Le gardien du “trésor culturel” de l’ethnie Cao Lan

L’artisan Sâm Van Dun est considéré comme un “musée vivant” des Cao Lan. À l’âge de 77 ans, il continue avec diligence la recherche et la promotion du sình ca, un chant alterné et joyau immatériel de l’identité culturelle de cette minorité ethnique.

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L’artisan Sâm Van Dun. 

Il faut emprunter de longues routes sinueuses pour atteindre la maison de l’“Artisan du Peuple” Sâm Van Dun, nichée dans un petit village de la commune de Dai Phu, district de Son Duong, province de Tuyên Quang (Nord).

Grand connaisseur de la culture Cao Lan et très enthousiaste dans la préservation des valeurs traditionnelles de son ethnie, Sâm Van Dun est très respectée par les villageois.

Une passion nourrie depuis l’enfance

Ayant grandi dans le berceau du sình ca, dès l’âge de 10 ans, Sâm Van Dun pouvait en entonner les chants et ressentir l’importance culturelle de cette musique grâce à son père, Sâm Van, un célèbre chanteur de la région. C’est son père qui lui a transmis toute son expérience et ses techniques. Selon Sâm Van Dun, apprendre à chanter le sình ca est aussi une façon d’apprendre la langue et l’écriture des Cao Lan, car enregistré en nho (ancien vietnamien écrit avec des sinogrammes), le sình ca fut d’abord interprété dans la langue de l’ethnie Cao Lan, puis dans la langue nationale, le vietnamien.

Cette musique est divisée en deux genres : l’un pour les représentations dans la journée lors des fêtes printanières, des mariages, des funérailles ou durant les travaux champêtres, et l’autre pour les spectacles nocturnes qui sont très prisés par les jeunes célibataires. Ses paroles vantent l’amour, le patriotisme, les bonnes vertus de l’homme, la beauté de la nature et de l’univers, etc., le tout avec une certaine philosophie. Ils nous apprennent à être vertueux, à respecter les aînés et à être tolérant vis-à-vis des plus jeunes, à vivre dans la solidarité, l’amour et l’entraide”, a exprimé l’artisan.

Apprendre à chanter le "sình ca" est aussi une façon d’apprendre la langue et l’écriture des Cao Lan. 

Faire résonner le tambour de culte

En 1998, la Résolution N°3 du Comité central du Parti communiste du Vietnam a été approuvée lors de son 5e plénum sur l’édification et le développement de la culture vietnamienne imprégnée de l’identité nationale. Sâm Van Dun a alors pris une décision audacieuse : faire résonner le son des tambours sành - habituellement réservés au culte spirituel des Cao Lan - en les utilisant comme instruments de musique lors des spectacles.

À cette époque-là, de nombreux artisans âgés du village s’y étaient opposés car, depuis des lustres, les tambours sành étaient considérés comme des objets sacrés utilisés uniquement à des fins cultuelles. Au fil du temps, ils ont compris que le désir de Sâm Van Dun de présenter au public la quintessence artistique, ainsi que la vie spirituelle et les croyances des Cao Lan était une bonne chose pour la préservation de leur culture.

Enregistré en "nho" (ancien vietnamien écrit avec des sinogrammes), le "sình ca" fut d’abord interprété dans la langue de l’ethnie Cao Lan, puis dans la langue nationale, le vietnamien.

Pour promouvoir davantage les valeurs du sình ca, entre 2000 et 2002, Sâm Van Dun a activement participé aux festivals culturels des ethnies du Nord-Est organisés à Cao Bang, Lang Son et Thái Nguyên, et a remporté des médailles d’argent et d’or pour ses représentations de sình ca.

En 2019, Sâm Van Dun a reçu le titre d’“Artiste du Peuple” en reconnaissance de ses contributions importantes à la préservation et à la promotion des patrimoines culturels immatériels de la nation. “Sâm Van Dun est un artisan qui jouit d’un grand prestige au sein de la communauté et représente une fierté pour les Cao Lan de la province de Tuyên Quang”, a souligné Trân Hanh, président du Comité populaire de la commune de Dai Phu.

Formateur et traducteur

En tant que président du club “Gia đình văn hóa” (Famille culturelle) de son village, Sâm Van Dun mobilise régulièrement les gens pour participer activement aux mouvements culturels et artistiques. Actuellement, le club regroupe plus de 120 membres. La troupe de sình ca qu’il a fondée il y a plus de 20 ans est devenue une référence pour les amateurs de cette musique. Elle a réalisé de nombreux spectacles et remporté des prix lors de festivals culturels.

M. Dun a une collection de plus de 200 livres anciens vieux de plusieurs centaines d’années. 

Dans le but de transmettre cet héritage aux jeunes générations, Sâm Van Dun a ouvert des cours chez lui. Ces dernières années, il a enseigné à une centaine d’élèves. Du fait que les chansons sont écrites en nho, il a décidé d’entreprendre les traductions sémantiques et les enregistre dans le but de les enseigner aux générations futures et à ceux qui ne maîtrisent pas les sinogrammes. L’artisan a également contribué à de nombreuses traductions de chansons au Service provincial de la culture, des sports et du tourisme à des fins de recherche et de documentation en vue de la reconnaissance de cette musique comme patrimoine culturel immatériel au niveau national en 2015.

Actuellement, M. Dun a une collection de plus de 200 livres anciens vieux de plusieurs centaines d’années. Ces ouvrages abordent principalement les proverbes, le processus de migration des Cao Lan, et surtout les rituels importants de cette communauté. Il détient également huit recueils de sình ca.

Grâce à l’enthousiasme et à la volonté de partage de Sâm Van Dun, de nombreuses générations des Cao Lan ont retrouvé leur amour pour la culture traditionnelle et le sình ca. Il a même suscité l’intérêt des jeunes pour la préservation de la langue et de l’écriture des Cao Lan.

Âgé, il continue de composer, ayant créé plus de 140 chansons liées à la vie contemporaine pour attirer les jeunes. Sâm Van Dun est surnommé le “musée vivant” par les villageois car il conserve les instruments de musique traditionnels de son ethnie.

Le chant alterné des Cao Lan, appelé "sình ca", consiste en de courts poèmes récités en musique par les jeunes célibataires.

Grâce à ses contributions, l’artisan a reçu à deux reprises des satisfecit du Premier ministre pour la préservation de l’identité culturelle nationale des minorités ethniques, en 2010 et 2017. L’an passé, il a été honoré par le Comité populaire de la province de Tuyên Quang comme l’un des 10 “Citoyens exemplaires” de la province. Toutefois, sa plus grande récompense est sans doute de voir le sình ca être apprécié d’un large public.

Sình ca, le chant des célibataires

À Tuyên Quang, la minorité ethnique Cao Lan est la troisième plus peuplée après les Tày et Dao. Avec plus de 60.000 personnes résidant principalement dans les districts de Son Duong, Yên Son et Hàm Yên, elles représentent 36% de la population Cao Lan au Vietnam. Personne ne sait précisément à quand remonte la naissance du sình ca (chant alterné des Cao Lan). Transmise de génération en génération, cette musique est l’âme des Cao Lan et ne doit pas se pratiquer entre habitants du même village, mais seulement entre ceux de villages différents, de surcroît encore célibataires. Les personnes mariées n’ont le droit que d’écouter et de souffler des paroles aux participants... Le sình ca consiste en de courts poèmes qui regorgent de métaphores que les interprètes utilisent pour exprimer leurs sentiments. Prenons quelques exemples. Dans un mariage, les garçons invitent les filles à boire en chantant : “Si vous acceptez de boire avec moi, on formera un couple. Sinon, on se quittera sans bruit”. Et lorsqu’un garçon voit passer une fille qui lui plaît, il l’invite à entrer chez lui en chantant : “Entrez, s’il vous plaît, joli passereau. Même s’il n’y a pas d’alcool, j’ai toujours un verre d’eau à vous offrir”.

Texte : Linh Thao/CVN

Photos : Nam Suong/CVN

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