Elle a succombé aux chants des courtisanes

Pho Thi Kim Duc est un grand nom du ca trù (chant des courtisanes). Cette femme, aujourd’hui octogénaire, a consacré toute sa vie à sa passion et s’occupe maintenant de former des jeunes.

L’«Artiste émérite» du ca trù Pho Thi Kim Duc.

Pho Thi Kim Duc est actuellement la dernière chanteuse encore vivante de la troupe Khâm Thiên-Thang Long, un célèbre groupe d’artistes de ca trù, populaire avant 1945.

À 81 ans, la vieille dame ne montre néanmoins aucun signe d’épuisement. Au contraire, elle parle avec aisance et cohérence, surtout quand il s’agit de sa carrière.

En fait, elle est tombée dedans quand elle était petite. Son père déjà était chef de chœur et jouait du dàn day (luth à 3 cordes) dans la troupe Khâm Thiên-Thang Long. À 7 ans, elle savait fredonner ses premières mélodies. Et à 13 ans, la petite Kim Duc a commencé à monter sur scène pour chanter avec son père et ses frères. Sa voix limpide, son sens du rythme et de la poésie l’ont ensuite rapidement rendue célèbre à Hanoi dans les années 40.

La discipline avant tout

Après 1945, le ca trù tombe progressivement dans l’oubli et les chanteurs se font rares. Même si la famille de Kim Duc a envie de continuer. Entre 1960 et 1986, elle travaille à la radio La Voix du Vietnam, comme interprète de chèo (théâtre populaire chanté), alors bien plus populaire. Mais chaque fois que l’occasion lui est donnée, elle présente l’art ca trù aux auditeurs. Avec succès. C’est ainsi qu’elle a reçu, alors qu’elle travaillait à la radio, le titre d’«Artiste émérite», pour sa contribution à préserver les musiques traditionnelles, et notamment le ca trù.

Lors d’une séance de représentations sur scène.

Aujourd’hui à la retraite, l’artiste est plus active que jamais, et enseigne sans relâche aux jeunes. Pourtant, elle sélectionne rigoureusement ses élèves. «L’apprentissage de cet art traditionnel est très difficile. Il faut l’avoir dans le sang et s’y donner à fond. J’accepte seulement ceux qui prouvent leur motivation», commente-t-elle. Les cours sont tous gratuits. L’artiste enseigne les techniques vocales et respiratoires, très particulières dans la position assise qu’impose cet art, la confection des costumes, et même l’hygiène de vie à adopter pour être au plus haut niveau. C’est ainsi que de nombreux artistes célèbres de ca trù et de chèo tels que Xuân Hoach, Dang Công Hung et Doàn Thanh Binh viennent de ses cours.

Avec deux de ses élèves.

Notons par ailleurs que Kim Duc ne s’est pas contentée de pratiquer cet art, elle l’a aussi bien étudié. Notamment l’interprétation et la voix. «Le +ca trù+ est une musique traditionnelle originale, à la fois populaire et savante. C’est de la poésie chantée. La technique de chant est à la fois subtile et conventionnelle», indique-t-elle. Elle a consacré beaucoup de temps à l’étude des partitions de ca trù, qu’elle a rassemblées dans un manuel dédié.

Un outil majeur d’enseignement, qui a aussi pour vocation de préserver une musique menacée de disparition. D’après Kim Duc, la transmission orale ne suffit pas, il faut en effet laisser une trace écrite comme c’est le cas avec les autres musiques, et a aussi enregistré des CD pour appuyer ses cours. Elle souhaite surtout que les générations futures soient bien conscientes de la valeur et de la beauté du ca trù.

Linh Thao/CVN

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