>>Les Accords de Paris passés au crible d’éminences grises
Située au 17, avenue Cambacérès, dans le village de Verrières-le-Buisson, cette villa a été le siège, pendant plus de cinq ans consécutifs (1968-1973), des négociations bilatérales et quadripartites, entre les États-Unis, la République démocratique du Vietnam (Nord Viêt Nam), le gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam, et la République du Viêt Nam (Sud Viêt Nam), pour la signature des Accords sur la cessation de la guerre et l’établissement de la paix dans le pays (le 27 janvier 1973).
La villa recèle plein de souvenirs inoubliables attachés à la lutte du peuple vietnamien pour l’indépendance et la liberté. Photo : Archives/CVN |
C’est là que séjournèrent Nguyên Thi Binh, alors ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation du gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam, et un certain nombre de participants à négociations tantôt ouvertes, tantôt secrètes. (Nguyên Thi Binh a été de 1992 à 2002 vice-présidente de la République socialiste du Vietnam, Ndlr).
Consciente de la valeur historique de cette maison, la mairie de Verrières-le-Buisson a, en collaboration avec l’ambassade du Vietnam en France et des amis français, posé le 13 octobre dernier une plaque commémorative portant l’inscription : «Ici, de 1968 à 1973 a séjourné la délégation du gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam participant aux négociations et à la signature des Accords de Paris, le 27 janvier 1973». Ce pavillon avait été loué grâce à l’aide des membres du Parti communiste français.
Mais ce lieu historique est aujourd’hui une habitation tout ce qu’il y a de plus normal. Nous avons pu le visiter grâce à l’aide de Mme et M. Gueguen, qui faisaient à l’époque partie des membres des forces de sécurité, de Pierre Bertaud, le propriétaire actuel, et de Trinh Ngoc Thái, vice-président de la Fondation pour la paix et le développement du Vietnam, président du Club international des échanges culturel et économique, et vice-président de l’Association d’amitié Vietnam - France. M. Thái était alors assistant de Xuân Thuy, chef de la délégation du Nord Viêt Nam.
Cet espace de tranquillité permettait à Mme Binh de bien se reposer après des heures de travail difficiles, pour trouver de bons arguments de négociation. |
Photo : Lê Hà/CVN |
Il revient pour nous dans cette maison, quarante ans plus tard. «Cette visite me fait remonter plein de souvenirs», commente-t-il. M. Thái a notamment participé aux négociations bipartites du 13 mai au 1er novembre 1968 avec la délégation américaine, ayant à sa tête le diplomate W. Averell Harriman.
Le 25 janvier 1969 se sont ensuite tenues dans cette villa les négociations quadripartites, avec la participation de la délégation du Front national de la libération du Sud, dirigée par Trân Buu Kiêm. En juin 1969, le gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam fut créé. Nguyên Thi Binh fut alors nommée ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation du gouvernement révolutionnaire provisoire. Elle séjourna et travailla dans ce pavillon.
M. Thái nous a montré le salon où Mme Binh recevait régulièrement Lê Duc Tho (conseiller spécial pour le Nord-Vietnam), Xuân Thuy, et bon nombre de membres d’autres délégations internationales et amis français. Au premier étage, il nous a présenté la chambre à coucher et le bureau de travail de Mme Binh, dont la décoration a peu changé. Un haut lieu de mémoire pour la lutte du peuple vietnamien pour l’indépendance et la liberté.
Soutien précieux des Français
Mme et M. Bertaud, propriétaires de la villa, se déclarent honorés de vivre dans ce pavillon chargé d’histoire. Photo : Lê Hà/CVN |
Selon les dires de notre guide, cet espace de tranquillité permettait à Mme Binh de bien se reposer après des heures de travail difficiles, pour trouver de bons arguments de négociation. Dans cette villa, un certain nombre d’orientations et de politiques du Parti communiste du Vietnam ont été discutées et rédigées, en fonction des difficultés auxquelles se heurtait la délégation lors des pourparlers. Celles-ci parfois semblaient entrer dans l’impasse, notamment fin 1972, lorsque, rappelons-le, les B52 américains bombardèrent férocement le Nord Vietnam, visant Hanoi et les civils. Grâce notamment à la ténacité des forces armées et du peuple vietnamien sur ces forteresses volantes, les États-Unis sont retournés à la table des négociations pour trouver un terrain d’entente sur la cessation de la guerre et de l’établissement de la paix au Vietnam.
Toujours fier de cette victoire, M. Thái a insisté : «Le Vietnam a bien su associer plusieurs batailles, militaires, politiques et populaires. Il a su mêler négociations, diplomatie, luttes politiques et armées dans le Sud Vietnam, tout en profitant du soutien des peuples et des amis internationaux». Et d’ajouter : «Je n’oublierai jamais le soutien précieux des Français à la délégation vietnamienne».
Mais personne ne ressort jamais vraiment gagnant d’une guerre. M. Thái a perdu de nombreux amis et camarades venus du Nord et du Sud, comme Dinh Ba Thi, Nguyên Thi Tron, Melle Binh Thanh - secrétaire de Mme Binh-, Lê Van Tu, Ly Van Sau,…les cadres de la délégation du Nord Vietnam tels que Lê Duc Tho, Xuân Thuy, Nguyên Minh Vy, Phan Hiên, Nguyên Co Thach, Trân Công Tuong… «Le Vietnam n’oubliera jamais leur sacrifice et leur abnégation ! Ils s’attachèrent à Mme Binh tout au long de ces longues années de négociations».
Pour le propriétaire de la villa, Pierre Bertaud, c’est un honneur de vivre dans ce pavillon chargé d’histoire. Avant de l’acheter, il savait que Mme Nguyên Thi Binh, grande négociatrice pour le Vietnam, y avait séjourné. Fervent défenseur de la paix, il soutient sans réserve la lutte du peuple vietnamien.
Lê Hà/CVN