Bonjour professeur ! Vivre la langue de Molière à Hô Chi Minh-Ville

De la fenêtre du café, je regardais la façade de ce beau lycée portant le nom d’une héroïne de France, situé en plein cœur de la ville. Le soleil de fin d’après-midi s’écrasait sur les pierres séculaires, et ce projecteur naturel rendait l’édifice encore plus majestueux. Je savais que l’on y enseignait le français et j’imaginais les lycéens en cours.

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Je fus tiré de ma rêverie scolaire par une animation soudaine : c’était la sortie des classes, et le mythique áo dài blanc des lycéennes apparut, imposant sa beauté et son élégance. J’étais le spectateur chanceux de cette scène typiquement vietnamienne, que l’on retrouve sur des peintures, des assiettes en bois, des laques ou des éventails, et que les touristes rapportent comme souvenirs de leur voyage au Vietnam. J’ignorais alors que j’enseignerais dans cette ville et que je vivrais cette scène quotidiennement, des années durant.

Un collège de Hô Chi Minh-Ville.

La joie de la fin de journée illuminait les visages des lycéens, leurs éclats de rire perçaient dans le brouhaha général, et le bâtiment centenaire relâchait par groupes une jeunesse dynamique, souriante, pleine de vie, créant ainsi un tableau à la fois beau et puissant.

Le français au Vietnam, pourquoi et pour quoi ?

Le français est souvent une affaire de famille. De nombreux jeunes Vietnamiens ont un grand-parent ou un oncle qui parle un peu français, une mère qui l’a étudié durant ses années d’école ou qui a été charmée par les artistes de la chanson française.

La langue française conserve cette image romantique et plaisante, apparaissant comme la langue de l’amour, de la gastronomie, de la mode et de la parfumerie. Elle représente ainsi une belle alternative ou une langue étrangère complémentaire à l’anglais.

Réputée plus complexe, certains parents préfèrent que leurs enfants commencent par l’étude du français afin de se familiariser au plus tôt avec les spécificités d’une langue latine. Le français peut également offrir une opportunité d’intégrer un grand lycée de la ville, parfois plus facilement qu’avec un cursus "classique" en anglais, où la concurrence est plus forte.

Chez les adultes, l’apprentissage du français peut aussi être motivé par un mariage mixte, facilitant ainsi les échanges avec un conjoint ou une belle-famille en France.

Les objectifs d’apprentissage du français sont variés : poursuivre une partie de ses études dans une université en France, obtenir un poste à plus grande responsabilité au sein d’une entreprise française basée à Hô Chi Minh-Ville, se préparer à une spécialisation professionnelle en collaboration avec des Français, mais aussi approfondir une passion pour la chanson française. Certains apprenants souhaitent simplement maintenir leur niveau ou raviver leurs souvenirs linguistiques francophones.

Année après année, je constate les résultats concrets de cette collaboration : un étudiant vietnamien ayant obtenu la meilleure thèse de doctorat en pharmacie à l’issue de ses études en France, une ancienne collégienne devenue professeure de français, une étudiante intégrée dans une grande école d’hôtellerie en Suisse, une autre occupant un poste à responsabilités dans une boutique de luxe d’une grande marque de mode française…

Une collaboration du sandwich ‘’bánh mi‘’ à l’échange scolaire international.

Il existe entre certains pays des liens qui, malgré le temps et les vicissitudes de l’histoire, ne se défont jamais. La relation franco-vietnamienne se perpétue notamment à travers l’apprentissage du français par les nouvelles générations. À Hô Chi Minh-Ville, plusieurs rues et écoles portent le nom de grandes figures françaises, scientifiques ou écrivains, offrant ainsi une première immersion dans la langue : Pasteur, Marie Curie, Calmette, Colette…

De nombreux mots témoignent également de ces liens étroits entre nos deux pays : sơ mi (chemise), cà vạt (cravate), búp bê (poupée), xa lông (salon), súp (soupe), xà bông (savon)… et bien d’autres encore, particulièrement dans les domaines de l’infrastructure, de la gastronomie et de la mode.

L’un des exemples les plus emblématiques est sans doute bánh mì, issu du français pain de mie. Il symbolise parfaitement la fusion entre le pain à la française, que l’on trouve partout à Hô Chi Minh-Ville, et une garniture locale, donnant naissance à un délicieux sandwich à la vietnamienne devenu incontournable dans tout le pays.

Chaque mot partagé entre nos deux langues est un trait d’union linguistique qui ravit les apprenants, car il leur est plus facile à mémoriser. On sourit de cette empreinte du passé et on l’utilise comme un pont pour construire la francophonie de demain.

Cette familiarité lexicale vient alléger un apprentissage autrement marqué par les difficultés de la conjugaison, de l’emploi du subjonctif et des accords en genre et en nombre, autant d’éléments inexistants en vietnamien. C’est un chemin long et exigeant que parcourent les élèves avec persévérance, jalonné par les examens scolaires et le DELF (Diplôme d’Études en Langue Française).

Cette aventure peut les mener jusqu’à des échanges linguistiques avec des collégiens et lycéens français, une formidable opportunité de découvrir la vie scolaire et familiale en France, puis d’accueillir à leur tour des élèves français à Hô Chi Minh-Ville. Mis en place depuis plusieurs années, ces échanges sont comme une belle cerise (sơ ri) sur le gâteau (ga tô) de l’apprentissage du français au Vietnam.

Place au français en classe !

La classe, bien plus qu’un simple lieu d’enseignement et d’apprentissage, est aussi un espace de coopération linguistique et culturelle.

Cahier de français de collégienne vietnamienne.

Les thèmes de la gastronomie et du sport sont parmi les plus appréciés. Nos deux pays, dotés d’une immense richesse culinaire, nous offrent l’occasion d’échanges particulièrement fructueux autour de la table. On commente aussi les lendemains de match de football, les exploits de l’équipe nationale du Vietnam ou encore ceux de Mbappé.

La passion est débordante, autant que lors de nos jeux en classe, comme le pendu ou le baccalauréat, où filles et garçons s’affrontent dans une lutte acharnée, pleine de victoires et de revanches. Heureusement, une célèbre collaboration musicale franco-vietnamienne, Bonjour Vietnam de Marc Lavoine et Quynh Anh, vient apaiser les esprits et adoucir les cœurs. Et c’est sans rancune que toute la classe entonne cette magnifique chanson, preuve que, au Vietnam, le karaoké est presque une religion !

Les élèves célèbrent avec moi la Journée de la Francophonie, le 20 mars, en participant à des concours d’écriture et d’éloquence, en organisant des danses et des spectacles. Et moi, je fête avec eux la Journée des professeurs au Vietnam, le 20 novembre, une date qui est devenue pour moi un second anniversaire, tant cette journée est emplie de cadeaux et d’émotions. C’est un témoignage de gratitude des élèves pour notre travail commun et nos efforts, menant à de belles victoires francophones pour nous tous.

Et c’est avec une grande émotion que, depuis la fenêtre de ma classe, je regarde le café d’en face, conscient de la chance que j’ai d’enseigner la langue et la culture françaises au Vietnam.

Texte et photos : Toni Gensini/CVN

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