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Âgé de 33 ans, Nguyên Van Truong est totalement dépendant de sa mère. |
Photo : CTV/CVN |
Située au 17e parallèle de latitude, la province de Quang Tri, au Centre, se trouve l’une des localités vietnamiennes les plus touchées par l’agent orange/dioxine. Selon un document de la Commission du désarmement des Nations unies, N°CD/82 (Chemical Dissarsement), après sept mois de déploiement de l’opération Ranch Hand, la Force aérienne des États-Unis (US Air Force) a effectué 200 missions de pulvérisation. Ce sont 760.000 litres de défoliants (lesquels contenaient de la dioxine, une substance toxique qui perturbe les fonctions hormonales, immunitaires et reproductives de l’organisme, ndlr) qui furent épandus sur les routes près du 17e parallèle. Avec divers moyens de pulvérisation, dont des hélicoptères et avions équipés de bombes incendiaires à haute température, les poisons ont été dispersés sur une zone beaucoup plus grande que la carte de pulvérisation officiellement enregistrée par l’armée américaine.
Une mort lente, bien après la guerre
En juin 2020, Quang Tri a fait une nouvelle enquête sur le nombre de personnes exposées à la toxine. Cette dernière compte au total 9.016 victimes de l’agent orange/dioxine, dont 5.278 personnes ayant servi la nation. En comparaison avec 1999, près de 6.830 victimes sont décédées. Le taux de cancers et de malformations congénitales au sein des 2e et 3e générations des personnes contaminées par l’agent orange/dioxine reste élevé par rapport à la moyenne nationale. Les victimes directes à Quang Tri, leurs enfants et petits-enfants biologiques continuent de souffrir d’une mort lente, plus de 45 ans après la guerre, et ce partout au Vietnam.
À l’âge de 72 ans, Lê Thi Mit, domiciliée dans le hameau de Phuong An 2, commune de Cam Nghia, district de Cam Lô, continue de prendre soin de son fils Nguyên Van Truong, souffrant de malformations congénitales et de déficit intellectuel. Bien qu’il ait 33 ans, Truong se comporte comme un enfant de 3 ans. Il est totalement dépendant de ses parents âgés.
"J’ai quatre enfants dont trois touchés par l’agent orange/dioxine. Parmi eux, deux sont décédés dans la douleur. Je ne sais pas si ce fils handicapé mourra avant nous ou non", soupire-t-elle en essuyant les larmes qui coulent lentement sur ses joues ridées.
Sa vieillesse et sa santé fragile rendent difficile la prise en charge de Truong. Cependant, cela reste moins compliqué qu’auparavant quand Mme Mit devait s’occuper de trois enfants handicapés en même temps. "Nous n’avons pas de lits dans la maison car mes enfants cherchaient souvent à les détruire... Mon second fils avait l’habitude de se mordre la main jusqu’au sang. Alors, je devais parfois l’attacher et il se mettait à hurler nuit et jour...", se souvient-elle la gorge serrée.
Mme Mit a tout sacrifié pour tenter de guérir ses enfants. Il lui a fallu vendre tous les biens de sa famille et emprunter de l’argent auprès de proches et d’amis, en vain. Elle a ainsi, pendant des années, passé ses journées et ses nuits à les soigner et à les surveiller.
Dans une classe destinée à des victimes de l’agent orange/dioxine à Quang Tri (Centre). |
Photo : ST/CVN |
Dans le hameau de Tân Hoa, commune de Câm Huyên, district de Câm Lo, la famille de Trân Van Tâm vit une tragédie similaire.
Sa femme, Trân Thi Dân, a donné naissance cinq fois. Son fils aîné est décédé à la naissance, tandis que les autres sont tous atteints de graves troubles mentaux.
"Mon plus grand souhait serait un jour de les voir parler, sourire et jouer comme tant d’autres jeunes de leur âge... Une fois que nous serons trop âgés ou même décédés, qui donc s’occupera d’eux ?", s’interroge Mme Dân avec tristesse.
La douleur de donner naissance à des enfants souffrant de malformations congénitales et en mauvaise santé n’est malheureusement pas une histoire isolée et propre aux familles des Mme Dân et Mme Mit. À Quang Tri, de nombreux enfants sont nés malformés ou condamnés à une vie à l’état végétatif. Ils font partie des millions d’enfants héritant des terribles conséquences engendrées par l’agent orange/dioxine. Ils continuent de combattre tant bien que mal leurs maladies, souvent incurables.
Et pourtant, la vie continue
"2021 marque le 60e anniversaire du largage de la dioxine au Vietnam. Les produits chimiques, particulièrement toxiques, utilisés par l’armée américaine pour empêcher les soldats vietnamiens de se cacher dans les forêts et pour détruire les récoltes, ont eu de terribles impacts sur plusieurs générations de Vietnamiens et sur l’environnement", souligne Lê Van Dang, vice-président de l’Association des handicapés et victimes de l’agent orange/dioxine de Quang Tri.
Depuis des années, Quang Tri a réalisé d’énormes efforts pour endiguer les ravages du pesticide. Une partie du budget provincial est réservée au financement des pensions mensuelles et des soins médicaux aux victimes. Les plus gravement atteints sont pris en charge par le Centre de soins de ladite province.
"Nous continuerons de collaborer étroitement avec l’Association des victimes de l’agent orange/dioxine du Vietnam afin d’assurer l’accès de toutes les victimes aux politiques d’assistance du Parti et de l’État", a déclaré Lê Van Dang. Avant d’appeler les organisations nationales et internationales et toute la population à apporter leur soutien aux victimes non seulement à Quang Tri, mais aussi dans l’ensemble du pays.