L'armée tchadienne a annoncé avoir tué le 2 mars le chef islamiste Mokhtar Belmokhtar dans le Nord du Mali. Photo : AFP/VNA/CVN |
Mokhtar Belmokhtar avait revendiqué l'attaque contre le site gazier algérien d'In Amenas le 16 janvier, suivie d'une prise d'otages. Selon Alger, 37 étrangers de huit nationalités différentes, dont trois Américains et un Algérien, y ont été tués par un commando de 32 hommes, dont 29 ont été tués et trois arrêtés.
"Les forces tchadiennes au Mali ont détruit totalement la principale base des jihadistes dans le massif de l'Adrar des Ifoghas, plus précisément dans la vallée d'Ametetai", le 2 mars à 12h00 locales et GMT, affirme le soir du 2 mars l'armée tchadienne dans un communiqué, précisant que plusieurs terroristes ont été tués, dont le chef Mokhtar Belmokhtar dit "le borgne".
L'annonce intervient après celle du 1er mars par le président tchadien Idriss Déby de la mort d'un des principaux chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelhamid Abou Zeid, également tué par l'armée tchadienne, ce qui n'a pas été confirmée par Bamako, Paris ou Alger.
Mokhtar Belmokhtar est un ex-chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), organisation avec laquelle il est entré en dissidence en octobre dernier en formant sa propre unité combattante.
Le président Idriss Déby a déclaré le soir du 1er mars que l'Algérien Abou Zeid avait été "abattu" par les soldats tchadiens au cours de violents combats dans les montagnes du Nord-Est du Mali, près de la frontière algérienne.
"Pas de commentaire" concernant la mort d'Abou Zeid, a-t-on déclaré laconiquement le 2 mars à la présidence française.
Des résultats de tests ADN, actuellement effectués en Algérie, devraient être déterminants, selon la presse algérienne.
Des officiers des services de sécurité algériens ont identifié l'arme mais pas le corps présenté comme celui du plus radical des chefs d'Aqmi, a rapporté le 2 mars le journal algérien El-Khabar.
Ces officiers qui "traquaient depuis des années Abou Zeid, ont authentifié son arme qui était en possession des Français, mais ils n'ont pas été en mesure d'identifier formellement le cadavre", écrit El-Khabar, ajoutant que ni les forces françaises ni maliennes n'ont pu identifier le corps.
En Mauritanie, en l'absence de réaction officielle, l'agence en ligne privée Sahara Médias a écrit le 2 mars avoir "pu confirmer" à partir de sources "extrêmement bien informées" dans le Nord malien la mort du chef jihadiste, sans cependant préciser ces sources.
Doutes sur la mort d'Abou Zeid
Mais des experts entretiennent des doutes sur la mort d'Abou Zeid.
Le journaliste mauritanien Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali relève que "les Algériens l'ont plusieurs fois annoncée par le passé et que le président tchadien avait besoin d'une pareille annonce pour remonter le moral (bien moral) de ses troupes et de son opinion" après la perte de soldats.
Matthieu Guidère, un universitaire français, professeur d'islamologie, note aussi que ni Aqmi, ni aucun réseau islamiste n'ont confirmé l'information. "Or l'expérience montre que les djihadistes ne cachent jamais leurs morts et en font immédiatement un martyr".
Il souligne que la source initiale de l'information sont les renseignements algériens. "L'objectif serait d'obliger Abou Zeid à communiquer pour démentir sa mort (...) et ainsi relocaliser sa piste grâce aux moyens de surveillance".
"Je suis extrêmement dubitatif tant que ce n'est pas confirmé officiellement par les Algériens", ajoute un autre spécialiste français, consultant sur le terrorisme, Jean-Charles Brisard.
Quoi qu'il en soit, l'annonce de cette mort relance les inquiétudes sur les otages français au Sahel dont au moins six sont détenus par Aqmi.
Pascal Lupart, président du Comité de soutien à deux otages enlevés en novembre 2011 au Mali, dit craindre que les otages se retrouvent aux mains de "seconds couteaux", si c'est bien Abou Zeïd qui a été tué.
M. Guidère estime que "quand les djihadistes sont attaqués, les représailles sur les otages sont quasi systématiques".
C'est dans ce contexte militaire défavorable aux jihadistes que se situe l'annonce de la mort d'Abou Zeid.
Un responsable malien de la sécurité évoque "un coup dur pour Aqmi", tout en prévenant qu'elle "ne signifierait pas du tout sa mort ou sa fin".
Cette organisation "est très structurée et peut sans doute amortir le coup", fait aussi remarquer Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali, directeur de l'agence privée mauritanienne en ligne ANI et spécialiste d'Aqmi.
Mais Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), note qu'"avec les Tchadiens, les Maliens et les Algériens, l'armée française est en train de nettoyer toute la zone. Les jihadistes mettront du temps à s'en relever s'ils s'en relèvent", dit-il.
"Nous avons livré un combat sans merci aux troupes maliennes avec leurs complices français à 60 km à l'est de Gao le 1er mars", a déclaré à l'AFP le porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'ouest (Mujao) Abou Walid Sahraoui;
Un soldat malien a affirmé au contraire que l'armée régulière y avait "détruit une base du Mujao" qui a eu "beaucoup de morts".
AFP/VNA/CVN