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Dans l’œuvre "Dám cuoi chuôt", les 12 rats représentent les 12 mois de l’année lunaire. |
Photo : Phuong Nga/CVN |
Au Vietnam, le rat est décrit comme un animal intelligent et prompt. Une légende raconte qu’un jour, l’Empereur de Jade organisa une course d’animaux afin de déterminer l’ordre d’arrivée des différents signes zodiacaux. Le premier arrivé fut le rat. C’est ainsi qu’il se classe en tête, suivi ensuite du buffle, du tigre, du chat, du dragon, du serpent, du cheval, de la chèvre, du singe, du coq, du chien et du cochon.
Une figure majeure des estampes de Dông Hô
S’inspirant de la vie quotidienne, en particulier en zone rurale, de nombreuses estampes de Dông Hô, l’une des 12 écoles d’imagerie populaire typiques du Vietnam, représentent ce rongeur. Particulièrement, celle baptisée Dám cuoi chuôt (Mariage de rats) fait partie des plus célèbres et prisées, notamment à l’occasion du Têt traditionnel d’antan que l’on utilisait pour décorer les maisons.
"Cette estampe véhicule des critiques envers la société féodale ancienne. Mais nos ancêtres ont fait en sorte de les aborder de manière ingénieuse et métaphorique", explique Nguyên Dang Chê, artisan de Dông Hô.
Cette œuvre, qui représente 12 petits rats et un gros chat, est divisée en deux parties. À la partie supérieure, on voit quatre rats en file indienne qui déposent des offrandes au chat en échange de sa clémence. Le premier offre un oiseau. Se trouvant face au chat, il est tétanisé de peur. On ne voit pas sa queue parce qu’elle est repliée entre ses pattes. L’attitude du deuxième, qui tient un poisson, est similaire. Les troisième et quatrième, quant à eux, sont prêts à filer à tout moment, bien qu’ils soient en train de jouer de la trompette.
La technique de fabrication des estampes de Dông Hô s’est transmise de génération en génération. |
Photo : CTV/CVN |
À la partie inférieure, ce sont les huit petits rats restants qui se suivent. Le marié, en tête de la file, porte des vêtements luxueux de cérémonie des mandarins et enfourche un beau cheval rose. Il est fier, presque arrogant, d’avoir été reçu au concours mandarinal et d’être sur le point d’épouser une si belle femme. Épouse qui se trouve d’ailleurs dans le palanquin, porté par quatre autres petits rats, en queue de file. Quant à celui qui porte le parasol derrière le marié, le sérieux de son visage contraste avec la malice de celui qui le suit tenant une pancarte où l’on peut lire "nghinh hôn" (conduite de la nouvelle mariée chez le marié). Les deux derniers rongeurs de la file semblent surveiller leurs arrières de peur d’être attaqués par un chat.
Dans cette estampe, le chat représente les mandarins ou aristocrates sans morale qui oppriment les moins fortunés. Les rats, quant à eux, incarnent les pauvres et les paysans. Pour que la cérémonie de mariage puisse se dérouler sans encombre, la famille de rats est obligée de présenter de nombreuses offrandes au chat. À travers cette peinture, nos ancêtres révèlent la corruption qui régnait alors à l’époque.
Un objet d’ornement particulièrement prisé
Selon le Pr. Ngô Duc Thinh, de l’Institut de recherche sur la culture, Dám cuoi chuôt est avant tout une allégorie du désir d’une relation symbiotique à long terme. "C’est un accord tacite visant à vivre ensemble en harmonie dans le même écosystème", souligne-t-il.
Le peintre Bàng Nhât Linh abonde en ce sens : "À mon avis, étant un objet d’ornement particulièrement prisé pendant le Nouvel An lunaire, l’estampe +Dám cuoi chuôt+ exprime le souhait de se réconcilier avec ses ennemis. Bien qu’ils soient en conflit, ils accueillent ensemble le Têt traditionnel et participent ensemble aux cérémonies de mariage. Ce mariage de rats n’est pas un événement à mettre seulement au niveau de l’individu ou de la famille, mais aussi à un niveau plus grand, tel que celui de la société".
L’estampe peut aussi être une simple et belle illustration du mariage traditionnel dans lequel le marié est représenté à cheval et la mariée, portée sur une chaise à porteurs. L’ambiance est animée et rythmée au son des trompettes, exprimant pleinement la joie de la procession.
Bien qu’il existe des opinions contradictoires à propos de Dám cuoi chuôt, cette dernière demeure toujours l’une des estampes préférées des amateurs comme des passionnés d’imageries populaires, notamment celles de Dông Hô (district de Thuân Thành, province de Bac Ninh, Nord). En plus de 500 ans d’existence, ces œuvres se sont taillées une place de choix dans l’artisanat traditionnel vietnamien. Elles décrivent des scènes de vie quotidienne mais aussi des pratiques spirituelles des paysans. Par ailleurs, elles contiennent presque toujours un message, une leçon ou une morale sur l’art de vivre, sur les valeurs morales de notre société et même, parfois, des critiques à peine voilées sur le système féodal d’antan.
Un dossier sur l’imagerie populaire de Dông Hô est en cours de rédaction. Il sera présenté en 2023 à l’UNESCO pour une reconnaissance en tant que patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.