>>Pêche industrielle : l'UE accusée d'avoir cédé à des lobbies
Le député européen Philippe Lamberts, devant la vice-présidente du groupe Vert, Ska Keller, dénonce la pêche électrique lors d'une session du Parlement européen le 16 janvier. |
"C'est une très belle victoire contre une pêche terriblement néfaste, une véritable arme de prédation massive", s'est réjoui l'eurodéputé Yannick Jadot (Verts français), qui fait partie des élus à la pointe de la contestation.
Le vote de mardi 16 janvier n'est qu'une étape du long parcours législatif du texte au sein de l'UE. Le Parlement va maintenant entrer en négociation avec le Conseil (les États membres) et la Commission européenne pour trouver un compromis final.
La France a immédiatement apporté son soutien à une interdiction totale, par la voix de son ministre de la Transition énergétique, Nicolas Hulot.
La Commission a, elle, défendu jusqu'au bout sa proposition de supprimer la restriction imposée aux flottes des États membres, en fait une dérogation établie à titre d'expérimentation. Celle-ci limite à 5% de la flotte, dans chaque pays concerné, les chalutiers à perche autorisés à s'équiper pour la pêche électrique.
L'exécutif européen souhaitait en revanche maintenir la zone géographique dans laquelle ce type de pêche est limité, au sud de la mer du Nord.
Mais les amendements votés lundi lors de la séance plénière du Parlement à une large majorité (402 pour, 232 contre et 40 abstentions) éliminent toute dérogation.
Les "petits" pêcheurs adeptes de la méthode artisanale étaient eux aussi montés au créneau, en particulier dans le nord de la France et en Angleterre, évoquant une "concurrence déloyale" des bateaux néerlandais.
Aux Pays-Bas, la réponse des pêcheurs a été cinglante.
"Nous sommes déçus car les données scientifiques indépendantes ont été négligées et l'émotion a gagné. Il est clair que l'avis donné par la coalition composée de partisans du Brexit, de nationalistes extrémistes, d'antimondialistes et d'extrémistes verts a été jugé plus crédible que les données scientifiques indépendantes", a dit Pim Visser, directeur de l'organisation des pêcheurs néerlandais, VisNed.
Défense de la pêche artisanale
"Nous commençons à mettre des grains de sables de plus en plus gros dans les rouages de cette Europe de prédation des océans et de destruction des écosystèmes marins et qui (...) sacrifie les pêcheurs artisanaux au profit de quelques flottes industrielles", s'est félicité l'eurodéputé français Younous Omarjee (groupe GUE/NGL, gauche radicale), instigateur des amendements.
Déchargement de la pêche à Grimsby (Nord de l'Angleterre) le 9 janvier 2017. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La semaine dernière, plusieurs organisations environnementales et de pêcheurs avaient accusé la Commission d'avoir cédé aux lobbies néerlandais de la pêche industrielle en ignorant un avis défavorable de son comité scientifique en 2006. Une accusation formellement démentie par Bruxelles.
"Nous sommes heureux et soulagés que le Parlement s'oppose fermement à une pratique destructrice qui n'a été autorisée en Europe qu'en raison d'une collusion immorale entre lobbies industriels et institutions", s'est félicitée de son côté Claire Nouvian, de l'ONG Bloom, qui a mené la campagne contre la pêche électrique tambour battant.
"Nous sommes tous favorables à l'innovation, mais encore faut-il (...) qu'il soit vérifié scientifiquement que l'objectif de la gestion durable de la ressource est respecté", a argumenté la socialiste Isabelle Thomas.
Son collègue du PPE (droite), Alain Cadec, président de la commission Pêche du Parlement, a rappelé que la pratique était "interdite quasiment dans le monde entier" et "dangereuse pour l'écosystème marin".
L'Espagnol Gabriel Mato, issu du même groupe PPE et rapporteur du dossier, a tout de même regretté que le sujet n'ait pas été évoqué tout au long de la discussion interne au sein du Parlement, soit "21 mois de travail et 77 réunions" sur un texte très technique révisant certaines conditions de pêche.
La Commission a "pris note" du vote. "Si elle est correctement contrôlée et appliquée (...) l'impulsion électrique peut offrir une méthode alternative de pêche plus inoffensive pour l'environnement en réduisant les prises accessoires, en réduisant les dégâts sur les fonds marins et en diminuant les émissions de CO2", avait argumenté le commissaire à la Pêche, Karmenu Vella, pendant le débat.
À l'heure actuelle, 84 navires néerlandais pratiquent la pêche électrique, et la Belgique a demandé une dérogation pour trois navires, ce qui représente moins de 0,1% de la flotte européenne.