Certains sur l'archipel le qualifient de "fou" : taille des cacaoyers, organisation de la plantation, récolte, calibrage, fermentation, séchage, torréfaction, décorticage à la main et ventilation du cacao, à chaque étape de la production, Claudio, 59 ans, a tenté moult expériences pour arriver au meilleur résultat possible.
Comme le vigneron, je connais mes plants. Je les ai observés pendant des années", raconte-t-il, expliquant par exemple comment il faut savoir ombrager les plantations grâce à des arbres tout en laissant circuler l'air pour éviter "toute pourriture".
En faisant découvrir son cacao 100% dans son atelier-boutique de Sao Tomé, il commente : "L'importance, c'est l'homme derrière le plant. Le cacao, le café, le vin, c'est pareil: il faut bien travailler, être rigoureux. Dire, j'aime l'arabica (café) du Brésil, ou le criollo (cacao) du Venezuela, c'est comme dire j'aime le vin rouge d'Europe ou de France".
"On nous dit : +le chocolat est amer+. S'il est amer, c'est parce qu'il a été mal fait. Le mien n'a pas d'amertume", lance-t-il, sourire en coin, à quelques touristes qui acquiescent en savourant.
Pendant la dégustation de cacao 73%, de chocolat au gingembre ou de grains de café enrobés de chocolat, Claudio n'hésite pas à faire goûter du chocolat réputé haut de gamme vendu dans les supermarchés pour faire la comparaison avec le sien.
"Ça n'a rien à voir. Ca a le goût de sucre puis de vanille, puis ça colle aux dents et puis il y a l'amertume... Est-ce que ça mérite le nom de chocolat? Je ne sais pas", commente-t-il.
Il possède désormais des boutiques à son nom à Lisbonne (Portugal), à Seattle (États-Unis) et en France sur mesvendanges.com, pourtant ce spécialiste du cacao a consacré l'essentiel de son existence au café.
Diplômé de l'université de Florence en agronomie tropicale, il découvre en 1974 le Zaïre. Il réalise une enquête sur l'agriculture puis devient broker en café avant de se lancer dans la grande aventure de la production en 1979. "Acheter du café ne me plaisait pas", dit-il. Il acquiert une plantation abandonnée de 1.250 hectares à 1.650 km de Kinshasa à Lomami (Centre). "Tout était à faire ou à refaire. J'ai la chair de poule en pensant à certaines erreurs que j'ai commises", se souvient Claudio.
"Nous avons travaillé sur la qualité, comme pour le vin et l'olive en Toscane. Je voulais cette même philosophie", raconte Claudio.
Son café se forge une belle réputation. En quelques années, la plantation emploie 1.000 personnes et 6.000 y vivent. Claudio Corallo instaure une sorte de monnaie locale baptisée "l'unité" qui permet aux employés d'échapper à l'hyper-inflation de l'époque.
Si la plantation est épargnée par les pillages de 1991 et 1993, Claudio comprend que sa situation est précaire. Il se rend pour la première fois à Sao Tomé en 1992.
En 1997, après le renversement du dictateur Mobutu Sese Seko par Laurent Kabila, l'instabilité qui s'en suit, l'oblige à quitter la RD Congo à la hâte. Il perd 50 tonnes de café et sa plantation est pillée quelques mois plus tard. "Mon cœur est resté là-bas", affirme toujours Claudio.
Après une expérience de plusieurs mois en Bolivie, il s'installe finalement à Sao Tomé où il obtient simultanément des concessions pour une plantation de café sur l'île principale de Sao Tomé et une plantation de cacao sur Principe. Depuis, avec son fils Niccolo, il ne cesse de vouloir redonner ses lettres de noblesse cacaoyère à l'archipel de 150.000 habitants, jadis baptisé "l'île chocolat".
AFP/VNA/CVN