"J'ai souffert quand mon père a vendu le chantier naval de Sarnico", sur le lac d'Iseo (Nord de l'Italie) où les Riva modernes en fibre de verre sont toujours fabriqués, confie la Monégasque Lia Riva. "Il considérait ses ouvriers comme sa famille et après quelques grèves il a vendu sur un coup de tête" au début des années 70.
Si on commença dans la famille à construire des bateaux de transport au XIXe siècle, c'est son père Carlo Riva qui fit la notoriété du patronyme à partir des années 50 avec sa gamme de loisirs en bois d'acajou.
Comme l'élégant monomoteur "Ariston" avec son cockpit à deux banquettes ou encore le bi-moteur "Aquarama" plus puissant pour les sorties en mer et qui symbolisera le luxe à l'état pur.
"Mon père était très ami avec Ingrid Bergmann. Les rois, les émirs, ils venaient tous du monde entier au chantier de Sarnico, qui était à l'avant-garde. Il y avait de la passion dans la fabrication. On déposait le bois dans un hangar où il devait sécher plusieurs années. Il s'en dégageait un parfum incroyable de bois d'acajou et d'essences d'Afrique", se souvient Lia, nostalgique.
Le chantier et la célèbre griffe furent vendus à la banque d'affaires américaine Whittaker, puis revendus à Rolls Royce en 1990 et dix ans plus tard à l'italien Ferretti.
Un tunnel sous le Rocher à la dynamite
Aujourd'hui le patriarche transalpin de 89 ans, Carlo Riva, est toujours sur le pont, mais son activité s'est concentrée sur la commercialisation et les services. Il travaille dans le port de plaisance de Rapallo (près de Gènes) avec son autre fille Maria Pia, tandis que Lia est devenue la principale concessionnaire sur la Riviera française avec des bases à Monaco, Cannes et Saint-Tropez.
Carlo Riva était venu à Monaco il y a 50 ans déjà, lorsque le port n'avait pas de pontons. Le Prince Rainier consentit alors à creuser à la dynamite un tunnel sous le Rocher, pour y faire hiverner les Rolls-Royce de la mer. "Les vitres du palais ont tremblé", précise Lia.
C'est toujours la famille Riva qui s'occupe à Sarnico de la rénovation des vieux bateaux en bois dans un hangar spécial.
Il y a 15 ans, tout se faisait encore sur le quai de Monaco avec 60 ouvriers, mais désormais "on ne peut plus donner un coup de pinceau, priorité aux touristes", regrette Stefano Lorenzi, 33 ans au service de la famille, en regardant avec découragement l'arrivée d'un gigantesque navire de croisière. Un atelier de réparation réalise néanmoins encore de menues réparations.
Les grands bateaux Riva aux coques modernes, particulièrement prisées des Italiens, sont majoritaires sur le ponton monégasque. Ont-ils gardé l'esprit du fondateur ? "Nous sommes très liés aux nouveaux designers des bateaux, on se parle beaucoup", assure Lia Riva.
La commercialisation reste néanmoins une histoire de famille en Méditerranée, même si les filles Riva n'ont eu que des filles qui ne porteront peut-être plus le prestigieux nom de l'Aquarama.
"Mon nom je le ressens en moi, j'adore ces vieux bateaux", confie Chiara Ferrarese, une fille de Lia. Partie étudier à Milan, elle est vite revenue à son port d'attache monégasque pour s'occuper des vieux Riva.
Monaco reste la plus grande base en Méditerranée de Riva "vintage" (une soixantaine entreposée en hiver). Il y en a seulement 3.000 dans le monde, stipule Stefano en sortant les modèles d'un Anglais et d'un Monégasque. Mais nombre de propriétaires préfèrent juste les admirer au sec, en collectionneurs méticuleux.
AFP/VNA/CVN