Nguyên Van Manh, 45 ans, est surnommé «Anh câm», littéralement «Grand frère muet». En fait, Manh est aussi sourd, ce qui ne l’empêche pas d’être passionné d’oiseaux chanteurs. Il ne peut pas les écouter certes, mais les apprécie à sa manière.
Chào mào (Bulbul orphée), chich choè (Shama dayal), hoa mi (Garrulaxe hoamy), vành khuyên (Zostérops du Japon)... sont les oiseaux de cage les plus répandus au Vietnam. Ils sont capturés dans la nature, puis vendus de 100.000 à 200.000 dôngs. Mais si l’oiseau montre une grande ardeur au chant, enchaîne à n’en plus finir trilles, roulades et autres tremolos - qui ne sont pas forcément ceux de son espèce -, alors sa côte explose. Un million de dôngs, voir plus, beaucoup plus parfois...
Mais sélectionner des oiseaux d’un grand potentiel
Nguyên Van Manh est bien connu des passionnés d’oiseaux d’agrément. Photo : Quang Châu/CVN |
Après plusieurs rendez-vous manqués, nous avons eu la chance de le voir à l’oeuvre dans l’arrondissement de Tân Phu, entouré de passionnés comme lui, dont Tuân Anh. «Sélectionner de bons chanteurs n’est pas facile. Plusieurs fois j’ai pensé tenir un phénomène... qui s’est révélé au fil des jours un piètre chanteur. M. Manh, lui, ne se trompe jamais ! », dit Tuân Anh.
Assis sur une petite chaise en plastique, le «Grand frère muet» a le regard rivé sur une cage où s’ébattent une cinquantaine de Bulbuls orphée (facilement reconnaissables à leur houppette noire). Après une heure à scruter chaque volatile, il en marque plusieurs avec de la couleur. Ensuite, il continue à les examiner en détail et en choisi finalement deux, qui sont extraits de la volière et placés dans une cage plus petite. Tuân Anh remarque: «Tous les oiseaux qu’il sélectionne sont excellents. Ils chantent très bien et sont hardis».
Le travail accompli, M. Manh a répondu à mes questions en écrivant sur un papier : «Je me focalise sur le bec. Un bon chanteur a un bec mince qui s’agite rapidement, le pharynx large. En plus, la queue et le corps doivent être longs, ainsi que les pattes. Côté caractère, il faut choisir des individus hardis, qui n’ont pas peur de l’homme». En fait, cela, tous les amateurs d’oiseaux le savent depuis belle lurette. Mais entre la théorie et la pratique... quel fossé parfois ! Manh a un sixième sens qui le rend capable de sélectionner sans erreur.
M. Manh sélectionne des oiseaux. Photo : Quang Châu/CVN |
Nim Chi Vô, 32 ans, a confié que M. Manh l’a aidé à choisir un Bulbul orphée et un Shama dayal, achetés 300.000 dôngs début 2012. «Mes oiseaux ont pris de la valeur et valent maintenant un million de dôngs chacun. Je pense que M. Manh a un don particulier qui lui permet de voir immédiatement un oiseau de qualité, bon chanteur certes mais pas seulement. Ce n’est pas donné à tout le monde», considère-t-il.
Sens de l’observation
Nguyên Van Tâm est propriétaire d’une oisellerie. «Je vends des oiseaux depuis longtemps. Néanmoins, je ne suis pas doué comme M. Manh. À chaque fois que j’achète un lot, je lui demande toujours de me donner un coup de main. Il a l’œil sûr. Je pense qu’à cause de son handicap, il a développé un sens de l’observation que nous n’avons pas. En plus, il est très patient», remarque M. Tâm.
M. Manh est devenu sourd-muet à l’âge de quatre ans. Mais ce n’est que depuis trois ans qu’il a vraiment développé ce don. Il possède trois oiseaux: un Garrulaxe hoamy, un Bulbul orphée et un Shama dayal. «Malgré mon handicap, je suis passionné par les chants. Voir l’oiseau chanter suffit à mon bonheur», écrit-il sur un papier.
M. Manh est toujours prêt à donner un coup de main à ceux qui désirent acquérir un bon oiseau, sans jamais rien demander en retour. «Il est arrivé à un niveau de connaissance des chants d’oiseaux que la plupart des personnes non handicapées sont incapables d’atteindre», a conclu Nim Chi Vô.
Diêu An/CVN