Une machine à semer, puis une machine à remplir de terre les plateaux de semis, allégeant ainsi le fardeau de travaux manuels qui pèse sur les maraîchers. Telles sont les produits fabriqués par Nguyên Hông Chuong, vivant dans le hameau de Xuân Thuong, commune de Lac Lâm, district de Don Duong, province de Lâm Dông (hauts plateaux du Centre).
"Le scientifique aux pieds nus", cette appellation affectueuse est donnée par les locaux à Chuong, un paysan de 34 ans. Cependant, peu d'entre eux savent que cet homme a dû surmonter de nombreuses difficultés et beaucoup peiner pour arriver à ce niveau-là, et que sans passion, il n'aurait jamais réussi.
Depuis plus de 70 ans, la commune de Lac Lâm (district de Don Duong), région natale de Nguyên Hông Chuong, est réputée pour sa culture de légumes. La plupart des paysans ici devaient toujours travailler "le dos exposé au soleil, le visage face à la terre" sans que les difficultés de la vie ne diminuent. La famille de Chuong n'a pas échappé à cette situation, la pauvreté la poursuivait. Ayant à peine fini la classe de 8e (équivalent à la 4e du système d'enseignement français), Chuong a dû abandonner l'école. Cultiver des légumes avec sa famille sur un terrain loué lui a fait comprendre davantage la peine des paysans.
En 2004, alors qu'il venait chercher des jeunes plantes dans une pépinière de la région, Chuong a vu des ouvriers semer à la main sur les plateaux de semis. Dès son retour, il s'est dit qu'il faudrait faire quelque chose pour alléger leur tâche, d'où l'idée de fabriquer une machine à semer. Mais l'idée est une chose, trouver de l'argent pour la concrétiser en est une autre. Le jeune cultivateur est allé voir des propriétaires de pépinières auxquels il a suggéré d'investir quelque 30 millions de dôngs pour l'étude et la fabrication du semoir. Malheureusement, il n'a obtenu partout que des refus. "Rien de surprenant, car qui aurait confiance dans un jeune paysan n'ayant pas dépassé la classe de 8e comme moi", confie-t-il.
Tous ces refus ne l'ont pourtant pas découragé, il a repris son travail de cultivateur mais l'idée du semoir le hantait toujours. En août 2006, l'occasion s'est présentée, et Chuong a réussi à persuader son grand frère d'hypothéquer la maison familiale à la banque pour emprunter 40 millions de dôngs...
L'argent en main, afin de réduire le coût des recherches et des essais, Chuong a cherché à acheter des pièces d'occasion ou des machines abîmées, du genre : moteur, compresseur à air... et pour le reste, il a essayé de le fabriquer lui-même.
Du semoir à la machine à remplir de terre
En janvier 2007, le premier semoir a vu le jour. La machine pesait 130 kg et était assez simple, comprenant : un moteur électrique, une bonbonne de gaz, un compresseur à air, une pompe, un système mécanique, un système distributeur... La machine avait pour fonction de semer automatiquement tout en nettoyant les grains et tassant la terre, elle disposait aussi d'un convoyeur à bande permettant d'éviter la superposition de plateaux et d'un outil déboucheur à aiguille en cas de blocage. Cette machine pouvait être utilisée pour semer des grains de légumes, de fleurs mais aussi d'autres plantes avec une capacité de 230-250 plateaux par heure, soit l'équivalent de 8 à 12 ouvriers ; l'électricité consommée est estimée à 0,5 kW/h seulement. À ce jour, Chuong a vendu aux propriétaires de pépinières 32 semoirs au total, au prix unitaire de 56 millions de dôngs.
Ce succès a stimulé le jeune inventeur à poursuivre ses recherches. Et plus d'un an plus tard, à la fin de septembre 2008, il a sorti la machine à remplir de terre les plateaux de semis. "À force de constater le grand besoin en jeunes plantes par rapport au prix élevé que les paysans doivent payer, j'ai eu l'idée de faire quelque chose pour abaisser ce prix", explique-t-il pour justifier ses efforts de recherche.
La remplisseuse en gestation a évolué, s'est affirmée pour enfin voir le jour. Elle pèse environ 120 kg, comprenant un moteur électrique d'un kilowatt, un convoyeur pour prendre automatiquement la terre, un outil de manutention de plateaux, 2 boîtes à vitesse, un repousseur-tasseur de terre... Avec cette machine, 2 opérateurs peuvent remplir de 5.600 à 6.000 plateaux par jour, soit la quantité de travail de 7 à 8 ouvriers. Chuong a vendu jusqu'à présent 15 machines au prix de 25 millions de dôngs chacune. Selon les propriétaires de pépinières, cette machine est d'une efficacité étonnante, son utilisation permet en effet de minimiser la main-d'oeuvre tout en augmentant la productivité.
Travaillant avec 5 autres ouvriers dans son atelier de mécanique d'environ 30 m2 - qui était autrefois la cour de sa maison - Chuong souhaite construire dans l'avenir un plus grand atelier pour pouvoir, d'une part, étudier et fabriquer d'autres équipements agricoles, et d'autre part créer des emplois stables pour les jeunes de la région.
"Le fait que le jeune paysan Nguyên Hông Chuong, avec sa passion pour les recherches scientifiques, ait donné naissance au semoir et à la remplisseuse est très apprécié et soutenu par nos paysans. Ses inventions contribuent à augmenter la productivité et, à long terme, visent à créer une agriculture moderne. D'autant plus que notre localité ne dispose pas encore d'unités spécialisées dans la fabrication de machines et d'équipements mécaniques agricoles et que les stations de réparation, d'entretien ou de maintenance de machines et d'équipements mécaniques ne répondent pas encore aux besoins", révèle Lê Huu Tuc, vice-président du Comité populaire du district de Don Duong.
Avec la machine à semer, Nguyên Hông Chuong a reçu de l’Union des associations scientifiques et techniques vietnamiennes le certificat de modèle d'initiatives de la jeunesse vietnamienne, et du Comité central de l'Union de la jeunesse communiste Hô Chi Minh le prix Luong Dinh Cua, en 2008. Son nom figure sur la liste des 20 figures représentatives nationales de 2008.
Minh Phuong/CVN