Ça va être leur fête !

Une journée nationale pour fêter les enseignants ? Il est vrai que de l’apprendre m’a laissé bouche bée, moi le français venu d’un pays où «faire la fête» aux enseignants n’a rien de commun avec un honneur rendu à ceux qui ont mission d’inculquer savoir et culture aux têtes juvéniles...

Il m’a fallu venir au Vietnam pour constater, qu’à l’instar de nombre de pays, on pouvait reconnaître le rôle important des enseignants, dans le développement social, économique et moral du pays, en choisissant une journée qui leur soit consacrée. Du côté du Quartier Latin, il est plus de coutume de les chahuter que de les honorer ! Et, en souvenir de quelques années passées sur une estrade, face à trois rangées de tables souillées d’encre et surmontées de visages rêveurs, j’apporte ici ma contribution à cette fête, en émettant quelques souhaits pour l’année à venir.

Si seulement...

Je souhaite que maîtres et maîtresses apprennent à leurs élèves à mieux compter jusqu’à 10, en insistant sur la fait que dans un compte à rebours, après 8, vient 7, et non 0. Ceci évitera qu’aux feux rouges 99% des véhicules ne démarrent à 7, quand le feu vert de la voie adjacente est encore à 6 ! Bien sûr, on peut faire l’impasse sur cette base mathématique, en privilégiant la physique, et en expliquant les règles de l’énergie cinétique et de la collision des corps à partir des formules m = p/g et E = 1/2 mv²... encore que cela me semble plus difficile à faire entrer en mémoire !

Apprendre aux enfants : le plus beau métier du monde !

Je souhaite qu’instituteurs et institutrices expliquent que justement la collision des corps est fort désagréable quand on se trouve devant le guichet d’une poste et que l’on s’imagine que parce que l’on est le premier, le dernier nous laissera obligatoirement passer devant ! Tant il est vrai qu’en ce type d’occasion, la notion de suite ordonnée laisse place au droit du plus fort... ou du plus malin. Et surtout quand vous avez retenu l’attention du préposé, surtout ne pas avoir la moindre hésitation sur les réponses à donner aux questions posées : demander un sursis pour vérifier une adresse que l’on a mal mémorisée ou un numéro de téléphone oublié, risque de vous envoyer, vous et votre paquet, aux calendes grecques ! Donc, si de ce côté là, les enseignants pouvaient me donner un petit coup de main, çà m’épargnerait coups de coude et discrets coups de pied dans les malléoles externes pour conserver ma place !

Je souhaite que les professeurs et les professeurs insistent sur le fait que non, tous les étrangers ne parlent pas anglais, que non, ils ne souhaitent pas tous changer de l’argent au noir, que non, ils ne veulent pas obligatoirement un massage, que oui, ils ont suffisamment de tee-shirt ! Ça m’éviterait de me faire harceler tout les 10 m, à chaque fois que je vais en centre-ville. D’autant plus, que puisque nous parlons éducation, la mienne est mise à mal dans ces moments là. En effet, si j’arrive à répondre poliment «Cám on, không cân !» à la première personne, la dixième peut remercier mes ancêtres de m’avoir légué suffisamment de savoir-vivre pour ne pas lui hurler en plein visage, une formule typique de français excédé, à savoir «Vous savez où vous pouvez vous les mettre vos tee-shirts ?» (ou votre massage, ou votre change, selon) !

Surtout continuez...

Mais outre ces souhaits qui, exaucés, me combleraient d’aise, il est d’autres particularités que je souhaite voir se perpétuer.

Ainsi, j’espère que tous les pédagogues du Vietnam continueront à voir venir à eux des enfants heureux d’aller apprendre. Comme j’aime ces cohortes de bambins qui chaque matin, 6 jours sur 7, havresacs colorés sur le dos, partent d’un pas décidés vers l’école la plus proche. Quand je les croise et qu’à ma question «Các cháu đi đâu đây ?» (Vous allez où ?)», ils me répondent fièrement «Chúng cháu đi hoc a !», (On va à l’école !), je me dis que le vieux Confucius doit en sourire d’aise de là où il se trouve. D’ailleurs, ici on ne dit «Je vais à l’école», expression qui, somme toute, décrit plutôt une transhumance qu’un objectif ! On dit, littéralement, «Je vais apprendre !», sous-entendu, «Je ne me déplace pas pour rien !» De quoi laisser rêveur les enseignants des bords de Seine !

J’espère que les «cô giáo» (institutrices) de ma fille seront toujours aussi souriantes lorsque je viens chercher ma fille à l’école ! J’avais expliqué, lors d’une précédente «Tranches de vie», comme j’étais reçu comme un VIP à chaque fois que j’allais attendre ma progéniture à la sortie de son école. Ça commence en général par des regards et des conciliabules du côté des mamans, qui échangent entre elles leurs impressions sur le «Tây» (Occidental) qui vient chercher sa fille. Puis le mouvement gagne le corps enseignant qui en m’apercevant se hâte de prévenir ma fille, tout en m’octroyant ses plus chaleureux sourires, que j’ose espérer sincères et non proportionnels aux spécialités gourmandes que je ramène régulièrement de France ! Puis ce sont les enfants qui entrent en transe. Dès qu’ils aperçoivent ma barbe et mes moustaches, ils se précipitent aux grilles en hurlant «Ông Tây, Ông Tây...» et si j’ai le malheur de risquer ma main entre les barreaux pour saisir les menottes qu’ils me tendent, elle est aussitôt agrippée et il faut toute la persuasion des souriantes «cô giáo» pour que je n’y laisse pas une ou deux phalanges...

Chapeau bas à tout ses enseignants que j’ai rencontré un peu partout y compris dans des lieux reculés où enseigner est presque un sacerdoce, tellement les conditions de confort sont précaires. Merci à eux de m’avoir ouvert leurs écoles quand je voulais que des visiteurs de passage puissent assister à des cours. En d’autres pays, je me serais heurté à des grilles fermées et cadenassées, gardées par un cerbère vigilant.

Je ne sais pas si il existe un Génie de l’Enseignement au Vietnam, outre ce cher Confucius que l’on vient prier pour faciliter la réussite aux examens, mais je lui demande de souffler un vent favorable sur tous les enseignants, d’ici et d’ailleurs, et qu’ils puissent se dire, le soir venu quand les enfants s’éparpillent comme libellules sur les rizières : «Mission réussie !»

Gérard BONNAFONT/CVN

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