Népal : une agence de trekking de femmes aide l'émancipation féminine

Quand les trois sœurs Chhetri ont lancé une agence de trekking 100% féminine, l'idée a paru si grotesque aux yeux des Népalais que beaucoup ont pensé qu'il s'agissait d'une couverture pour dissimuler les activités d'une maison close.

Que des femmes créent une entreprise était déjà inhabituel au Népal. Qu'elles s'aventurent seules dans les montagnes reculées de l'Himalaya, souvent pendant des semaines entières, en compagnie de randonneurs étrangers, cela ne s'était jamais vu.

Mais si les habitants de ce petit pays conservateur à majorité hindoue ont d'abord été choqués de cette initiative lancée au milieu des années 1990, les réactions des touristes étrangers ont été largement positives.

Les trois sœurs Lucky, Dicky et Nicky, originaires de l'Est du Népal mais ayant grandi en Inde, ont commencé par gérer un petit hôtel à Pokhara (Ouest), une bourgade jouissant d'une vue exceptionnelle sur les sommets de l'Annapurna.

À force d'entendre les commentaires d'étrangères se plaignant d'avoir été harcelées par des guides de montagne ayant trop bu, elles ont eu l'idée de monter une agence de grande randonnée, qu'elles ont baptisée simplement "Trois sœurs", avec des guides uniquement féminins.

"Aucune de nous n'avait la moindre idée de la façon de monter une entreprise. Nous étions éduquées, donc supposées devenir enseignantes ou infirmières, des métiers sûrs et balisés, n'impliquant aucun soupçon d'aventure", explique Lucky Chhetri, 46 ans.

Les trois soeurs pensaient d'abord qu'elles serviraient d'accompagnatrices pour réduire le fossé linguistique et culturel entre les touristes et leurs guides masculins.

Mais il est vite devenu évident que les clients des deux sexes voulaient qu'elles soient aussi guides, un métier auquel elles n'étaient pas du tout préparées, avouent-elles aujourd'hui.

La plus enthousiaste des trois, Dicky, 44 ans, s'est inscrite à un cours organisé par le gouvernement pour entraîner les guides de montagne. Elle était la première femme à y participer.

"Quand j'ai commencé, je savais à peine ce que le mot trekking voulait dire", confie-t-elle. "Au début, les hôtels refusaient de me donner une chambre et je devais dormir dans le salon, où tous les hommes buvaient et me prenaient à partie", se souvient Dicky.

La bouche à oreille a fait leur succès, et bientôt elles ne pouvaient faire face seules à l'afflux de clients. Elles ont fait appel à d'autres femmes et ont mis au point leur propre formation, combinant les connaissances sur la sécurité en haute altitude, des notions d'anglais et des cours sur la faune et la flore.

Cela n'a pas non plus été sans difficulté : les femmes des montagnes sont habituées à marcher --c'est pour beaucoup leur seul moyen de locomotion -- mais les préjugés sociaux sont si forts qu'il a fallu convaincre leurs familles d'accepter qu'elles soient recrutées.

Aujourd'hui, les sœurs Chhetri affirment que les parents encouragent leurs filles à devenir guide, y voyant une source fiable de revenus.

Nirma Rai, 30 ans, travaille pour les "Trois Sœurs" depuis 2002. "Ma famille me soutient, mais je pense que parfois les hommes sont jaloux de ce que je gagne. Ils disent : +Tu es si petite, comment peux-tu faire ce métier ?+".

Elle se forme en vue de s'attaquer un jour aux hauts sommets, un métier mieux rémunéré.

Les sœurs Chhetri, qui comptent des diplômés de l'enseignement supérieur parmi la centaine de guides qu'elles emploient, disent que le fait d'aider les femmes de milieu modeste à embrasser des carrières ambitieuses dans le tourisme a été l'un des aspects les plus satisfaisants de leur aventure.

"Leurs guides sont très bien formées, mais ce n'est pas qu'une entreprise, elles se donnent pour mission d'aider les gens du coin et d'amener les femmes à prendre leur vie en main", explique une cliente, Judy Mallam, une enseignante de mathématiques britannique.

Au Népal, les femmes se heurtent toujours à des défis énormes. Seule une femme sur quatre peut lire et écrire, contre 62% des hommes.

AFP/VNA/CVN

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