Les Accords de Paris passés au crible d’éminences grises

À l’occasion de l’anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam, Hanoi a accueilli ce 17 janvier une conférence internationale intitulée «Négociations des Accords de Paris en 1973 : 40 ans après».

L'événement s'est tenu à l’initiative de l’Université des sciences sociales et humaines du Vietnam, de l’Institut de l'histoire militaire, du ministère français de la Défense et de l’Université américaine Hawaï Pacific.

Conférence internationale intitulée «Négociations des Accords de Paris en 1973 : 40 ans après», le 17 janvier à Hanoi. Photo : Thanh Tuê/VNA/CVN

L'objectif de la conférence était de mieux comprendre ce moment historique sous l’angle de vue de spécialistes étrangers et des relations internationales, de souligner les intérêts et stratégies des grandes puissances dans le processus de préparation, de participation et de la clôture des négociations. De là, en tirer des leçons historiques, suggérer des études complémentaires.

La trentaine de rapports présentés à cette occasion par des spécialistes vietnamiens ainsi que des professeurs français, américains et allemands ont permis de cerner la signification historique de la signature des Accords de Paris ; le rôle de la presse et de l'opinion publique internationale ; le principe du Vietnam de «vua đánh vua đàm», c'est-à-dire "se battre tout en négociant"... En outre, les difficultés et atouts du Vietnam au moment où se dérouleraient les négociations bilatérales et plurilatérales ; le rôle de la partie française ont aussi été abordés.

 

Le Docteur Pierre Journoud, de l’Institut pour les études stratégiques de l’École militaire (ministère français de la Défense). Photo : Thanh Tuê/CVN

La France, entre engagements, construction et espoirs excessifs

La diplomatie française ne pouvait que se réjouir de la signature d`un accord de paix entre Américains et Vietnamiens : depuis l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, elle n`avait cessé d’exhorter les parties au conflit à privilégier des négociations directes en vie d’une solution politique. Une fois celles-ci ouvertes, elle a suggéré des concessions et des compromis pour en précipiter l’issue, et condamné tout ce qui pouvait nourrir l’escalade militaire, en particulier la politique de vietnamisation intensifiée par Nixon et les bombardements de décembre 1972 sur la région Hanoi-Hai Phong.

Au sein de la société civile, des Français, journalistes, experts ou membres d’associations humanitaires, se sont engagés aux côtés des Vietnamiens, à l’image du géographe Yves Lacoste qui, pendant l’été 1972, dénonça le caractère internationnel des bombardements américains sur les digues.

Les Accords de Paris, auquel Paul Isoart, un juriste spécialiste des conflits indochinois, a apporté son concours, reflète quelques-uns des principes que Paris a défendus et certains des compromis suggérés par les diplomates français. Son contenu fut jugé assez encourageant pour nourrir une satisfaction et un optimisme rapidement relayés par la presse. Cependant, bien des Français nourrissaient encore des illusions sur le respect de ses clauses politiques, malgré la poursuite de la guerre au Vietnam.

Au sein de l’administration Pompidou, on assiste à une tentative un peu maladroite de rééquilibrage des relations entre Hanoi et Saigon et, d’une manière plus général, à une identification excessive des Français à la “Troisième Force”.

 

Le professeur Pierre Asselin, de Université de Hawaï Pacifique.

Les Accords de Paris donnaient certaines garanties

Il y a une signification très importante à la fois du côté américain et du côté du Nord vietnamien. Pour les États-Unis, les Accords de Paris mettent fin à une guerre, qui vraiment a été très troublante pour les États-Unis. Pour Nixon, ça lui donne une justification de dire qu’il a eu une paix honorable.

Nixon voulait avoir un accord de paix, qui représentait vraiment pour lui beaucoup plus qu’un morceau de papier.

Les Accords de Paris donnaient quand même certaines garanties. Nixon pensait bien pouvoir renforcer certaines des garanties des Accords de Paris, et peut-être même mettre un terme à la guerre du Vietnam, et protéger Saigon, protéger le régime de Thiêu au Sud du Vietnam.

Pour Hanoi, c’est aussi une signification très importante. D’un côté, on a obtenu à travers ces accords signés en janvier le départ des Américains qui, en mars, retiraient leurs dernières troupes. Mais, en même temps, je crois que les Accords de Paris ont rendu les choses quand même assez difficiles pour le Vietnam durant les années 70 et 80. 

 

Tôn Nu Thi Ninh, vice-présidente de la Commission des relations extérieures à l’Assemblée nationale du Vietnam.

L’opinion publique parlait d’une même voix

À la fin des années 1960, j’étais étudiante à Paris. La capitale était en proie aux manifestations de mai 1968. Alors en pleine guerre, le Vietnam était devenu un symbole de lutte pour la liberté, et les Français l’utilisaient dans leurs slogans.

De notre côté, de manière naturelle et dans la foulée de ces évènements, nous avons mené une campagne pour sensibiliser les Viêt kiêu à la guerre, qu’ils soient paysans ou intellectuels.

À ce moment là, l’opinion publique parlait d’une même voix pour dire non à l’intervention américaine au Vietnam. L’objectif étant d’aider le pays à accéder à l’indépendance et à l’unification.

Parmi nous, certains étudiants ont dû abandonner leurs études pour soutenir les négociations. Ils ont passé beaucoup de temps à imprimer et à distribuer des tracts, à organiser des meetings, etc. J’étais dans ce cas. Je n’ai pas arrêté l’université, mais elle est passée au second plan. J’étais très engagée et motivée dans ces actions. Ce qui m’a très vite fait grandir.

En ce qui concerne le rôle de Nguyên Thi Binh dans les négociations des Accords de Paris, il est facile d’affirmer que sa présence a constitué un «atout important» pour la partie vietnamienne, car elle possédait de nombreux points forts : avoir une famille intellectuelle et patriotique ; avoir la capacité de respecter les principes du pays tout en négociant, de les imposer avec diplomatie ; utiliser couramment le français et l’anglais. Tout cela nous a permis de susciter de la sympathie vis-à-vis des journalistes.

Thanh Tuê/CVN

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