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De la fumée s'élèvent au-dessus de Lod, ville mixte d'Israël, après des manifestations le 12 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Lundi soir 10 mai, pendant que le Hamas et le Jihad islamique foudroyaient depuis la bande de Gaza le ciel d'Israël de centaines de roquettes et que des milliers de Palestiniens manifestaient en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les villes "mixtes" israéliennes connaissaient un accès de violence.
À Lod, ville industrielle peuplée à 40% d'Arabes où s'alignent des rangées d'immeubles aux fenêtres grillagées ou surmontées de climatiseurs, la tension est montée entre jeunes Arabes et groupes de juifs extrémistes.
Moussa Hassouna, un père de famille arabe israélien de 32 ans, est mort par balle cette semaine dans les heurts. Les images qui circulent sur les réseaux sociaux suggèrent que des juifs nationalistes armés qui se tenaient dans un bâtiment à proximité sont derrière sa mort.
Mardi soir 11 mai, lors de ses funérailles, la situation a dégénéré avec un cortège de voitures incendiées, des jets de pierres mais aussi des cocktails Molotov, poussant le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à déclarer "l'état d'urgence", à l'heure où Israël était de surcroît noyé sous une pluie de roquettes tirées depuis Gaza et menait des frappes en représailles.
"J'ai peur"
Sur le bitume jonché d'éclats de verre, au pied d'une tour d'habitation sans charme, une petite synagogue a été incendiée. Les gravats tapissent le sol mais les livres saints ont été extirpés in extremis par des fidèles.
Le président israélien, Reuven Rivlin, qui célébrait il y a quelques semaines un iftar (rupture du jeûne pendant le ramadan) avec des dignitaires arabes, a dénoncé un "pogrom" commis par une "foule arabe assoiffée de sang".
Au pied de la synagogue, Yoel Frankenburg, 34 ans, fulmine. "Les Arabes tentent de nous tuer ! Et pourquoi ? (...) J'en ai aucune idée ! (...) Ça fait 12 ans que je vis ici et la plupart du temps en bon voisinage".
"Ils m'ont attaqué, ils m'ont lancé des pierres (...) j'ai envoyé mes (cinq) enfants hors de la ville", chez leurs grands-parents, "parce que j'ai peur", ajoute-t-il, relevant que plusieurs familles juives du quartier cachaient des fusils pour se protéger car la "police ne fait rien".
Devant la synagogue, le ton monte. Des Arabes et des Juifs venus soit prier dans la synagogue au toit éventré, soit ramasser des gravats se disputent au sujet des tensions soudaines.
Pas si soudaines en fait. La cocotte-minute retient depuis longtemps la vapeur, estiment des citoyens arabes, descendants de Palestiniens restés sur leurs terres à la création d'Israël, qui se disent fréquemment victimes de discrimination.
Un véhicule de la police israélienne brûle après une manifestation d'Arabes Israéliens à Lod (Israël), le 11 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Certains nomment des familles comme celle de Yoel des "mustawtinin". Des colons. Un terme généralement employé pour décrire les Israéliens vivant en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, territoires palestiniens occupés illégalement par Israël au regard du droit international.
Mais Lod n'est pas en territoire palestinien, mais bien au pied de l'aéroport Ben Gourion, près de Tel-Aviv.
"Les choses ont commencé à changer il y a une dizaine d'années lorsque des groupes extrémistes ont commencé à s'implanter dans le quartier", tonne Wael Abo Sharkh, un habitant arabe.
La guerre démographique
"Et comme on l'apprend en chimie, chaque action cause une réaction", ajoute-t-il pour expliquer les émeutes de jeunes arabes opposés à l'arrivée de ces nouveaux habitants.
Comme Wael, plusieurs citoyens arabes de Lod accusent la mairie de faciliter l'implantation de groupes de juifs conservateurs, ou "extrémistes", pour changer la démographie de la ville.
"Nous avons vécu toute notre vie avec des juifs et nous entretenons de bonnes relations avec eux", affirme Abd al-Naqib, un colosse de 29 ans, saluant les clients à kippa devant une supérette. "Le problème, ce sont les +mustawtinin+, qui viennent s'implanter. L'objectif est d'opprimer les Arabes et de les expulser, peu importe où, pour que Lod devienne une ville juive", dit-il.
Plus loin, devant le tribunal local, une centaine d'Israéliens manifestent en soutien aux trois juifs arrêtés pour leur rôle présumé dans la mort de Hassouna.
Épaules carrées, crâne dégarni et arme semi-automatique en bandoulière, Meir Layosh harangue la foule en berçant un bébé dans une poussette.
"Nous ne sommes pas violents (...) mais nous devons nous protéger des terroristes et des antisémites. Ces gens ne veulent pas de nous ici, mais moi j'ai un message pour eux : nous allons rester".
Dans la nuit du 12 au 13 mai, malgré un couvre-feu décrété par les autorités, au moins deux personnes ont été blessées par des coups de feu, selon la police. Lod s'est à nouveau embrasée. Comme de nombreuses villes "mixtes" d'Israël.
AFP/VNA/CVN