"La terre est propre en comparaison avec celle des autres pays d'Europe", se félicite Branko Cicic, du Fonds national serbe pour la nourriture bio, soulignant le bénéfice inattendu que l'agriculture serbe a tiré des sanctions internationales.
Ces sanctions ont par ailleurs rendu l'économie serbe exsangue. Zorana Gajic montre fièrement les légumes de sa serre, ainsi que son verger et ses moutons, près de Belgrade.
Cette juriste explique comment elle s'est convertie aux mérites de la culture bio, elle qui ne connaissait rien autrefois à l'agriculture et qui, dit-elle dans une boutade, pensait que les "aliments poussaient dans les supermarchés".
Son mari, Miodrag Radivojevic, un ingénieur à la retraite, a hérité de 5,5 hectares de terres. Le couple produit au départ des légumes pour sa propre consommation. Mais il y a deux ans, Zorana souffre de réactions allergiques après avoir consommé des tomates achetées dans un supermarché, traitées avec des pesticides.
C'est le déclic et le couple décide de développer sa production de fruits et de légumes, uniquement biologiques, à la fois pour leurs besoins et pour l'écouler sur le marché. "Il y avait au départ l'amour de la nature, mais nous étions aussi conscients du potentiel sur le marché", souligne Zorana.
Le couple obtient rapidement un certificat d'établissement biologique, leur propriété ayant été préservée de l'utilisation d'engrais et d'insecticides.
La période nécessaire pour que la terre devienne propice à la production biologique est officiellement de trois ans en Serbie, deux ans dans certains cas, un laps de temps bien plus court que dans l'Union européenne où le processus dure cinq à six ans, indiquent les experts. "En raison des sanctions, vous pouvez trouver ici des champs de 20 hectares où les gens n'ont pas mis de produits chimiques pendant 20 ans", relève Igor Novakovic, de l'Agence serbe pour la promotion des exportations (SIEPA).
Actuellement, seules 0,3% des terres arables en Serbie sont utilisées pour la production d'aliments biologiques, mais la demande va grandissant, précise-t-il. Et le potentiel est immense puisque selon le ministère serbe de l'Agriculture, 75% des terres agricoles en Serbie, soit 650.000 ha, peuvent être utilisées pour des cultures biologiques d'ici trois ans. "Nous enregistrons une augmentation de la production d'aliments biologiques en raison de la demande croissante au niveau national", poursuit M. Novakovic.
Au marché Kalenic, à Belgrade, les prix de ces aliments sont plus élevés que ceux des autres produits. La demande provient surtout des jeunes générations aisées.
L'industrie alimentaire s'est convertie aussi au bio, comme la compagnie Royal eco food, basée à Belgrade, qui produit des spécialités serbes biologiques. "Tout ce que nous produisons est écoulé sur le marché", explique Tanja Stojanovic, de Royal eco Food, en ajoutant que la demande est telle que les producteurs ne peuvent suivre.
La compagnie, fondée en 2005, a dû surmonter de nombreux obstacles. "Au début, nous étions obligés d'importer des tomates biologiques d'Italie car nous n'avions pas suffisamment de producteurs locaux", poursuit-t-elle.
Convaincre les agriculteurs locaux de se lancer dans cette production, plus chère et plus risquée, s'est révélé également ardu. "Nous avons proposé des contrats à long terme garantissant que la production sera achetée", explique Mme Stojanovic en ajoutant que la compagnie, bien que tournée vers le marché local, envisage à terme d'exporter vers l'Union européenne.
AFP/VNA/CVN