Elle préserve l’âme de la poterie Cham

Cela fait maintenant 70 ans que Đon Thi Hiêu consacre sa vie à la céramique traditionnelle de son ethnie : les Cham. Rencontre avec la potière Cham la plus chevronnée de la province de Binh Thuân, au Centre.

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L’artisane Đon Thi Hiêu au travail.
Photo : Vân Duong/CVN

Đon Thi Hiêu pose ses mains nues sur l’amas d’argile. Après une brève conversation avec les visiteurs, elle commence à modeler la terre qui se transformera en œuvre d’art. Dès que ses mains entrent en contact avec la matière, son attention se porte toute entière sur son travail. Les touristes observent chacun des gestes de l’octogénaire. La magie s’opère : grâce aux seuls mouvements de ses mains, l’artisane donne vie à ce tas informe d’argile et il devient une bassine parfaite en l’espace de quelques minutes, sans l’aide d’aucun moule.

Après avoir terminé son travail, Mme Hiêu se tourne et sourit aux visiteurs. Elle leur raconte sa rencontre avec la poterie, il y a plus de 70 ans… Ce métier fait partie intégrante de la culture Cham. Il se perpétue principalement dans les villages de Bàu Trúc et de Binh Đuc (appelé autrefois Tri Đuc), des provinces de Ninh Thuân et Binh Thuân (Centre). Si Bàu Trúc est à présent une destination renommée, Binh Đuc reste assez méconnue des touristes.

La poterie de Binh Đuc est également appelée poterie Go (marmite en langue Cham). Ce village d’artisanat se trouve dans la commune de Phan Hiêp, du district de Bac Binh, à 65 km de la ville de Phan Thiêt. On peut y admirer toutes les étapes de la production, qui était réservée autrefois aux femmes les plus habiles.

Un métier éprouvant

La maison de Đon Thi Hiêu, 82 ans, est aujourd’hui très fréquentée. Mais sa vie n’a pas toujours été aisée. Ses parents sont décédés lorsqu’elle était encore très petite. Elle a suivi les artisans de son village pour apprendre les secrets de l’art de la céramique. Grâce à son habileté et son assiduité, sa technique s’est très vite améliorée.

À présent, son talent et son savoir-faire ne sont plus remis en question. Elle a atteint la consécration internationale lorsqu’elle a été invitée au Japon, en 1996, pour présenter les techniques de cuisson de Binh Đuc lors d’une foire des villages de métiers traditionnels. Les artisans japonais, chinois, indiens, thaïlandais, philippins… ont tous exprimé leur admiration face à la technique de cuisson en plein air de Mme Hiêu.

La production de la poterie telle qu’elle est pratiquée à Binh Đuc nécessite plusieurs étapes complexes. La première est la sélection de l’argile. Les artisans doivent se rendre à plus de 10 km du village pour y prélever une argile de haute qualité, à une profondeur de 2 m. Cette argile est ensuite battue à plusieurs reprises, arrosée d’eau et recouverte pendant deux jours pour assurer sa flexibilité. Enfin, on y incorpore du sable fin.

Une œuvre prend forme.
Photo : VNA/CVN

La technique des Cham se caractérise aussi par le tour de haute taille qu’utilisent les artisans. Ce n’est pas celui qui pivote comme c’est le cas habituellement, mais le potier qui se déplace autour. Les objets sont ensuite séchés en une journée et frottés avec un chiffon pour les faire luire. Puis ils sont rassemblés pour être cuits ensemble.

L’argile de la province de Binh Thuân n’est pas exposée à la haute chaleur du four. L’artisan, pendant la cuisson, fait alterner une couche de poterie, une couche de bois et enfin une couche de paille. "S’il fait beau et que le vent est fort, la cuisson sera assurée. Mais s’il pleut, les poteries ne seront pas bien cuites", informe Mme Hiêu. Grâce à leur expérience, les artisans savent exactement quand la cuisson est accomplie.

Les motifs ornementaux sur les poteries se démarquent par leur originalité. En effet, les Cham utilisent des feuilles et fruits pour en extraire les pigments naturels qui serviront à colorer les objets après la cuisson. "Il me faut quatre jours pour réaliser une poterie. Toutes les étapes de la production sont éprouvantes. C’est pourquoi seulement trois ou quatre foyers exercent encore ce métier ancestral", confie Mme Hiêu. Pourtant, sa passion pour le métier traditionnel de son village ne tarit pas.

Si vous souhaitez découvrir cet artisanat, sachez que Đon Thi Hiêu présente régulièrement au Centre d’exposition de la culture Cham de la commune de Phan Hiêp ses œuvres et l’art de la poterie de son ethnie aux visiteurs.


Vân Anh/CVN

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