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À l’occasion du 40e anniversaire de la libération du Sud et de la réunification du Vietnam (30 avril 1975), du 125e anniversaire de la naissance du Président Hô Chi Minh (19 mai 1890) et du 70e anniversaire de la République socialiste du Vietnam (2 septembre 1945), l’Association des amis de Léo Figuères (ALF) a organisé, le 11 avril à la Médiathèque Pablo Neruda, à Malakoff (proche banlieue parisienne), une conférence intitulée «Vietnam, des luttes de libération nationale aux réalités d’aujourd’hui».
Beaucoup de livres, publications, films et manifestations de rues des opposants ont étalé au jour le jour les atrocités endurées par les Vietnamiens. À les croire, la guerre d’Indochine a été surpassée pour faire jaillir les cruautés de l’armada moderne américaine. Pour mieux appréhender les réalités contemporaines, il serait intéressant de retracer les jalons historiques de ces luttes.
Dans cet exposé, quelques éléments de réflexions seraient susceptibles de nourrir le débat, lors de la conférence de l’ALF. De la guerre d’Indochine française à la guerre d’agression américaine, quelles sont les réalités contemporaines du Vietnam ?
Impact de la guerre d’Indochine
Historiquement, le 20 juillet 1954, deux mois après la chute de Diên Biên Phu, les Accords de Genève, négociés côté français par Pierre Mendès France et côté Viêt-minh (Front de l’indépendance du Vietnam) par Pham Van Dông, ont mis définitivement fin à la guerre d’Indochine, qualifiée de «sale guerre» par nombre d’opposants. Ce traité, que n’ont signé ni les États-Unis ni la République du Sud-Vietnam, a reconnu aux combattants de Hô Chi Minh la moitié Nord du Vietnam, au-dessus du 17e parallèle, prévoyant le retrait des Français. Le pays a été divisé de part et d’autre du 17e parallèle en République démocratique du Vietnam, dirigée par Hô Chi Minh, et République du Sud, dirigée par Ngô Đình Diêm. Le Laos et le Cambodge sont devenus indépendants et évacués par le Viêt-minh.
La conférence de Genève pour l'Indochine - Accord sur la cessation des hostilités au Vietnam. |
Photo : Wikipédia |
Cependant, les questions suivantes pourraient susciter des réponses différentes à celles exposées.
Pourquoi la France a-t-elle perdu son pari en Indochine ?
À cause de la faiblesse de son dispositif militaire et de la précarité de ses positions. Dans son discours prononcé à l’Assemblée nationale française le 22 juillet 1954, Pierre Mendès France a souligné : «Si la guerre devait durer, le corps expéditionnaire français qui, dans le Nord de l’Indochine, se trouvait en situation difficile, serait mis en péril, à moins que ne lui soient envoyés, dans un délai très bref, des renforts importants. L’envoi du contingent devenait dès lors une nécessité impérieuse à moins qu’un armistice ne soit conclu très rapidement».
Parce que la France ne croit pas dans les accords qu’elle a signés à Genève. Pierre Mendès France a précisé que «le texte des accords en est parfois cruel, parce que les faits sont cruels, car le 21 juillet 1954, le président de la délégation du gouvernement de la République démocratique du Vietnam a fait savoir par lettre que son gouvernement, concernant les questions économiques et culturelles, n’entend opposer aucun obstacle de droit ou de fait au départ des personnes qui désireront sortir de la zone de regroupement. Dans les régions évacuées, les installations nécessaires au fonctionnement des services publics et industriels seront maintenues. La propriété des biens et des entreprises sera sauvegardée et respectée. Dans le domaine culturel, toutes les mesures nécessaires seront prises pour que les établissements français puissent continuer à fonctionner».
La marine vietnamienne durant la guerre d’agression américaine (1954-1975). |
Photo : Doàn Ty/VNA/CVN |
Parce que la France a pris à témoin la réserve des États-Unis. Par ailleurs, il y a eu une réserve formulée par la délégation des États-Unis qui a pris note des articles de la déclaration finale, à l’exclusion de celui prévu pour des consultations entre les membres de la conférence. Elle a déclaré qu’elle allait s’engager à respecter les accords sur la cessation des hostilités et qu’elle considérerait tout renouvellement de l’agression comme une grave menace dirigée contre la paix, dont elle devrait tirer les conséquences. Or, selon Pierre Mendès France, «si un pas important a été franchi vers le rétablissement de la paix en Asie du Sud-Est, nous demeurons soucieux de voir consolider la sécurité dans cette région. [...] Si cet équilibre était menacé, il en résulterait un danger sérieux pour l’Asie du Sud-Est, et à travers elle pour le reste du monde».
Pourquoi les souffrances du peuple vietnamien ont-elles continué ?
Parce que les élections générales au Vietnam n’ont pas été tenues. Dès le début de la conférence, par une décision unanime des neuf participants, le règlement n’aurait qu’un caractère provisoire et l’unité du Vietnam serait rétablie dans le cadre d’élections générales sous contrôle international. Après de longs débats, il a été décidé que les élections auraient lieu en juillet 1956, deux ans après les Accords de Genève, sous un contrôle international par une Commission composée de représentants de l’Inde, du Canada et de la Pologne. Ces élections ont été refusées par la République du Sud qui a appelé à l’aide l’allié américain.
Enfin la victoire et la réunification
Quand la nation est unie comme un seul homme et qu’elle n’a qu’une seule pensée, la victoire est assurée. Le Président Hô Chi Minh a précisé dans son «Appel au peuple du Nord au Sud» les raisons de la lutte pour la liberté et l’indépendance du pays :
Premièrement, c’est pour défendre la paix, l’unité, l’indépendance et la démocratie que, durant neuf longues années, notre peuple, notre armée, nos cadres et notre gouvernement ont, d’un même cœur, enduré de nombreuses souffrances, surmonté toutes les difficultés, mené avec acharnement la guerre de résistance et remporté d’éclatantes victoires.
Deuxièmement, pour rétablir la paix, les deux parties doivent, avant tout, observer le cessez-le-feu.
Troisièmement, la lutte pour la consolidation de la paix, la réalisation de l’unité, de l’indépendance et de la démocratie seront également longues et dures.
Il importe d’intensifier le travail de restauration et d’édification, de consolidation et de développement dans tous les domaines en vue de réaliser pleinement notre indépendance nationale. Nous devons également faire des efforts pour réaliser les réformes sociales qui permettront de relever le niveau de vie du peuple et de promouvoir la véritable démocratie. Nous renforcerons davantage l’amitié fraternelle avec les peuples khmer et lao. Nous consoliderons la grande amitié avec l’Union soviétique, la Chine et les autres pays amis. Pour la cause de la paix, nous devons raffermir les liens qui nous unissent au peuple de France, aux peuples d’Asie et du monde entier.
La piste Hô Chi Minh, la légende la plus connue de la guerre du Vietnam. |
Photo : Van Bao/VNA/CVN |
La mise en déroute de l’armada américaine. Historiquement, les Américains ont voulu assurer leur autorité car Kennedy a multiplié l’envoi de «conseillers militaires» et, avec Johnson, à partir de 1965, 550.000 soldats sont venus combattre contre les Viêt-công (communistes du Front national de libération du Vietnam du Sud). La presse et les médias ont qualifié l’intervention américaine de «bourbier vietnamien». Les Américains ont eu beau fortifier la frontière entre les deux Vietnam, les Nord-Vietnamiens ont continué à la contourner par la «piste Hô Chi Minh» pour aider le Front de libération nationale du Sud, revendiquant ainsi l’unification.
Dès lors, Johnson a ordonné en 1965 le début des bombardements massifs sur le Nord (au total : deux fois plus que lors de la Seconde Guerre mondiale, soit 7,8 millions de bombes). Le Nord a résisté. Les États-Unis sont montrés du doigt par l’opinion internationale. Surtout après le massacre de My Lai (province centrale de Quang Ngai) grâce aux reportages sur Kim Phúc, la petite fille brûlée au napalm, et le largage de l’agent orange/dioxine au Centre et au Sud du pays de 1961 à 1971.
Kim Phúc (centre), la petite fille brûlée au napalm durant la guerre du Vietnam. |
Photo : Nick Ut/CVN |
L’impact laissé par ce produit chimique toxique sur la santé humaine et l’environnement au Vietnam est encore présent. Les dégâts, une cinquantaine d’années après, montrent encore les supplices des habitants qui ont été mutilés. Leurs corps témoignent une souffrance sans limite (malformations, amputations des jambes, des bras, perte de la vue, diverses maladies, cancers). Ces drames ont été qualifiés de «plus grande guerre écologique de l’histoire de l’humanité» et sont dus à l’action chimique du défoliant, appelé agent orange, stocké dans des tonneaux marqués à la couleur orange.
Aujourd’hui, le Vietnam est encore un pays brisé. Le paysage y est toujours défiguré par les cratères de bombes, et la population continue à vivre dans la pauvreté malgré les avancées économiques et technologiques du pays.
Réparer et avancer
Actuellement, les réalisations vietnamiennes s’imposent sur la scène internationale concernant la réparation des plaies des guerres passées et la reconstruction du pays. L’ouverture sur le plan politique, économique et culturel (sans oublier l’amitié du peuple français et les associations d’amitié travaillant avec le Vietnam) n’est pas négligeable.
Une victime vietnamienne de l’agent orange/dioxine, largué par l’armée américaine de 1961 à 1971. |
Photo : Nguyên Thuy/VNA/CVN |
Puis, sur le plan d’action national, une plate-forme institutionnelle a été créée pour concevoir et mettre en œuvre de manière coordonnée des dispositions politiques de sécurité alimentaire et de nutrition pour la réduction de la pauvreté et le développement rural.
Sur les deux guerres de libération menées par le peuple, celle achevée en 1975 après deux décennies a eu de nombreuses interprétations. Les États-Unis ont voulu faire du Vietnam le «bastion du monde libre» contre l’«expansion communiste» en Asie. Pour d’autres, l’expérience vietnamienne était exemplaire de la révolution internationale contre les «forces réactionnaires». Ces deux visions concorderaient sur deux points : la projection sur le Vietnam de leurs propres aspirations et l’attention sur la place de cette guerre contre les États-Unis, champions de la démocratie, dans les enjeux internationaux.
Le prix de la victoire au Vietnam devenant trop lourd à supporter en vies et en dollars, les Américains ont laissé les Vietnamiens payer la facture. Malgré l’impact important de la réunification, les victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine continuent leur combat pour le droit à la justice avec l’Association vietnamienne pour les victimes de l’agent orange/dioxine (VAVA).