" seraient associés au processus politique et promis de consacrer le pluralisme et la démocratie.
M. Mebazaa a également annoncé que le Premier ministre sortant Mohammed Ghannouchi était toujours chargé de former un nouveau gouvernement, ajoutant que "l'intérêt supérieur du pays nécessite un gouvernement d'union nationale" alors que des hélicoptères de l'armée survolaient la capitale. La police a bouclé le centre de la ville afin d'empêcher tout rassemblement, après des pillages.
Sur le terrain, les Tunisois ont découvert dans les premières heures de la journée un spectacle de désolation : voitures volées abandonnées dans les rues, boutiques et résidences de luxe incendiées, propriétés de la famille de Ben Ali et de son épouse Leïla particulièrement ciblées, destruction de portraits de l'ex-président.
Dans le Centre-Est du pays, au moins, 42 prisonniers ont péri dans l'incendie d'une prison de Monastir.
En France, des milliers de manifestants, dont 8.000 dans la capitale ont défilé le 15 janvier dans l’après-midi dans les grandes villes pour réclamer la démocratie après la chute de Ben Ali.
Paris a fait savoir que les proches de Ben Ali présents sur le sol français n'ont "pas vocation à rester sur le sol français, et ils vont le quitter", a affirmé à France Info le porte-parole du gouvernement François Baroin.
AFP/VNA/CVN