Le vétéran Nguyên Xuân Mai (gauche) et son ami, lui aussi ancien combattant de Diên Biên Phu. |
«J’avais seulement 17 ans, et j’étais l’agent de liaison de la compagnie 677, bataillon 536, division 316 lors de la bataille de Diên Biên Phu», nous raconte Nguyên Xuân Mai. Les souvenirs de cette bataille inondent le cerveau de cet ancien soldat. Aujourd’hui encore, le «dossier Diên Biên Phu» est ancré à vie dans sa mémoire, comme une «dette» envers ses défunts camarades. Il se souvient de la bataille comme si c’était hier. Soixante ans plus tard, il est capable de raconter l’affrontement dans ses moindres détails et de reconstituer les péripéties du siège et des assauts. «Nous marchions en direction de Diên Biên Phu depuis le mois de novembre 1953. Notre tâche était de libérer le Nord-Ouest. Personne n’entendait parler de Diên Biên Phu. Notre unité a atteint Tuân Giao le 7 décembre 1953. C’est là seulement que nous avons été informés de l’occupation de Diên Biên Phu par les parachutistes français», se souvient le vétéran.
Histoires de ceux qui ont fait l’histoire
Chaque fois qu’une personne fait référence à la bataille de Diên Biên Phu, le colonel se montre enthousiaste à l’idée de raconter une période de sa vie qu’il ne pourra jamais oublier. «Notre compagnie était chargée de la défense anti-aérienne. Notre tâche visait à tirer sur les avions. Nous étions situés sur la colline de Pusan, la colline des herbes à paillote. Nous avons subi un bombardement de napalm. Lors de cette bataille, notre compagnie a connu une perte importante : plus de 20 morts et blessés. Notre mission a été menée à bien. Nous avons attiré la puissance de feu de l’ennemi pour ensuite l’anéantir. C’était le 13 décembre 1953», raconte avec fierté M. Mai. Ses yeux se remplissent discrètement de larmes en se rappelant de ses frères d’armes morts ce jour-là. «Au moment où l’avion de l’ennemi nous a bombardés, je descendais de la colline de Pusan pour aller chercher de l’eau. J’ai eu de la chance d’échapper à la mort», révèle-t-il.
Une photo faisant partie de la collection de clichés de Nguyên Xuân Mai sur le général Giap (1er à gauche)et les vétérans. |
En 2004, M. Mai a participé à une formation organisée par l’Association des journalistes du Vietnam qui portait sur la bataille de Diên Biên Phu. «J’étais l’unique personne de cette classe à avoir participé à la bataille», se souvient-il. Pour réaliser un bulletin sur cet événement historique, les participants ont rencontré plusieurs témoins. «Depuis lors, l’idée de réaliser un livre a germé en chacun de nous», explique le vieux soldat de l’Oncle Hô. Il a consacré trois mois à l’élaboration d’une liste de ses frères d’armes de Diên Biên Phu. Entre 2008 et 2009, le colonel et ses cinq autres futurs-auteurs du livre ont rencontré et interviewé plus de 200 témoins de la bataille vivant dans différentes localités du pays. Intitulé Chuyện những người làm nên lịch sử - Hồi ức Điện Biên Phủ (1954-2009) (Histoires de ceux qui ont fait l’histoire - Souvenirs de Diên Biên Phu, 1954-2009) , le livre a été publié en 2009 par les Éditions de la politique nationale au Vietnam, à l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de la victoire historique du pays. «Depuis que le livre est sorti, plusieurs témoins se sont éteints... Je suis sûr qu’actuellement, une trentaine de personnes sont mortes», partage l’ancien combattant.
Encore des rêves à réaliser
Âgé de 80 ans, M. Mai a encore soif de travail. Il nous a confié en quoi consistait son futur projet. Pendant qu’il travaillait au journal Cuu chiên binh Viêt Nam (Les vétérans vietnamiens), entre novembre 1990 et juin 2008, il a rencontré le général Vo Nguyên Giap à plusieurs reprises. «J’ai eu la chance d’assister à plusieurs rencontres entre notre général et les anciens combattants», raconte-t-il. Avec les photos prises lors des ces rencontres, il a l’intention de publier un album illustré sur le légendaire général. «J’ai dans mes mains environ 800 clichés du général Giap. J’en ai développé environ 183. Certaines images sont très précieuses», dévoile-t-il.
Ce que nous admirons chez M. Mai, c’est son amour pour la vie actuelle et sa passion de prédire l’avenir. Plus particulièrement, les sentiments de cet ancien combattant de Diên Biên Phu réservés à ses frères d’armes, inchangeables en dépit des années passées et des changements de la vie, nous ont beaucoup touchés.
Texte et photos : Phuong Mai/CVN