Sacré Noël !

À l’ère du jet et du clonage, rien d’impossible : cette année encore, le Père Noël s’invite au Vietnam pour cette fin d’année 2012. Et comme il est loin de chez lui, il peut même se permettre quelques excentricités !

Mieux qu’une super star, plus fort qu’une vedette du rock, voici en tête d’affiche pour ce mois de décembre : «Baba Nôen» (Papa Noël) ! Impossible de l’ignorer... Il s’affiche sur les vitrines, s’étale sur les publicités, se multiplie à l’infini dans les rues et les ruelles, se distille en notes rythmées dans tous les haut-parleurs. Il s’est installé au Vietnam pour la plus grande joie des enfants et des commerçants !

Ras le bonnet !

À l’heure où vous lirez cet article, Baba Nôen s’apprêtera à mettre dans sa hotte ses joujoux par milliers pour sa grande distribution annuelle. Ce qui n’est pas sans lui poser quelque difficulté au Vietnam…

En effet, ici, la cheminée est aussi rare qu’un cheveu sur le crâne d’un chauve. Il y a bien les climatiseurs qui peuvent faire office de chauffage en hiver, mais avouez qu’un Père Noël qui arriverait pulvérisé par les ouïes de ventilation, ça fait mauvais genre. Donc, il ne reste qu’une solution : garer les rennes dans un coin du ciel et descendre par une corde dorée jusqu’au toit de la maison. De là, s’introduire, tel un voleur, par la terrasse où sèche le linge. S’arrêter un moment pour discuter le bout de gras avec le génie de la maison et celui du foyer, histoire d’expliquer qu’on est simplement de passage et qu’on ne va pas s’éterniser…

Puis, venir subrepticement déposer les cadeaux au pied du sapin, avant de regagner son traîneau à la force des bras. Notez qu’à ce rythme-là, avec le nombre de foyers à visiter, le Père Noël doit être sacrément musclé. Mais peut-il en être autrement au pays de la gymnastique matinale et vespérale ! En tout cas, il méritera un coup de chapeau, ou plutôt un coup de bonnet. D’ailleurs, ce sera facile, car depuis le début du mois, le couvre-chef rouge et blanc a envoyé le non aux orties. Enfants, jeune ou adulte, impossible de sortir dans la rue sans tomber tête à tête avec un disciple du vieux bonhomme.

À croire que porter le chapeau porte bonheur ! D’ailleurs dans cet élan d’enthousiasme pour le barbu, certains magasins vont même jusqu’à proposer tout l’uniforme... Suspendus en guirlandes satinées, vestes et pantalons s’agitent aux devantures, comme une invite à endosser un costume magique qui permettra de s’envoler dans un traîneau tiré par des rennes magiques. À faire pâlir d’envie Ông Troi (Ciel) !

Mais s’il est un concurrent de Baba Nôen, c’est bien le sapin de Noël ! Dans un pays où règnent en maîtres kapokiers, bananiers, flamboyants et banians, il surgit en quelques jours à peine. Aiguilles synthétiques ornées de boules scintillantes, il s’arroge fièrement la première place dans les entrées d’hôtels, les salles de cafés, les vitrines de magasins. À lui tout seul il fait le show ! Vert ou blanc, il illumine la ville, appelle à la fête et attire les humains comme des papillons...

Plein la hotte !

Au milieu de toute cette liesse, il existe une catégorie de personnes qui ne cesse de s’inquiéter au fur et à mesure qu’approche l’échéance du 25 décembre, et dont je fais partie : les remplaçants du Père Noël. En l’occurrence, barbe et ventripotence ne me gênent pas. La torture, c’est l’habit ! Pour le trouver : aucun problème... Le pantalon ? Le tailleur du coin m’en confectionne un sur mesure, dans une flanelle d’un rouge sang à faire mugir un troupeau de taureaux. La houppelande ? Une robe de chambre en soie rouge… avec des dragons dorés, que j’avais achetée un jour où j’avais confondu bon goût et exhibitionnisme. Les bottes ? Une grosse paire d’après-ski, en faux poils de fausses chèvres, que j’avais rapporté d’un séjour hivernal en France, quand je m’enfonçais dans 30 cm de neige avant de prendre l’avion qui m’a ramené au bercail. Les gants ? Des gants en laine blanche, achetés au marché Dông Xuân, feront l’affaire. Le bonnet ? Alors là, aucun problème : les rues en regorgent… Reste que ma barbe manque de longueur et mes cheveux d’abondance. C’est donc la pharmacie du quartier qui est mise à contribution, sous la forme d’une dizaine de sacs de coton hydrophile, qui assemblés par les mains habiles de mes voisines, recouvriront mes tempes et mes joues, plutôt que désinfecter des blessures ! Et comme chaque année, mon épouse trouvera que mon ventre n’est pas assez gros ! Du compliment je ne profiterai guère, car ma tortionnaire décidera illico de me garnir d’un oreiller ! Je pourrais dès lors faire un papa Noël présentable, pour des enfants vietnamiens qui attendent avec émerveillement les cadeaux qu’il va leurs distribuer. Les cadeaux ? Tiens justement, il manque encore l’accessoire indispensable à tout père Noël qui se respecte : la hotte. Là encore, l’ingéniosité vietnamienne fait preuve de son efficacité. Le coffre à linge en plastique fera l’affaire. Une sangle et du papier doré, et voilà une hotte à jouets plus vraie que nature.

Nuit de Noël 2012 : il est 22h00. Là-haut, dans les cieux, venu de son lointain pays des glaces, le père Noël sur un traîneau volant tirés par ses rennes magiques, s’apprête à faire le tour des cheminées du monde pour distribuer aux enfants sages les cadeaux qu’ils ont mérités. Ici-bas, dans une ruelle d’un quartier de Hanoi, un Père Noël, sur une moto conduite par un voisin hilare, s’apprête à faire le tour d’une quinzaine de maisons, pour distribuer à des enfants vietnamiens, jouets et bonbons qu’ils attendent avec impatience. La hotte me scie la colonne vertébrale, les sangles m’arrachent les épaules, j’étouffe sous mon coton et dans mes bottes de faux poils, j’ai une descente d’organe ventral, et mon sang ne circule plus dans mes mains engoncées…

Finalement, le Noël vietnamien ne diffère guère du Noël occidental, hormis la neige : il fait la joie des petits et l’enfer des grands !

Joyeux Noël !

Gérard BONNAFONT/CVN

 

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