«Madame ! on a réussi», lance à son institutrice Joe, 10 ans, en pointant l’ordinateur sur lequel il est parvenu à programmer son dragon numérique pour qu’il crache du feu sur le héros grec Héraclès.
Des murmures d’excitations percent ici et là dans la salle de classe de l’école primaire Lancelot, dans le sud de Londres, à mesure que les camarades de Joe comprennent la succession de commandes à activer pour parvenir à créer leurs propres batailles virtuelles.
Des écoliers britanniques utilisent des Ipad en cours. |
L’école Lancelot n’est pas une exception. Ces scènes de programmation peuvent désormais être observées dans l’ensemble des écoles publiques en Angleterre, après la décision du gouvernement de rendre cette matière obligatoire pour tous les élèves à partir de cinq ans.
Jemimah sourit, du haut de ses dix ans et dans son uniforme bleu et noir impeccable. Elle aussi est parvenue à faire cracher du feu à son dragon.
«Lors du premier cours, je n’étais pas vraiment sûre de savoir comment faire.Il fallait beaucoup m’aider mais maintenant j’ai vraiment compris», confie-t-elle d’une voix douce.
«Daisy le Dinosaure»
Pour beaucoup d’adultes, la programmation informatique rime avant tout avec des successions inintelligibles de lignes de chiffres et de signes sur un écran d’ordinateur, créées par des petits génies aux verres de lunettes épais.
Les écoliers britanniques utilisent quant à eux des logiciels d’animation assez simples, qui leur donnent la possibilité d’activer plusieurs types de commandes : avancer, reculer, soulever un bouclier. Mises bout à bout, ces actions forment des séquences lors desquelles les personnages aux couleurs vives prennent vie.
Dans une autre classe de l’établissement, des élèves plus jeunes apprennent la programmation informatique via un programme pour iPad baptisé «Daisy le Dinosaure».
«Pas si difficile»
«C’est marrant parce qu’on peut leur dire ce qu’ils doivent faire», explique le petit Ashley, 6 ans, tout en faisant glisser son doigt sur l’écran pour créer une liste de mots comme «tourne» ou «saute» avant d’appuyer sur «marche» et de voir Daisy danser. Sa camarade Feza, 6 ans également, est soufflée par la façon dont Ashley parvient à rendre Daisy «de plus en plus grand !».
Les écoliers britanniques utilisent des logiciels d’animation assez imples. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
«Cela a permis de rendre le cours d’informatique plus excitant, plus attrayant pour les enfants.Ce n’est pas si difficile en fait», estime la maîtresse Amy Riley.
«Quand vous vous plongez dedans, ce n’est finalement qu’une série d’instructions», ajoute-t-elle.
Le secteur numérique est particulièrement dynamique au Royaume-Uni, du commerce en ligne à la robotique en passant par les jeux virtuels. Il représente 5% de la croissance économique du pays, selon l’organisation spécialisée Tech City. Mais comme dans nombre de pays développés, la main d’œuvre fait défaut.
Un sondage du cabinet d’étude GfK a montré qu’en 2013, 45% des patrons du secteur jugeaient que la pénurie de travailleurs qualifiés représentait le plus grand défi qu’ils avaient à relever.
Le gouvernement a ainsi remplacé l’ancien programme des cours d’informatique, qui mettait l’accent sur le traitement de texte et la confection de tableaux, par un nouveau programme permettant aux enfants d’acquérir une meilleure compréhension de la façon dont les ordinateurs fonctionnent.
«Au XXIe siècle, le fait de savoir programmer un ordinateur n’est plus seulement un atout intéressant, c’est devenu essentiel», a affirmé l’année dernière le ministre des Finances George Osborne.
Pour Alex Hope, le directeur général de la société britannique Double Negative, en pointe dans les effets spéciaux au cinéma, «c’est formidable que la programmation soit reconnue comme une compétence essentielle, non seulement pour le secteur créatif mais aussi pour l’industrie britannique en général».
Sa société a remporté un Oscar pour les effets spéciaux créés pour le film Inception, du réalisateur britannique Christopher Nolan, et emploie aujourd’hui un millier de personnes à travers le monde. Alex Hope a expliqué avoir dû recruter beaucoup d’étrangers et juge qu’Israël est un bon exemple de la manière dont il faut enseigner la programmation.
«Si vous voulez être un développeur informatique, si vous voulez utiliser les ordinateurs comme des outils, plutôt que d’être un consommateur passif devant des technologies créées par d’autres, vous devez savoir programmer vous-mêmes», affirme-t-il.
«Les enfants vont prendre la relève», estime le directeur de l’école, Paul Hooper en notant l’aisance des élèves avec leurs tablettes numériques.
AFP/VNA/CVN