Ces «gardiens de l’âme» du then

Chacun a des conditions de vie différentes mais les chanteurs de then de Tuyên Quang partagent le même souhait : préserver et transmettre aux jeunes. Cet art vocal en perte de vitesse qu’ils comptent bien revigorer.

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L’artiste Hà Thuân a composé une soixantaine de chansons de then.

L’artiste Hà Thuân (commune Tân An, district de Chiêm Hoa), est la première personne de l’ethnie Tày de Tuyên Quang reconnue «Artisan folklorique». Sa famille compte six enfants tous capable de chanter le then. Son grand frère Hà Phan, avant sa mort, souhaitait toujours que ses trois manuscrits sur le sujet soient publiés pour être transmis aux futures générations.

«Une vie sans+ then+ est comme un oiseau sans cri, un arbre sans fleur ou un poisson sans eau», exprime, lyrique, Hà Thuân en jouant du dàn tinh (instrument à deux ou trois cordes à manche long, dont la caisse de résonance est une calebasse coupée et séchée. NDLR) et chantant Ban em don xuân (Mon village accueille le printemps) composée par son feu frère Hà Phan.

Ces dernières années, Hà Thuân a composé une soixantaine de chansons et en a collecté des dizaines d’autres. Comme ces chansons sont en caractères chinois, il a dû les traduire en langue Tày.

Hoàng Tiên Cac, de l’ethnie Tày (commune Yên Nguyên, district de Chiêm Hoa), a consacré 30 ans à l'étude, à la préservation et au développement des chants then.

Il raconte qu'à l'âge de 19 ans, il est allé dans la province de Cao Bang pour apprendre ce chant car il y avait là-bas des artistes qui conservaient la quintessence de cet art. Après plusieurs mois, il a pu chanter et jouer du dàn tinh. Il a modifié d'anciennes chansons pour faciliter l’apprentissage des jeunes.

Hoàng Tiên Cac (gauche) a ouvert des classes d’enseignement du then à des jeunes.

Selon lui, le then reflète la vie des Tày car il est chanté lors des événements importants. Pour le développer, il organise des cours de then et dàn tinh pour les jeunes.

Une autre personne qui contribue à préserver cet art vocal à Tuyên Quang, c’est Mông Tri Thuc de l’ethnie Tày (commune de Phu Lâm, district de Yên Son). Il est surtout connu comme luthier. Il a fabriqué des centaines de dàn tinh pour les troupes artistiques dans et hors de la province.

«Quand on parle du + then+, on ne peut pas oublier le +dàn tinh+. Le +then+ est le cadeau du ciel et de la terre offerts au Tày. Mais sans le +dàn tinh+, il est comme un printemps sans fleurs d’abricotiers», exprime-t-il avec fierté.

Un club de préservation à Tân Lâp

Depuis sept ans, la maison sur pilotis de Ma Van Truoc, hameau de Tân Lâp, commune de Tân Trào, province de Tuyên Quang, est le lieu de ralliement des amoureux du then.

Ma Van Truoc, 87 ans, de l'ethnie Tày, est connue comme un fervent protecteur de la culture de son ethnie. "Chaque ethnie a ses propres particularités culturelles. Pour nous, les Tày, ce sont les chants +then+ et +coi+. Ils nous viennent de nos ancêtres, c'est pourquoi il nous faut les préserver et les transmettre à notre tour", explique-t-il.

Nguyên Thi Liên (centre) chantant du then en s’accompagnant au dàn tinh. 

"Le +then+ se joue lors des fêtes mais aussi des obsèques. Ce chant est un élément essentiel de notre vie culturelle. Cependant, on l’entend de moins en moins dans les villages. Il faut faire quelque chose sinon il disparaîtra", s’alarme-t-il.

En 2005, il a fondé un club dans son hameau. Une dizaine de participants au début mais une trentaine actuellement, de 17 à 87 ans. Ils se réunissent trois fois par semaine.

Luu Thi Phuong, 56 ans, est l’une des pionniers. "Je me souviens quand j'étais petite, pendant la guerre, ma grand-mère et ma mère jouaient souvent du +then+ pour les combattants. Je les accompagnais et de temps en temps, je chantais et je dansais aussi".

Attirer les jeunes

Nguyên Thi Liên, une des plus jeunes membres, confie : "Au début, je ne faisais qu'accompagner ma mère au club, mais petit à petit je me suis passionnée. Alors, j'ai décidé d’adhérer. Maintenant, je peux chanter en jouant du +dàn tinh+».

"Nous nous exerçons ensemble et jouons souvent pour des touristes étrangers", s’enorgueillit Hoàng Van Hoa, 27 ans, chef du club artistique du hameau.

Le chef adjoint du Comité populaire de Tân Trào, Hoàng Cao Khai, ne tarit pas d’éloge pour ce type d’initiative : "Pour valoriser les potentiels touristiques du district, le comité culturel local soutient la fondation de clubs comme celui de Ma Van Truoc. En plus d’attirer des touristes ici, ils permettent de transmettre des valeurs de nos aïeux qu’il serait bien dommage de voir disparaître".

Actuellement, Tuyên Quang compte 22 ethnies minoritaires qui possèdent leurs propres coutumes, qui appartiennent au patrimoine de toute la province. «Les artistes de +then+ cherchent à préserver cet art et à le transmettre aux générations futures. C’est un travail inestimable», insiste la vice-présidente du Comité populaire provincial, Vu Thi Bich Viêt.

Hà Minh/CVN

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