Quand le tuông vietnamien rencontre le théâtre contemporain

Voilà presque dix ans que le Théâtre Monte-Charge de Pau, en France, travaille en étroite collaboration avec le Théâtre national de tuông de Hanoi. Pour 2013, ils sont en train de monter leur 3e pièce en commun.

Lôc Huyên (gauche) incarne Ti Lao dans Cercles de sable.
Photo : Théâtre Monte-Charge/CVN

Lui, est metteur en scène. Elle, est chorégraphe et comédienne. Alain Destandau et Betina Schneeberger sont français. Pourtant ils étaient à Hanoi il y a quelques jours pour faire le casting de leur prochaine pièce de théâtre, Saisons de riz, le dernier volet d’un triptyque sur la confrontation des cultures méditerranéennes et vietnamiennes. Une pièce qu’ils joueront en novembre 2013 devant la Citadelle de Hanoi, puis en juillet 2014 au festival OFF d’Avignon. Dix comédiens, trois musiciens vietnamiens, et cinq français, ont finalement été retenus et les répétitions débuteront dans quelques mois pour cette pièce qui réunira théâtre, danse contemporaine et instruments de musique traditionnels.
La scène démarre à l’époque historique de l’invasion mongole du Vietnam, au XIIIe siècle. Et se poursuit à notre époque. Quatre histoires se répondent entre elles. Avec une même ligne conductrice : l’enjeu de la survie des rizières, élément fondateur de la nourriture vietnamienne, et l’amour comme ciment entre les êtres. On sera amené à réfléchir sur ce qui relie les individus entre eux. «Comme pour les deux pièces précédentes, j’ai voulu aborder un sujet d’actualité important, mais de manière détournée. Car sur les questions trop brûlantes, les messages ne passent pas. Ainsi, nous avons cherché à faire réfléchir sur l’ouverture actuelle du Vietnam vers l’extérieur, le risque du pouvoir de l’argent, le danger de trop vite s’ouvrir sans prendre soin de se préserver», explique Alain Destandau, le metteur en scène de la pièce.

Antigone Vietnam, une histoire tragique aux couleurs de l’Asie.


Plusieurs artistes vietnamiens présents viennent du Théâtre de tuông, et nombre d’entre eux travaillent avec le Théâtre Monte-Charge depuis le début de l’aventure franco-vietnamienne.
Donner un nouveau souffle au tuông
«Le théâtre de tuông est un jeu très codifié, que l’acteur modifie en fonction de lui-même. De notre côté, nous prônons un jeu réaliste. Le mélange de ces deux types d’interprétation crée un nouveau style, et donne un nouveau souffle au tuông qui a un public vieillissant», poursuit-il. L’écriture des pièces est ainsi bilingue, de sorte que les spectateurs, qu’ils soient français, ou vietnamiens, comprennent le spectacle sans aucun sous-titre. Ce qui peut surprendre un certain public. Ça a été le cas pour quelques critiques du deuxième volet de leur triptyque, Antigone Vietnam, joué à Avignon en 2008. «C’est un vrai choix artistique. L’objectif est de faire oublier aux comédiens et aux spectateurs qu’on ne parle pas la même langue pour partager et faire partager le plaisir d’être différents mais ensemble». Une vision que Betina et Alain ont largement eu l’occasion d’explorer avec leurs comédiens, qui logent chez eux lorsqu’ils viennent en France, et qui rient et mangent avec eux aux Bia hoi (Ndlr : restaurants populaires spécialisés dans la bière pression) quand la troupe se retrouve à Hanoi. Et ce malgré la barrière de la langue. Car une seule de leur comédienne vietnamienne parle français. En tout, ils passent presque huit mois de l’année ensemble, entre Pau et Hanoi, en passant par Saigon et le Maroc.
En dépit du casting récemment réalisé pour la prochaine pièce, une partie de la troupe n’a pas bougé. Un noyau dur auquel tient le metteur en scène. On retrouvera ainsi Nguyên Thi Lôc Huyên, qui a incarné Ti An dans Antigone Vietnam, et Ti Lao dans Cercles de sable, le 1er volet de ce triptyque, en 2007. «C’est une comédienne intuitive qui sait ce qu’elle veut ! Elle a une puissance émotionnelle très forte». On pourra également de nouveau entendre Nguyên Van Quy, percussionniste, qui a rejoint le groupe il y a plusieurs années.
Quand à la création des costumes, elle revient une nouvelle fois à la styliste de haute couture Minh Hanh, ambassadrice de la mode au Vietnam. Un luxe financier qu’assume le metteur en scène : «Il faut savoir ce qu’on veut. Je voulais des costumes qui ne soient ni trop vietnamiens, ni trop occidentaux, pour respecter cet équilibre des deux cultures. Et j’ai craqué sur son travail qui répondait en tout point à cette exigence».

L’équipe d’Antigone Vietnam en tournée au Maroc.


Pour ses deux dernières créations, le metteur en scène français était seul aux commandes du texte. Le directeur du Théâtre de tuông de Hanoi était en revanche co-auteur de la première pièce, Cercles de sable. «Je peux écrire sur le Vietnam car je viens ici très régulièrement depuis des années et j’ai observé leur manière de penser et de vivre. Je me suis renseigné sur ce pays et ses enjeux. La première fois, nous sommes venus ici pour une rencontre. Nous sommes de la génération de la guerre du Vietnam et nous voulions le connaître. Nous ne savions pas que ça aboutirait sur ce coup de foudre artistique et humain».
Les Saisons de riz seront jouées l’an prochain, à l’occasion du quarantième anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Vietnam, ainsi que pour le dixième anniversaire de la coopération entre le Théâtre Monte-Charge et les artistes du Vietnam.

Éloïse Levesque/CVN

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