Le premier syndicat Amazon américain pourrait naître dans le conservateur Alabama

L'Alabama, État américain pauvre et conservateur, semblait idéal pour les firmes qui se passent volontiers des syndicats, jusqu'à ce qu'une poignée d'employés d'Amazon ne décide de se chercher des représentants pour réclamer un siège à la table des négociations.

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Le sénateur Bernie Sanders et le rappeur Michael "Killer Mike" Render sont venus soutenir les employés d'Amazon de Bessemer dans l'Alabama. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Bernie Sanders, élu indépendant et figure progressiste majeure, a admis vendredi 26 mars sa surprise face aux succès initiaux de cette tentative de syndicalisation à Bessemer.

"C'est un État historiquement très anti-syndicats", a-t-il déclaré devant le siège régional de la RWDSU, le syndicat de la distribution qui représentera 5.800 employés d'un entrepôt voisin s'ils votent en sa faveur.

"Ce n'est pas rien, en Alabama, de se lever contre une grande corporation", a ajouté le populaire septuagénaire.

Mais "Martin (Luther King) n'a pas commencé à manifester à Atlanta, il a commencé ici, à Birmingham", la capitale de l'État, est intervenu le rappeur Killer Mike, aussi venu soutenir les ouvriers juste avant la clôture du vote lundi 29 mars.

"C'est une tradition des habitants de l'Alabama de se mobiliser pour le reste de la population", a souligné l'artiste.

Il a aussi insisté sur le passé de l'État, ancré dans les plantations de coton, et accusé Amazon d'exploiter des "manutentionnaires asservis", aux conditions de travail comparables à celles des paysans toujours exploités dans les champs juste après l'abolition de l'esclavage.

L'histoire sociale de l'Alabama s'inscrit autant dans le conservatisme (principalement des Blancs) que le progressisme (associé aux Noirs).

Dans les années 1960, le RWDSU a ainsi participé à l'organisation des marches contre la ségrégation aux côtés de Martin Luther King et de John Lewis, à Selma.

Darryl Richardson est l'employé d'Amazon qui a contacté le syndicat RWDSU et lancé un projet désormais soutenu par de nombreuses personnalités, y compris Joe Biden, le président des États-Unis. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Main-d'œuvre pas si malléable 

L'État du Sud a connu une période très syndicalisée dans les années 1920 et 1930, notamment dans la région sidérurgique de Bessemer, fait remarquer l'historien Michael Innis-Jiménez.

"Mais autrement, sa réputation est assez méritée", concède ce professeur de l'université de l'Alabama. "Nous avons la seule usine Mercedes sans syndicat au monde".

"Historiquement, les industries du Nord-Est sont venues dans le Sud (...) parce que la main-d’œuvre est meilleur marché, moins susceptible de se faire représenter, et plus facile à licencier", explique-t-il.

Il reconnaît qu'Amazon a ouvert ce centre logistique à Bessemer il y a un an, comme de nombreux autres dans le pays : pour répondre au plus près à la demande galopante.

Mais le géant du commerce en ligne ne s'attendait pas forcément à ce que 3.000 ouvriers ne signent un accord de principe au RWDSU.

Deux facteurs distinguent le contexte de l'entrepôt de l'usine Mercedes : un syndicat qui ne vient pas d'ailleurs, qui a été impliqué dans le mouvement des droits civiques, et des employés principalement afro-américains.

Parmi eux, Darryl Richardson, qui, à l'automne dernier, ulcéré par la peur d'être viré pour rien, les pauses trop courtes, les cadences infernales et le manque de respect qu'il ressent d'une façon générale, a contacté le RWDSU.

"Je sais ce qu'un syndicat peut apporter", raconte-t-il à l'AFP. Cet ouvrier de 51 ans, père de quatre filles, s'est investi jour et nuit depuis des mois pour convaincre ses collègues, pour la sécurité de l'emploi et pour les "générations futures".

Les syndicalistes Syrena et Steve saluent les ouvriers qui arrivent et repartent de l'entrepôt Amazon de Bessemer, après des mois de mobilisation pour les convaincre de voter oui au projet de syndicat.

Marquer l'histoire 

Il avait auparavant travaillé pour un sous-traitant de Mercedes, où le salaire était passé "de 12,5 USD à 23,5 USD de l'heure", en quelques années, "grâce au syndicat".

Amazon paie 15 USD de l'heure minimum, plus du double du salaire minimum en Alabama. Au début de la pandémie, la société a aussi versé un bonus de 2 USD par heure, avant de le retirer au bout de trois mois.

Cette décision a fait partie des éléments déclencheurs, note Joshua Brewer, le président local du syndicat, tout comme le sentiment de ne pas être correctement protégé contre le COVID-19.

"D'habitude, quand une entreprise comme Amazon arrive à Bessemer avec un entrepôt dernier cri et tous ces super emplois, vous n'avez pas ce genre de problèmes. Mais là, en quatre mois, les employés n'en pouvaient plus", se souvient-il.

En réponse aux plaintes d'employés dans la presse, Amazon met régulièrement en avant les recrutements, le salaire et les avantages sociaux comme l'assurance santé "dès le premier jour".

Des arguments qui fonctionnent notamment auprès des jeunes salariés, moins imprégnés de culture syndicale. Mais l'élan de Bessemer galvanise déjà des ouvriers ailleurs aux États-Unis, assurent le syndicat et des élus locaux.

"Ce mouvement n'aurait pas pu arriver ailleurs qu'ici, où des gens sont morts dans la rue pour le droit de vote", a assuré vendredi 26 mars Christopher England, président du parti démocrate pour l'Alabama. "Nous allons à nouveau marquer l'histoire".

AFP/VNA/CVN

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