Si son brevet fut accordé le 25 août 1810 au commerçant anglais Peter Durand, sa conception en revient au confiseur français Nicolas Appert (1749-1841), que les Britanniques qualifieront d'ailleurs de "bienfaiteur de l'humanité".
Pour ce natif de Châlons-en-Champagne (Nord-Est), soucieux de pallier les faiblesses des moyens de conservation, la marine devint le champ expérimental de son procédé de stérilisation par la chaleur des aliments et de leurs contenants.
C'est que le scorbut, lié aux difficultés de stockage ou d'approvisionnement en fruits et légumes frais riches en vitamine C fait alors des ravages à bord des navires. On y meurt davantage de la maladie que des combats.
L'"appertisation", élaborée en 1795, soit 60 ans avant la pasteurisation, et mise en application dans la première fabrique de conserves au monde que crée Nicolas Appert en 1802 près de Paris, est plébiscitée par les marins.
Le gouvernement offre le choix à son inventeur : prendre un brevet ou offrir sa découverte à tous et recevoir un prix du gouvernement. Appert opte pour la seconde solution et publie en juin 1810 à ses frais "L'Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales".
Ses méthodes sont aussitôt copiées en Grande-Bretagne, dans des bocaux en verre, mais aussi dans des boîtes en fer blanc, un acier laminé et étamé.
Aux États-Unis, les conserves font bientôt le bonheur des mineurs et des trappeurs. Plus aisé d'emporter son corned-beef en boîte qu'un boeuf avec son fourrage. Même s'il faut en percer le métal avec un burin ou un fer à souder.
Il faudra attendre 1894 pour qu'apparaisse la "clé universelle" permettant de rouler le couvercle des boîtes de sardines autour de la languette. Puis 1967, pour voir l'apparition de l'anneau fixé sur les canettes de sodas.
Mais les résistances proviennent moins du contenu que du contenant. En France, pays de l'excellence culinaire, c'est parfois avec réticence (et toujours avec mauvaise conscience) que la femme au foyer, longtemps chargée de la préparation du repas, recourt à la conserve plutôt qu'au produit frais.
Pendant des années prévaut l'idée que les boîtes de cassoulet, de soupes, ou de spaghettis à la bolognaise prêtes à réchauffer sont l'apanage des hommes célibataires, des associations humanitaires et des banques alimentaires.
Un obstacle a récemment surgi avec la mise en cause de la toxicité du bisphénol A, un composé chimique utilisé dans la fabrication de plastiques alimentaires et dans le revêtement intérieur des boîtes de conserve.
Mais, même en cas de modifications de fabrication, le récipient bicentenaire a encore de beaux jours devant lui.
Le roi américain du "Pop-Art" Andy Warhol l'a promu au rang d'icône artistique, via la fameuse "Campbell Soup" des années 60, les artistes "compresseurs" César et Arman, l'ont célébré en la ratatinant.
Reste que là où les artistes africains, dans leur récupération artistique, en font de beaux oiseaux bariolés, un mauvais plaisantin, Piero Manzoni, a jugé bon d'y concevoir sa très contestée "Merda d'Artista" (1961), 90 petites boites de conserves, contenant chacune 30 grammes d'excréments.
AFP/VNA/CVN