La diaspora vietnamienne du Québec

Outre ses connotations métaphysiques et même scientifiques, le terme vietnamien Duyên évoque, dans nos croyances populaires la mystérieuse attraction mutuelle de deux êtres et (aussi d'un être et d'une chose) qui les fait se rencontrer pour être liés par des liens de communion spirituelle, d'amitié ou d'amour.

Dans ce cadre sémantique, je pourrais dire que je suis lié au Québec, au Canada, par un certain Duyên, bien que je n'aie jamais mis des pieds sur cette terre nord-américaine.

Tout d'abord à cause de la langue française. En 1997 s'est tenu le Sommet francophone à Hanoi. À cette occasion, le Québec voulait financier un livre sur Hanoi en français pour l'offrir en souvenir aux chefs d'État et autres représentants des pays participants. Par l'intermédiaire de notre ministère de la Culture, cette tâche me fut confiée. Il m'a fallu plusieurs mois d'effort pour réaliser ce projet, - textes et photos -, avec l'aide de collaborateurs vietnamiens et de deux experts québécois pour la mise en page et la présentation photographique. Le ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec est venu à Hanoi pour la cérémonie de la remise de mes Esquisses pour un portrait de Hanoi aux autorités de la capitale.

Par la suite, d'autres activités me lient au Québec. Depuis la fin de la guerre au Vietnam, mon camarade de lycée NHP établi au Québec comme réfugié a entretenu une correspondance amicale avec moi, jusqu'à son décès à plus de 80 ans. L'agence canadienne CECI m'invite régulièrement à donner à ses volontaires des causeries sur la culture vietnamienne. Le même service m'est demandé par l'Université de Hanoi, à l'intention des étudiants québécois qu'elle héberge.

En tant que chercheur culturel, il est naturel que je sois curieux de savoir quelque chose sur la vie de nos compatriotes implantés au Québec et au Canada en général. J'ai eu la chance de tomber sur Les Vietnamiens de Montréal de Louis-Jacques Dorais et Eric Richard (Les Presses de l'Université de Montréal - Québec, 2007), qui m'offre des renseignements précieux à ce sujet. Cet ouvrage qui privilégie une approche anthropologique est le fruit d'une dizaine d'années de recherche et d'enquêtes sur le terrain. Le choix de Montréal est on ne peut plus justifié. Métropole du Québec et deuxième plus grande agglomération urbaine du Canada, elle compte plus de 25.000 Vietnamiens en 2001.

On peut distinguer quatre vagues d'immigration vietnamienne au Québec. La première avant 1975, de caractère sporadique, à partir de 1950 : un petit nombre d'étudiants et de religieuses carmélites ; avant la chute de Saigon, le Canada comptait 1.500 résidents d'origine vietnamienne, dont les trois quarts au Québec, surtout des étudiants et d'anciens étudiants avec leurs familles. La première vague des réfugiés eut lieu en 1975 - 1976 (hommes politiques, professeurs, fonctionnaires, commerçants). La deuxième vague 1979-1982, celle des boat people était une émigration de masse, beaucoup plus importante (au Canada, près de 95.000 personnes accueillies entre 1979 et 1982). Le troisième vague depuis 1982 comprenait un nombre important de Vietnamiens parrainés par des parents déjà établis au Canada (entre 1983 et 1986, la moitié des 34.400 émigrés venant du Vietnam).

Côté exotique mis au point, la diaspora vietnamienne se fait remarquer au Québec à plusieurs titres : personnages d'origine vietnamienne font leur apparition dans des romans télévisés et autres émissions locales, restaurants synonymes de gastronomie exotiques à bon marché, professionnels (esthéticiennes, pharmaciennes, dentistes, etc.) aux services desquels on a recours, -voyages au Vietnam qui séduisent les jeunes touristes. D'autre part, les Vietnamien se sont adaptés admirablement à leur société d'accueil. Tout en assumant la citoyenneté québécoise, ils ne renoncent pas à leur identité vietnamienne.

L'expression vietnamienne, selon Dorais et Richard, "se structure autour de trois axes majeurs qui lui donnent sens : le rattachement à une communauté ethnoculturelle spécifique, les +Vietnamiens+, le désir de s'intégrer pleinement sans toutefois s'y assimiler à la société d'installation - ainsi que les pratiques mettant ce désir en acte, la participation à des réseaux transnationaux surtout fondée sur les liens de parenté. Chacun de ces actes favorise l'acquisition d'une forme spécifique de +capital social - de cohésion par le premier, de relation par le second et de collaboration par le dernier+".

Mais l'expression vietnamienne ne pouvait réussir sans la politique multiculturaliste. "Depuis 1971, le gouvernement fédéral, suivi dix ans plus tard de celui du Québec, a fait du plurialisme culturel une composante essentielle de la nation et un facteur incontournable de la gouvernance étatique".

La double identité culturelle Québec (Canada)-Vietnam durera-t-elle ? Aux Vietnamiens de la seconde et de la 3e générations de "décider si cela vaut la peine de préserver une certaine spécificité identitaire ou, au contraire, s'il est préférable de se fondre complètement dans le Québec et le Canada majoritaires, ce en adoptant la totalité des pratiques, des valeurs et des représentations qui prévalent en Amérique du Nord".

Huu Ngoc/CVN

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