>>Activités du Village culturel et touristique des ethnies du Vietnam pour le Nouvel an 2020
Des H’mông confectionnent le "bánh giây" (gâteau de riz gluant de forme ronde) pour accueillir le Têt. |
Photo : CTV/CVN |
Contraire à la coutume ordinaire au Vietnam qui célèbre le Têt traditionnel (Nouvel An lunaire) au premier jour du premier mois lunaire, les montagnards de l’ethnie H’mông, quant à eux, le font un mois plus tôt, au début du 12e mois lunaire de l’année en cours. "Chez nous - les H’mông habitant sur le col d’Ea Rot (surnommé la Porte du Ciel) - le Têt s’annonce avec l’épanouissement des fleurs de caféier, même quand le froid hivernal s’attarde", raconte Lò Tiên Dung, patriarche du village d’Ea Rot, district de Krông Bông, province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên).
Un évenement tant attendu
Dans sa maison, l’atmosphère du Têt est palpable. L’autel des ancêtres est décoré de papiers de trois couleurs - blanc ivoire, rouge et jaune - qui "symbolisent les trois générations antérieures de la famille", ajoute-t-il. Et d’expliquer aux visiteurs : Le Têt est grandement attendu par les montagnards d’Ea Rot qui s’attèlent généralement aux préparatifs plusieurs semaines à l’avance. Chaque famille commence par engraisser un cochon et quelques poulets et stocke plusieurs dizaines de kilo de riz gluant.
"Au lieu du traditionnel +bánh chung+ (gâteau de riz gluant de forme carrée) les H’mông, préparent le +bánh giây+ (gâteau de riz gluant de forme ronde). Sa confection nécessite de pilonner le riz gluant cuit à la vapeur, avant de le modeler en boules", éclaire le vieux Dung. Chez les H’mông, le bánh giây est tellement important qu’une fête lui est dédiée pendant le Têt.
Le village d’Ea Rot s’anime à l’approche du Têt. Les rites cultuels s’exécutent pendant les trois premiers jours, suivis ensuite de plusieurs journées de réjouissances communautaires. Le festin principal, préparé au premier jour du Têt, est destiné au culte du Ciel, des génies et des ancêtres. Les rites obligatoires s’exécutent en famille, dont notamment le plus marquant où le chef de famille est en charge de la "mission sacrée" de saigner un coq devant l’autel. "Cela exprime la reconnaissance de la famille envers les ancêtres", explique l’ancien.
Une fois le repas copieux déposé sur l’autel, la cérémonie cultuelle peut commencer. Vêtu de son costume traditionnel, le chef de famille se tient devant l’autel, les mains jointes devant la poitrine. D’un ton solennel, il s’adresse aux ancêtres pendant une trentaine de minutes sous forme de prières. "Il y a de nombreuses choses que nous nous abstenons de faire en cette période de l’année, par exemple de manger des légumes, de peur d’avoir de mauvaises récoltes pendant l’année. On s’abstient également de faire la sieste, de peur d’être attaqué, ultérieurement dans les champs, par des insectes", explique le vieux Dung.
Les réjouissances communautaires voient la participation enthousiaste de tous les villageois. L’occasion pour eux de rivaliser de talent lors des jeux populaires, comme le ném pao (lancer de balles d’étoffe), la danse au son du khèn (sorte d’orgue à bouche en bambou), la danse à l’ombrelle, le tir à l’arbalète ou encore la toupie… L’occasion aussi pour les jeunes hommes de conter fleurette aux filles du coin au travers des sons envoûtants du khèn ; et pour les jeunes filles d’exprimer leur affection à l’aide d’airs folkloriques charmants et entêtants. Le Têt est ensuite suivi de ce qu’on appelle la "saison de mariages".
La place du présage chez les Kho Mú
Les femmes Kho Mú dansent lors du Têt. |
Photo : Lan Anh/CVN |
Les Kho Mú (ethnie minoritaire peuplant les régions montagneuses du Nord), quant à eux, observent strictement leurs coutumes ancestrales, notamment celles relatives au Têt. Leurs maisons sur pilotis, appuyées contre la montagne, sont marquées par une structure architecturale différente de celles des autres ethnies. À l’entrée, se trouve un grand escargot taillé en bois. "L’image de l’escargot possède une triple fonction : objet de décoration, vœu de prospérité, ainsi qu’obstacle aux esprits malfaisants", explique Vi Van Sang, chef d’un village Kho Mú dans la province de Yên Bái.
Dans la maison, il y a obligatoirement trois foyers : le premier, appelé "cuisine ordinaire", se trouve dans la première pièce ; le deuxième, "cuisine sacrée", devant l’autel des ancêtres dans la pièce centrale ; et le troisième, "cuisine d’échauffement", dans la dernière pièce servant de chambre à coucher pour la famille. À noter que les deux derniers sont absolument interdits aux visiteurs.
Un mois avant le Têt, les villageois Kho Mú organisent une cérémonie dite de "Bienvenue à la Mère-nourricière". Face à un plateau rempli d’offrandes placé à même les rizières, on prie pour de bonnes récoltes et la prospérité du village.
La préparation du Têt bat son plein un mois durant. Le moment où commence la Nouvelle Année est le plus sacré. À minuit précise, tout le monde, en silence, tend l’oreille au premier cri d’un quelconque animal. Selon la tradition Kho Mú, ce premier cri est considéré comme un présage. Si c’est un coq, la famille aura de la chance pour toute l’année à venir. Si c’est un hibou, alors surviendra malheur au village, un incendie ou une grossesse hors mariage par exemple. Si c’est un chat par contre, on verra l’attaque d’un tigre sauvage…
La collecte de l’eau au ruisseau dans la nuit du Réveillon fait également partie des coutumes incontournables des Kho Mú. À la nuit tombée, chacun doté d’un récipient, ils se rendent à la source. Au bord du ruisseau, dans l’obscurité la plus totale, chacun ramasse un gravier et le lâche dans le récipient avant de puiser de l’eau.
Une fois à la maison, "l’eau fraîche" est ensuite partagée entre tous les membres de la famille qui en boivent afin de s’attirer une bonne santé pour la Nouvelle Année. Attention cependant : au fond du récipient, la présence d’un gravier de couleur blanche est jugée faste, mais au contraire si c’est un gravier noir que l’on a ramassé, cela est considéré comme un signe de mauvais augure !
Les réjouissances du Têt des Kho Mú se déroulent toujours avec effervescence. Hormis les jeux populaires, on s’adonne également avec ferveur à des danses et des chants, glorifiant leur terre natale et la vie de manière générale. "Dans notre village, hommes et femmes de tout âge savent danser et chanter et s’en réjouissent. C’est pour cette raison, peut-être, que l’on se sent toujours aussi heureux", confie avec un sourire Vi Van Sân, octogénaire.