Cinq ethnies minoritaires menacées de disparition

Perdre son identité culturelle peut mettre fin à l’existence d’un peuple. C’est le cas de cinq minorités ethniques à la population peu importante, qui perdent progressivement leurs langue, écriture, habillement, us et coutumes.

Une fête traditionnelle des Brâu.

Les Si La, O Du, Brâu, Ro Mam et Pu Péo sont cinq ethnies minoritaires comptant chacune moins de 1.000 personnes. Bien que le Parti et l’État aient mis en place des politiques de soutien en leur faveur, leurs traditions se perdent peu à peu : elles n’utilisent quasiment plus leur langue, elles ne portent plus leurs costumes traditionnels, leurs fêtes et coutumes spécifiques ne sont plus guère pratiquées. Elles sont peu à peu assimilées à d’autres groupes ethniques.

La langue, pilier de l’identité culturelle

Ainsi, l’ethnie O Du ne compte plus que 91 familles, soit 432 personnes, qui vivent essentiellement dans le village de Vang Môn, commune de Nga My, district de Tuong Duong, province de Nghê An (Centre). Cohabitant avec les Thái, Kinh et Kho Mú, les O Du communiquent entre eux avec les langues de ces trois ethnies, et n’utilisent plus leur langue maternelle. Le nombre de gens qui connaissent la langue O Du (famille linguistique austro-asiatique) à Vang Môn peut se compter sur les doigts d’une main. Il s’agit principalement de personnes de plus de 70 ans. Même dans la plus ancienne invocation rituelle des O Du utilisée lors des cérémonies de culte, plus de 70% des mots sont tirés de la langue Thái (famille linguistique Tai-Kadai).

Une maison sur pilotis des O Du.

«Depuis la réinstallation des O Du dans le village de Vang Môn, leur vie est meilleure, mais leur identité se perd peu à peu. Auparavant, dix personnes âgées connaissaient la langue O Du, il n’en reste plus que cinq. Mais du fait de leur grand âge, elles tendent à l’oublier et peuvent difficilement la transmettre. De ce fait, les enfants n’ont pas l’occasion d’apprendre la langue de leur ethnie, parce que même leurs parents ne la connaissent pas», déplore le chef du village, Lo Xuân Tình.

De même, les O Du ne portent plus leurs habits coutumiers, mais ont adopté ceux des Thái. Les jeunes à Vang Môn ne savent rien des costumes traditionnels de leur ethnie. L’unique habit traditionnel des O Du à Vang Môn appartient au chef du village. Chaque fois que Lo Xuân Tình assiste à certains colloques ou autres événements, il le porte «pour que les autres sachent que mon ethnie possède aussi ses propres costumes». Mais selon les personnes âgées du village de Vang Môn, cet habit est destiné aux chamans pour les cérémonies de culte, alors que les gens ordinaires portent des habits en coton brut. Aujourd’hui, on ne peut distinguer les O Du des autres ethnies que par leur patronyme : Lo.

Processus d’acculturation en cours

Aujourd’hui, il ne reste plus que 628 Pu Péo vivant dans la province montagneuse de Hà Giang (Nord).

Autre exemple de cette déculturation, les Pu Péo. C’est une ethnie relativement riche au niveau culturel, avec des fêtes, des coutumes, des chansons folkloriques, des contes transmis par le biais de systèmes d’écriture et de langage spécifiques.

Mais la culture des Pu Péo à Hà Giang (une province montagneuse du Nord) s’efface également peu à peu. Il ne reste plus que 628 personnes, vivant essentiellement dans la commune de Phô Là du district de Dông Van, les communes de Sung Tráng et de Phú Lung du district de Yên Minh, et partiellement dans la commune de Yên Cuong du district de Bac Mê. «Le nombre de Pu Péo qui connaissent bien l’identité culturelle de leur ethnie est très modeste», assène Cung Phù Vân, l’un de ceux qui préservent encore plusieurs chansons et danses anciennes des Pu Péo. «Actuellement, il n’y a pas beaucoup de gens qui savent écrire et parler la langue Pu Péo, la majorité utilisant celle des H’mông. La langue Pu Péo est seulement utilisée lors des fêtes traditionnelles. Or, ces dernières ne sont retranscrites que dans quelques rares documents», souligne Cung Phù Vân.

Disparition des langues,
un «massacre»

Certains experts prévoient qu’au cours du présent siècle, de 50% à 90% des langues parlées actuellement disparaîtront, c’est-à-dire de 3.000 à 4.000 langues. En Europe, sur 123 langues recensées - le continent le moins menacé -, on compte 9 langues «moribondes», 26 «proches de l’extinction» et 38 «en danger».
Selon une étude de l’UNESCO (commencée en 1997 et dont le rapport fut diffusé en 2002), pas moins de 5.500 langues sur 6.000 disparaîtront d’ici un siècle et seront devenues des langues mortes au même titre que le latin et le grec ancien. Cela signifie que 90% des langues actuelles seront liquidées au cours de ce siècle. Un «massacre», estime l’UNESCO. Le pire, c’est qu’on ne le remarquera peut-être même pas, car la disparition d’une langue ne représente jamais un événement bien spectaculaire. Pourtant, on peut parler d’un véritable «cataclysme» qui se produira dans l’indifférence générale.

D’après le Dr Vuong Xuân Tình, directeur de l’Institut d’ethnologie (Académie des sciences sociales du Vietnam), ces cinq minorités ethniques en voie de disparition ont perdu leur écriture. Leur culture traditionnelle n’est donc transmise qu’oralement de génération en génération. Lors des contacts, échanges avec d’autres groupes ethniques, leurs caractéristiques culturelles font l’objet d’un processus d’acculturation. Ainsi, les Si La ont un langage hybride incorporant de nombreux mots et expressions de langues de certaines autres ethnies de la même famille linguistique (Tibéto-birmane) comme les Hà Nhì, La Hu, Công. Phénomène identique avec la langue des Brâu largement influencée par celle d’autres ethnies telles que Ba Na, Xê Dang, Ka Dong.

La préservation de ces minorités culturelles menacées de disparition est un enjeu crucial. Chaque culture qui disparaît, chaque langue qui cesse d’être parlée, constitue une perte immense pour la diversité culturelle, du pays et du monde.


Hoàng Minh/CVN

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