Alors que Washington se prépare à injecter des milliards de dollars dans l'économie américaine malade pour lui éviter une longue et profonde récession, les analystes, évoquant le précédent japonais, avertissent que si les dépenses publiques peuvent soulager les souffrances immédiates, les problèmes de fond ne disparaîtront qu'une fois que le système financier aura vraiment été assaini.
"En général, la relance budgétaire a eu un effet assez positif sur le moment", rappelle Richard Jerram, économiste pour le Japon chez Macquarie Securities. Mais elle a aussi abouti à de nombreux gaspillages, et Tokyo a trop tardé à s'attaquer aux problèmes du secteur bancaire, tempère-t-il.
Selon lui, quand l'économie rebondit grâce aux travaux publics, les banques semblent aussi aller mieux. Mais les croire guéries pour de bon serait une erreur : "l'effet des mesures de relance commence-t-il à s'essouffler que les banques replongent à nouveau dans le trou noir", avertit M. Jerram.
Au début des années 1990, l'État dépensait tant d'argent dans les infrastructures qu'un travailleur japonais sur 10 était employé dans le secteur de la construction. L'efficacité de cette politique, qui a fait du Japon le pays développé le plus endetté du monde, est controversée.
Selon Masaaki Kanno, économiste chez JP Morgan, les grands travaux n'ont certes pas constitué un remède miracle, mais ils ont quelque peu amorti le choc de la récession. "Ils ont été un des facteurs de la reprise", soutient-il.
"La première leçon que l'on peut tirer de l'expérience japonaise dans les années 1990 c'est que l'investissement public donne un coup de fouet à l'économie. Mais la deuxième leçon, c'est qu'une reprise basée sur la relance budgétaire est très volatile", explique M. Kanno.
Etranglé par une dette publique de plus en plus gigantesque, le gouvernement japonais n'avait finalement pas trouvé mieux que de renvoyer l'économie dans la récession en 1997, en relevant la taxe sur la consommation de 3% à 5%.
Un peu comme aux États-Unis, la crise économique japonaise avait eu pour origine l'éclatement d'une bulle spéculative immobilière. Croûlant sous les créances irrecouvrables, le système bancaire avait frôlé l'effondrement et le pays en avait été quitte pour une "décennie perdue" de stagnation.
Pour enrayer la crise, la Banque du Japon avait réduit les taux d'intérêt à zéro et l'État avait fini par injecter massivement des fonds publics dans les banques. Mais selon les économistes, ces efforts de sauvetage ont été mal planifiés et sont arrivés trop tard.
"Il est très difficile d'arrêter les travaux publics quand des groupes de pression commencent à faire surface. J'espère que les États-Unis y feront attention", prévient M. Kanno.
AFP/VNA/CVN