Trân Công Thang dans son jardin. |
En rencontrant Trân Công Thang pour la première fois, il est impossible de deviner qu’il a 80 printemps déjà : toujours mince et ferme, visage plein d’entrain et souriant, teint clair, voix pleine, leste, l’esprit vif... En fait, on lui en donne généralement 50 ans. Cet octogénaire vit avec sa femme dans une petite maison au 10, agglomération 2 du quartier résidentiel de Cua Nam. Ancien ouvrier d’une briqueterie, il est bien sûr à la retraite, ses quatre enfants ayant déjà leurs petites familles.
En le voyant bien portant, personne ne peut croire qu’il ait passé plus de 8.000 nuits blanches d’affilée. Aucune trace de fatigue ne se lit sur son visage, au contraire, il respire l’optimisme et parle de son insomnie non sans humour : «C’est grâce à elle que je suis célèbre». Cela a commencé il y a 22 ans, lors d’une nuit d’hiver au début de 1990. «Toute la nuit, je me suis tourné et retourné sur mon lit, sans pouvoir fermer les yeux. Pourquoi ? Dans l’obscurité, j’ai cherché à me rappeler tout ce qui s’était passé la veille afin de trouver la cause… Mais en vain», raconte M. Thang. Même problème les nuits qui suivirent. «Mon insomnie a fait peur à toute la famille. En l’espace d’un mois, j’ai perdu une douzaine de kilos. Visage émacié, yeux cernés, santé délabrée, déprimé…».
Cohabiter avec la veille
Durant les huit premiers mois de nuits blanches, Thang a consulté bien des médecins sans qu’ils ne trouvent de remède efficace. Pis encore, il a été touché par une cécité. Après des examens médicaux à l’Hôpital d’ophtalmologie de Hanoi, le verdict est tombé : Thang a perdu définitivement la vue à l’œil gauche à cause de son insomnie constante et d’une affliction profonde. «+Soyez optimiste ! Si vous demeurez constamment dans l’ennui, vous pourriez perdre l’autre œil+. Ce conseil des médecins m’a semblé avoir un sens», poursuit-il.
De retour à Vinh, M. Thang qui avait alors 58 ans a décidé de «changer de mode de vie» afin de «cohabiter avec l’éveil constant». Il a suivi un régime alimentaire strict mais appétissant, fait des exercices de gymnastique régulièrement, et participé activement aux activités sociales... sans oublier de pratiquer du «Thiên» (Chi kung du Ciel), «ce qui m’a bien aidé à faire face à mon problème», explique-t-il. Et d’avouer : «de toute façon, j’ai cherché à me remonter le moral, et à me préparer à une vie durant la nuit».
Les premiers temps furent éprouvants. C’est réellement désagréable d’être entre l’éveil et le sommeil. La nuit est plus longue que jamais... Mais peu à peu, il a appris à se familiariser, organisant rapidement un «emploi du temps pour la nuit» : dîner avec la famille, regarder la télévision, vers 23 heures, prendre 5 pilules de Rotunda avant de s’allonger. Après quelque 20 à 30 minutes à somnoler, exercices de relaxation, puis de gymnastique sur le lit. Vers 3 heures du matin, prière - il est catholique, puis exercices de «Thiên». Vers 4 heures : levé définitif, toilette, promenade «des cents pas» en plein air soit 2 à 3 km environ. Et vers 6 heures, pratique de Tai-chi-chuan avec les membres du Club des personnes âgées du quartier.
Un principe de vie décisif
Par nature, M. Thang est optimiste et a toujours été passionné par le sport. Il a été membre des équipes locales de badminton et de volley-ball. Sa vue affaiblie, loin de se désespérer, il s’est reconverti à la gymnastique tout en observant strictement son principe de vie : être optimiste, dynamique, joyeux, détendu, sans soucis et amical avec tout le monde. Le bilan est surprenant : après 22 années sans dormir, il a conservé une santé et une vitalité que beaucoup pourraient lui envier.
Trân Công Thang et sa femme |
De la vitalité, M. Thang en a, car en dehors de ce petit problème d’insomnie, il n’est jamais malade... À la différence de personnes de son âge, il a toujours une belle et solide dentition. Chaque dimanche, il va à la messe à l’église de Câu Râm dans le centre-ville de Vinh. Il se consacre aussi, en sa qualité de président du Comité chargé des obsèques du quartier de Cua Nam, à nombre d’activités caritatives telles que collectes de fonds pour les malades démunis, visites et remises de cadeaux aux malades, organisation des obsèques…
«Aujourd’hui, je peux dire que l’insomnie n’a plus d’emprise sur ma vie. Mieux que personne, je possède pleinement ce proverbe +la santé vaut de l’or+», affirme-t-il avec un large sourire. Et de montrer du doigt une grande photographie au mur d’un beau couple : «Cette photo, nous l’avons faite à l’occasion de nos noces d’or». Son épouse, Mme Hông, ajoute avec un brin de fierté : «Malgré son âge, Thang est apprécié de plus d’une demoiselle»...
Nghia Dàn/CVN