Les «photos sur feuille» de Lê Nguyên Vy ont surpris tout le monde, professionnel comme amateur. Il s’agit d’œuvres d’art originales d’une grande beauté. Imaginez une vraie feuille, de la grandeur d’une main, au milieu de laquelle apparaît un cliché. Effet garanti ! Et ne vous méprenez pas : «Cette +feuille photo+, si mince, résiste au temps, puisqu’ayant été soumise à un traitement chimique spécial», dévoile l’inventeur.
Lê Nguyên Vy. |
Lê NguyênVy a passé six mois dans son laboratoire à mettre au point cette technique, avec pour support une feuille de figuier sacré. Mais le jeu en valait la chandelle, tant le résultat est saisissant. Et puis, celui à qui l’on pourrait affectueusement donner le sobriquet de «savant fou» n’en est pas à son coup d’essai, lui qui a déjà consacré 18 ans à la recherche d’un procédé de «photo sur pierre», en s’inspirant de la lithographie. Des travaux qu’il poursuit toujours à l’heure actuelle, l’homme étant un perfectionniste. En 2007, le Centre national du Livre des records l’a d’ailleurs reconnu comme «le premier producteur de photos sur pierre du Vietnam».
De la «photo sur pierre»…
Les «photos sur feuille» de |
Né en 1950 à Dà Nang, au Centre, Lê Nguyên Vy est un «touche à tout». Dans les années 1960, il a été un compositeur reconnu. Après 1975, pour gagner sa vie à cette époque difficile où le pays entamait son processus de conversion vers l’économie de marché, il a dû mettre de côté sa «vie d’artiste» pour se consacrer à l’artisanat : production de simili cuir, de poissons en conserve, puis de moules pour fonderie, avant de passer à la typographie (sur les sacs plastique)...
L’idée de fixer des photos sur la pierre lui est venue en 1995, en observant de beaux cailloux luisant dans les eaux d’un ruisseau sous les rayons du soleil. «La beauté du caillou sera transcendée si l’on y appose une image marquante», s’est-il dit alors. Et de se livrer passionnément aux études de l’art lithographique. Un an plus tard, Vy présentait au public ses premières œuvres.
Une satisfaction qui n’a pas duré bien longtemps : les clients préférant très vite la couleur au noir et blanc. À vau-l’eau la petite affaire de Vy...
Que cela ne tienne ! Cet homme, audacieux et déterminé, a décidé de se consacrer corps et âme à son laboratoire, cette fois pour la «photo sur pierre», en couleur. Une période très difficile pour lui qui, ayant déjà investi toutes ses économies pour la lithographie en noir blanc, s’est retrouvé «nu comme un ver»… «Imaginez toute une famille - parents et enfants - recherchant à mettre au point une technique inconnue, sans prêter attention à comment subvenir à ses besoins... Et de se contenter de deux repas frugaux chaque jour. Heureusement, la réussite a finalement été au rendez-vous !», confie-t-il, petit sourire aux coins des lèvres.
La réussite, Vy l’a obtenue en 2005, avec sa première «photo sur pierre» en couleur le montrant, lui et sa femme, le jour de leur mariage.
Le processus de fixation dure de trois à cinq heures, selon la dimension du support. L’œuvre est ensuite couverte d’un fixatif chimique. Cette technique s’adapte aux pierres de toute forme, même celles dont la surface est inégale. Il peut aussi le faire sur des coquilles, du bois ou encore des noix de coco. «Je viens de reproduire la photo de Che Guevara sur une noix de coco», nous montre-t-il.
… à la «photo sur feuille»
La feuille est donc la dernière trouvaille de Lê Nguyên Vy. C’est au début de 2012 que germe cette idée, qu’il parvient à concrétiser après seulement 6 mois.
«Seules les feuilles du figuier sacré et de l’érable sont utilisables, grâce à la densité du tissu de leurs nervures et à leur résistance», précise l’artisan photographe. Une photo de qualité dépend en premier lieu du processus de traitement de la feuille, le but étant de ne laisser que sa trame, la partie charnue étant retirée. L’image sera alors fixée grâce à un «procédé» issu de la technologie photographique numérique.
Une des photos sur pierre de |
La photo sur feuille présente plus d’un avantage : originale et légère, elle est, de surcroît, beaucoup moins onéreuse que la photo sur pierre (30.000-50.000 dôngs/pièce contre 2 à 3 millions).
Et ça marche ! Son atelier de photo, qui emploie tous les membres de sa famille, ploie sous les commandes.
Le portrait de Che Guevara sur une noix de coco. |
Lê Nguyên Vy a de la suite dans les idées, et s’affaire dans la préparation d’une expo-photo sur feuille. «Ce sera ma première exposition du genre, et elle sera destinée exclusivement aux portraits et paysages», révèle-t-il.
Il nourrit encore une autre ambition : publier un livre en feuilles représentant des «classiques littéraires» du Vietnam, comme Nam quôc son ha (Le pays du Sud) de Ly Thuong Kiêt (XIe siècle), Hich tuong si (Appel aux généraux et soldats) de Trân Hung Dao (XIIIe siècle), Binh Ngô dai cao (Proclamation de l’indépendance nationale après la victoire sur les agresseurs chinois) de Nguyên Trai (XVe siècle), Tuyên ngôn dôc lâp (Proclamation de l’indépendance nationale) de Hô Chi Minh (en 1945)… Lê Nguyên Vy ne part pas cette fois en terre inconnue, puisqu’il a déjà réussi à les «imprimer» sur les cailloux, à raison de mille mots sur 4 cm².
«Je suis en train de chercher des feuilles plus larges que celle du figuier pour y +imprimer+ des portraits de grandes personnalités du pays aujourd’hui décédées», confie-t-il. Que son vœu soit exaucé !
Nghia Dàn/CVN