Le parcours du Forum social mondial

La mondialisation a vu se développer rapidement la société civile dont l’un des buts, entre autres, est de limiter ses effets néfastes, en particulier sur les pays pauvres.

Face à l’assemblée des riches et des puissants: le Forum économique mondial de Davos, se tenait dans le même temps le Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre, au Brésil, en vue de créer une altermondialité. Rêve utopique, croyait-on au départ. Mais le bilan des dix années d’existence du FSM auquel participent des représentants du Vietnam montre sa récolte positive obtenue en dépit des obstacles et des défis innombrables.

C’est ce qu’essaient de prouver plusieurs membres du Réseau international Développement et Civilisations dans un article collectif publié par la revue Développement et Civilisations dans son N°395 de 2011. Nous donnons ici une analyse sommaire et de larges extraits de cet article d’un intérêt universel et durable.

Au fil des années, le slogan du FSM reste le même «Un autre monde est possible».

Un autre monde est possible

Rappelons que le premier FSM est né en 2001 à Porto Alegre donc, au Brésil. Le slogan reste le même au fil des années : «Un autre monde est possible». Il s’agit pour le forum de confronter les expériences et les analyses à échelle mondiale. Le FSM est un espace de rencontre ouvert, visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratiques, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences, et l’articulation en vue d’actions efficaces. À chaque assemblée générale, pas de synthèse et de résolution finale, mais alliances entre différentes associations agissant sur une même cause.

Au cours de la dernière décennie, le FSM n’a eu de cesse de prospérer. Des pays se portent volontaires pour accueillir et organiser les rencontres. Chico Whitaker, un des fondateurs du FSM, identifie ainsi les cinq principales options novatrices du processus FSM :

1. Création d’espaces de débat international pour des organisations, compagnies et mouvements agissant auparavant de manière isolée.

2. Organisation de cet espace en vue de faciliter la reconnaissance, l’apprentissage mutuel et de nouvelles alliances.

3. Respect de la diversité : on considère comme un élément positif, dans la lutte politique, la diversité des actions et l’autonomie des différents acteurs.

4. Construction d’une nouvelle culture politique basée sur l’horizontalité des relations, la coresponsabilité, le dialogue, la recherche du consensus.

5. Affirmation progressive de l’altermondialisme aux visages multiformes, dépassant le cadre partisan et politique, favorisant l’action de tous les secteurs sociaux et de chaque membre de la société.

Le FSM est un lieu ouvert destiné à construire un monde de paix, respectueux des personnes et de l’environnement. Un monde où l’économie est au service de l’humanité, et non le contraire

Question des migrations et des pauvres

Le rassemblement de février 2011 à Dakar avec la participation de militants venus de 143 pays est une nouvelle consécration du FSM. La foule est on ne peut plus bigarrée : dans le grande marche dans le centre-ville dakarois.

Dakar ouvre «un monde sans mur». Les participants ont largement débattu de la question des migrations, une réalité mondiale, concernant en particulier les pays du Sud. On dénonce les politiques des pays du Nord envers la migration provenant du Sud. Un regard attentif est porté sur les mouvements de population entre région sahélienne et pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, le refoulement des migrants par l’Afrique du Sud, les frontières divisant une même population par suite de la colonisation.

À Dakar est adoptée la Charte mondiale de migrants visant à faire valoir le droit pour tous à la liberté de circulation et d’installation sur notre planète. La lutte contre la pauvreté figure aussi au centre des préoccupations. Beaucoup d’ateliers soulèvent des problèmes communs aux pays du Tiers-Monde, concernant l’agriculture et la souveraineté alimentaire. Le cœur des débats est la raréfaction des terres cultivables due aux expulsions liées au développement des villes, et l’accaparement des meilleures terres par des sociétés privées et pays étrangers. On dénonce aussi la dépendance vis-à-vis des semenciers, la grande agro-industrie, l’exploitation démesurée des mines, et des forêts par des firmes étrangères, les difficultés de l’accès à l’eau. Plusieurs initiatives sont avancées pour ce combat paysan.

Quant au problème des genres, on déplore qu’il y a, dans beaucoup de pays, aucun changement notable. Les femmes africaines sont exclues par la réglementation de certaines pratiques légales mais plus souvent encore par le poids des traditions.

Principale barrière au vrai développement

Les élites politiques pourraient constituer la principale barrière au vrai développement. Il faut des mobilisations pour plus de justice et de participation citoyenne pour lutter contre les fraudes électorales, les pressions de tous ordres, le clientélisme et la corruption.

Le libre-échange importé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) désavantage les pays en développement dont les ressources naturelles sont accaparées par les multinationales sans retour réel pour l’économie nationale et la population. C’est du néo-colonialisme qu’il faut contrer par une démocratie participative. Il faut créer des solidarités pour une information citoyenne, dire au plus grand nombre qu’un autre monde se construit.

Les citoyens de base, même engagés dans une action militante, sont habituellement cantonnés de fait aux réalités du quotidien : nourrir la famille, payer les soins médicaux, s’assurer d’un emploi, affronter les catastrophes naturelles… Dans le cadre d’un forum de libre expression, ils se trouvent en mesure de se confronter à une réalité économique à dimension mondiale qui intervient directement ou indirectement, sur ce quotidien: prix des matières premières, chômage, exclusion des savoirs et du pouvoir, délocalisations et dumping social, évasion fiscale… Le FSM a pour premier intérêt de donner la parole à ceux qui «animent» le monde.

Ces assemblées de dialogue offrent l’occasion à des acteurs de terrain de situer leur territoire dans un monde global. Elles rendent possible d’établir des relations à long terme avec d’autres acteurs. Elles renforcent les capacités à une analyse propre. Ces assemblées mondiales pour des hommes et des femmes modestes sont source d’espoir. Et c’est en ce sens que le FSM convainc qu’un autre monde est possible.

Huu Ngoc/CVN

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