>>Les repas du Têt traditionnel des Hanoïens
>>Cô Têt : le raffinement de l’art culinaire de Hanoï
Ingrédients du "canh bong". |
La fête du Nouvel An lunaire ou Têt est le moment le plus important car marquant la transition de la vieille année vers la nouvelle. Lors du Têt, les Vietnamiens, quel que soit leur métier, quel que soit l’endroit où ils vivent, ont le même souhait de se retrouver en famille.
Dans la froideur de l’hiver du Nord, se réunir ensemble le dernier après-midi de l’année autour des plats, s’échanger les meilleurs vœux d’une nouvelle année pleine de bonheur et de prospérité constituent une tradition porteuse de sens pour tout le monde.
Le Cô Têt (le plateau des plats) est l’âme du Têt traditionnel. Pour rendre hommage et exprimer vénération et reconnaissance envers les ancêtres, les femmes cuisinent le meilleur repas à poser sur l’autel. On peut citer le potage de pousses de bambou braisées aux pieds de porc, la viande de poulet bouillie, la viande de porc en gelée, les échalotes fermentées.
On ne sait pas depuis quand existe et qui a créé le canh bong (potage à la couenne de porc soufflée, cuit avec des légumes) mais c’est un plat incontournable lors des occasions spéciales comme le Têt traditionnel ou repas de fêtes.
Un savoir-faire exigeant
La peau du porc est l'ingrédient principal du "canh bong". |
Les cuisinières utilisent la peau du porc comme ingrédient principal de ce potage. Après avoir été nettoyée et dégraissée, elle sera séchée au soleil puis placée dans le four pour que la couenne soufflée. "Autrefois, quand les conditions de vie étaient encore modestes, l’achat de la couenne soufflée était difficile. Il fallait que les grands-mères et mères en commandent plusieurs mois avant le Têt", raconte Mme Thuong, une octogénaire vivant dans la ville de Bac Giang (Nord).
Mais pourquoi le canh bong? Le nom de ce plat fait référence à la technique et aux astuces de sa cuisson. Pour confectionner un bol de potage à la couenne de porc aux légumes, on doit suivre plusieurs étapes éprouvant la minutie, l’habileté et la patience de celui ou celle qui cuisine.
En particulier, au lieu de prendre de l’huile végétale ou de la graisse, on verse directement dans le bouillon sur le feu la couenne soufflée, des crevettes sèches réhydratées, des brocolis, des œufs de caille bien bouillis et décortiqués.
"Dès le début du 12e mois lunaire de chaque année, ma grand-mère commandait déjà des pièces de bong (peau de porc soufflé) à l’épicerie dans le marché du village. Selon les personnes âgées, les couennes choisies doivent être propres, sèches et avoir une couleur jaune brillante", témoigne Thu Hang, une étudiante hanoïenne.
On commence par faire tremper séparément dans de l’eau tiède, pendant environ 15 à 20 minutes, la couenne de porc, les champignons parfumés, les crevettes sèches. La peau du porc devient plus souple. Elle est ensuite nettoyée avec un peu d’alcool et quelques morceaux de gingembre. Il s’agit d’un passage obligé pour obtenir une peau propre.
La couenne est découpée en morceaux rectangulaires et assaisonnée de sel, de poivre, de saumure de poisson. La carotte est découpée en petites rondelles assez fines. Le chou-rave et le brocoli sont coupés en morceaux. On cuit très vite les légumes puis on les trempe dans l’eau froide. Cette méthode permet de bien conserver la couleur et l’arôme des légumes.
Le canh bong, un plat qui tient à cœur
Un bol de canh bong. |
Après avoir fait bouillir un poulet dans une grande marmite, on filtre et dégraisse ce bouillon pour qu’il soit d’une parfaite limpidité. Puis, il est porté lentement à ébullition avec les crevettes et un morceau de gingembre.
Après ébullition, on réduit le feu et on verse la peau de porc, les légumes, les œufs de caille, les boulettes de moc (viande de porc hachée mélangée avec de la farine) et on fait cuire pendant quelques minutes.
Les champignons parfumés sont ensuite ajoutés dans le potage pour assurer la parfaite limpidité du bouillon.
Bien que la préparation du canh bong soit très exigeante, ce plat figure toujours sur la liste des plats familiaux pendant les journées du Têt. Sa saveur, sa pureté restent inscrites dans la mémoire de chaque Vietnamien vivant loin de sa famille. "Je garde en mémoire des souvenirs d’enfance où ma mère et ma grand-mère préparent le canh bong. Son arôme, à lui seul, peut réveiller les cinq sens d’un enfant curieux et attendant avec impatience le Têt. Sa saveur m’a même suivi dans le pays étranger où je vis aujourd’hui…", confie Thu Trang, une Vietnamienne résidant en France.