Alors que les titres traditionnels de la presse sud-africaine, en anglais et en afrikaans, des langues d'origine européenne, sont confrontés à une baisse de leurs ventes et au marasme du marché publicitaire, les journaux en zoulou ne connaissent pas la crise : leur nombre ne cesse d'augmenter, et ils continuent de gagner des lecteurs. "Je crois que les gens se sentent plus à l'aise quand ils lisent dans leur langue" , estime le vendeur de journaux Blessings Kupe, un Zimbabwéen de langue shona qui apprend le zoulou en lisant Isolezwe.
L'Afrique du Sud compte 20 quotidiens et 13 hebdomadaires. La plupart d'entre eux sont en anglais, la langue des affaires et du gouvernement, quand bien même elle n'est parlée à la maison que par 8% de la population.
Quant au zoulou, c'est la langue maternelle d'un petit quart des Sud-Africains, la plus répandue dans le pays. Ses locuteurs sont essentiellement établis dans le KwaZulu-Natal (Est), mais sont aussi présents dans de nombreux centres urbains, dont Johannesburg.
Les journaux dans cette langue du groupe nguni ne sont pas chose nouvelle, certains d'entre eux paraissant depuis plus de cent ans. Mais Isolezwe (littéralement "L'OEil de la Nation"), seulement lancé en 2002, est rapidement devenu le troisième quotidien d'Afrique du Sud. "J'aime le lire parce que c'est en zoulou, et parce que c'est écrit dans un langage courant" , raconte Bafana Mthethwa, un client de Blessings Kupe qui travaille dans le commerce.
Isolezwe a écoulé en moyenne 104.320 exemplaires de son édition quotidienne et 74.916 copies de l'édition dominicale l'an dernier, des chiffres de vente en progression de respectivement 3,5% et 25% sur l'année précédente. La diffusion de l'hebdomadaire Ilanga (Le Soleil) a également bondi de 25%.
Par contraste, les ventes du Daily Sun, le quotidien le plus populaire d'Afrique du Sud, ont chuté de près de 16% l'an dernier, à 414.276 exemplaires. Celles du Star et du Sowetan, les deux grands quotidiens de Johannesburg, ont également baissé.
Sentant le vent tourner, le très influent Sunday Times, diffusé à un demi-million d'exemplaires tous les dimanches, a lancé une édition en zoulou en novembre : il en imprime 25.000 exemplaires et en vend près de la moitié, selon son rédacteur en chef Thulani Mbatha. "Les autres journaux en zoulou n'ont pas été touchés par notre lancement. Pourtant, nous continuons à accroître notre lectorat, ce qui signifie qu'il y a un marché" , estime-t-il.
Une partie du succès s'explique aussi par le fait que ces journaux peuvent également être lus par des locuteurs xhosas, swazis et ndébélés, dont les langues sont voisines du zoulou. Le lectorat potentiel concerne ainsi environ la moitié de la population de l'Afrique du Sud, explique Sihawukele Ngubane, du Conseil des langues d'Afrique du Sud.
AFP/VNACVN