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Un escargot de Bourgogne vivant élevé par Toshihide Takase dans son exploitation de Matsusaka (centre du Japon) le 16 mai 2024. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Farcis au beurre persillé à l'ail et cuits au four, les escargots "à la bourguignonne" sont un monument de la gastronomie française depuis le XIXe siècle.
Mais les escargots de Bourgogne (helix pomatia) sont protégés depuis 1979 en France, car ils y étaient menacés d'extinction. Aussi sont-ils ramassés en Europe centrale et orientale puis exportés, principalement vers l'Hexagone, le premier marché mondial.
Des éleveurs d'escargots, ou héliciculteurs, existent aussi en France, mais ils se concentrent sur une autre espèce plus facile à produire, helix aspersa (les "petits-gris" et "gros-gris"), et ne pèsent que 5% du marché national.
Un plat d'escargots de Bourgogne servi dans la ferme d'élevage de Toshihide Takase à Matsusaka (Centre du Japon) le 16 mai 2024. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"L'escargot de Bourgogne n'a jamais vu la Bourgogne, c'est ironique mais c'est vrai", déclare à l'AFP William Blanche, coprésident de la Fédération nationale des héliciculteurs et éleveur près de Besançon (Est de la France).
Le pomatia "est réputé comme étant impossible à élever (...) parce qu'il ne supporte pas la promiscuité et qu'il met beaucoup de temps à grandir, entre deux et trois ans", rappelle un industriel français du secteur préférant garder l'anonymat.
"On me traitait d'idiot"
M. Takase, 76 ans, dit cependant être parvenu à raccourcir le temps de croissance du pomatia à seulement quatre mois, comme pour l'aspersa français.
Toshihide Takase dans sa ferme d'élevage d'escargots de Bourgogne à Matsusaka (centre du Japon) le 16 mai 2024. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Rien ne le prédestinait à devenir un expert dans ce domaine si atypique au Japon, où les escargots sont très peu consommés et perçus comme des nuisibles pour les cultures.
Ses autres secteurs d'activité n'avaient rien à voir non plus avec les gastéropodes: son "laboratoire de développement d'escargots" à Matsusaka (Centre du Japon) est installé derrière une bruyante métallerie, la première société créée par ce multi-entrepreneur aujourd'hui retraité.
Sa vocation lui est venue en 1979. "Ma soeur avait voyagé en France et m'avait rapporté en souvenir des escargots en conserve" raconte-t-il à l'AFP. "Mais ce n'était pas bon et ça sentait mauvais."
Une fresque murale devant l'élevage d'escargots de Bourgogne de Toshihide Takase à Matsusaka, le 16 mai 2024. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Après cette expérience décevante, il se lance le pari fou d'élever des escargots de Bourgogne: "J'ai pensé qu'il n'y avait que moi qui pourrait le faire", explique cet homme obstiné et fier d'avoir donné tort à tout le monde: "On me traitait d'idiot".
Il dévore la littérature sur le sujet, rencontre des héliciculteurs en France, investit une petite fortune. Après sept ans de procédures administratives, il obtient un permis d'élevage au Japon et le droit d'importer de France 100 spécimens de pomatia: "J'étais vraiment ému, mon coeur battait la chamade", relate-t-il en affirmant être "le seul au monde" à en élever.
"Coup marketing monstrueux"
Il dit avoir aujourd'hui la capacité d'en produire 600.000 par an. Ses escargots vivent paisiblement dans des bacs rangés sur des étagères coulissantes en métal, dans une terre riche en humus savamment préparée où il ajoute notamment de la poudre de coquille d'huître, pleine de calcium: "Ils adorent".
L'éleveur a mis "vingt ans" pour développer une poudre alimentaire spéciale pour ses escargots, à base de soja et de maïs, bourrée de vitamines et de calcium.
Un escargot de Bourgogne en train de se nourrir dans la ferme d'élevage de Toshihide Takase à Matsusaka, le 16 mai 2024. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'hygiène est centrale dans son élevage: les mangeoires et coupelles d'eau sont remplacées tous les trois jours et lavées à la main. "Les escargots aiment la propreté", justifie M. Takase, qui contrôle aussi en permanence la température et le niveau d'humidité.
Il veut désormais transmettre sa méthode à des éleveurs français, approchés via l'ambassade de France au Japon, et envisage aussi des partenariats commerciaux avec des industriels tricolores. Mais de nombreuses questions demeurent.
"Est-ce que si demain on savait élever du pomatia, est-ce qu'on pourrait faire une transition? Est-ce que nos consommateurs, qui sont habitués à un autre type d'escargots, seraient partants, et à quel prix ?" s'interroge M. Blanche, séduit toutefois par l'idée de visiter l'élevage de M. Takase.
Des installations aussi soignées, entièrement hors-sol, impliquent des coûts élevés: six autres personnes travaillent à l'année avec M. Takase, qui en vente directe facture 30 escargots près de 60 euros (9.900 yens).
"C'est très cher, environ quatre fois le prix des escargots des industriels français et environ le double des prix des éleveurs français", relève l'industriel interrogé par l'AFP.
Et "il faut que ça ait du goût", prévient-il, doutant pour l'instant qu'un pomatia d'élevage soit aussi savoureux qu'un sauvage ayant "un goût fort de sous-bois".
"Je rêverais d'avoir un escargot de Bourgogne français", confie toutefois cet entrepreneur. "Le coup marketing serait monstrueux."
AFP/VNA/CVN