>>Don de mœlle osseuse : appel aux hommes
Les deux époux militent pour que ceux qui sont dans leur cas aient un "accès aux origines" : la possibilité de connaître l'identité de leur géniteur, ce que la loi française interdit. |
Lui, c'est Arthur Kermalvezen, 34 ans. Elle, c'est sa femme Audrey, 37 ans. Tous deux ont été conçus par insémination artificielle avec donneur de sperme. Et tous deux militent pour que ceux qui sont dans leur cas aient un "accès aux origines" : la possibilité de connaître l'identité de leur géniteur, ce que la loi française interdit.
Membres de l'Association procréation médicalement anonyme (PMA), ils ont chacun publié un livre sur le sujet.
Avocate de formation, Audrey Kermalvezen mène depuis des années un combat judiciaire pour obtenir des informations sur son donneur. Déboutée par le Conseil d'État en 2015, elle a saisi la Cour européenne des droits de l'homme.
Avant l'ouverture des États généraux de la bioéthique, qui aborderont notamment l'ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles, ils médiatisent à nouveau leur histoire par peur que la question de l'anonymat des donneurs "ne passe à la trappe".
Et ils brandissent un argument massue: Arthur assure avoir enfin retrouvé son donneur au terme d'une enquête invraisemblable.
En septembre, avec huit autres personnes, le couple commande par internet un test ADN à une entreprise américaine, pour 99 dollars et via un simple prélèvement de salive. Une démarche interdite en France. "On l'a fait car on avait tout tenté avant", souligne le jeune homme.
La base de données de la société américaine montre une compatibilité génétique entre lui et un Londonien nommé Larry, qui a des racines françaises. En étudiant l'arbre généalogique de ce dernier sur un site spécialisé, Arthur tombe sur la seule personne en âge d'être son donneur.
En quelques clics, il trouve son adresse et lui fait passer une lettre.
"Comme tout le monde"
Le 25 décembre, jour de Noël, son géniteur l'appelle au téléphone. "Il m'a dit deux choses : +Bravo de m'avoir retrouvé+ et +Est-ce que ta famille est au courant de ta démarche ?"
"À ce moment-là, je passe de l'autre côté du miroir: je me sens comme tout le monde", poursuit Arthur qui, depuis, a parlé au téléphone à plusieurs reprises avec son géniteur. "Jamais je n'aurais imaginé un scénario aussi bien : mon donneur est ravi, juge ma quête légitime et veut me donner toutes les informations sur ma généalogie".
Cette histoire, qui pourrait sembler trop belle pour être vraie, n'est pas vérifiable en l'état : Arthur Kermalvezen ne souhaite pas donner les coordonnées de son donneur car il ne l'a pas encore rencontré physiquement.
"La rencontre aura bientôt lieu", précise-t-il. À ses côtés, sa femme, Audrey, sourit : le géniteur d'Arthur "ressemble à (leur) petit dernier", un garçon de 14 mois.
Elle aussi a fait le test ADN, qui a prouvé que son frère était issu du même donneur qu'elle, de même qu'une de ses amies et le frère de cette dernière.
"On était ravis car on en avait l'intuition, mais en même temps on était un peu inquiets car on se dit que quatre issus du même donneur, ça fait beaucoup", glisse-t-elle.
La loi fixe une limite de dix enfants par donneur mais la jeune femme la juge théorique car "il n'existe pas de fichier centralisé entre les différents Cecos (Centres d'étude et de conservation des ovocytes et du sperme humain) pour vérifier si un donneur n'a pas déjà donné dans un autre centre".
Le couple estime que la facilité à faire des tests ADN met à mal le principe de l'anonymat du donneur. "Les gens finiront tous par retrouver leurs origines par eux-mêmes, donc soit on ne fait rien, soit on l'encadre", martèle Arthur.
Leur association prône deux solutions. Pour les dons déjà effectués, demander au donneur s'il accepte d'être contacté par la personne conçue grâce à lui. Pour les dons à venir, informer le donneur qu'il pourra un jour être retrouvé si les personnes conçues grâce à lui le souhaitent.