L'éclairage presque intégral depuis des décennies des centaines de kilomètres d'autoroutes et voies rapides de Belgique dès l'obscurité tombée, particulièrement apprécié des milliers d'automobilistes européens traversant le "plat pays", est en effet bien visible depuis l'espace avec un télescope.
Une page est pourtant en train de se tourner. Le 15 juillet, la région de Flandre, dans le Nord du royaume, a commencé à maintenir l'interrupteur éteint la nuit venue. "L'éclairage va être définitivement supprimé sur près de 50% des routes concernées, pour l'autre moitié l'éclairage restera permanent ou sera mis par alternance, lorsque la météo est mauvaise, qu'il y a beaucoup de trafic ou un accident", indique Cybelle-Royce Buyck, du ministère régional des Transports.
La Belgique était l'un des rares États au monde à se permettre le luxe d'illuminer même une partie de son réseau routier la nuit. À fortiori en période d'austérité budgétaire et d'efforts d'économies d'énergie partout, vu la hausse des coûts de l'électricité.
L'un des rares cas similaires est le petit (et riche) voisin luxembourgeois, qui lui aussi éclaire chaque soir la quasi-totalité de ses 150 kilomètres d'autoroutes.
Jusqu'ici en Belgique, au moins 335.000 lampes s'allumaient sur les autoroutes et voies rapides. En Flandre, 100% du réseau étaient jusqu'à présent éclairé, au moins par moments la nuit. En Wallonie, dans le Sud, région économiquement moins prospère, 750 des 860 kilomètres d'autoroutes sont concernés, selon les autorités.
Cela coûte cher : l'an dernier, la Wallonie a dépensé 9,5 millions d'euros et utilisé 105 giga-wattheure d'électricité, la production d'un réacteur nucléaire pendant quatre jours.
Tout a commencé dans les années 1950, selon le ministère des transports wallon. Alors que seulement un quart du trafic se faisait la nuit, c'est durant cette période que se produisaient plus de la moitié des décès sur les routes.
Les lampes ont été "introduites avant tout pour des raisons de sécurité. À l'époque, l'énergie était bon marché", explique le ministère.
Vingt ans plus tard, toutes les entrées et sorties d'autoroutes étaient éclairées. Et pour ne pas exposer les conducteurs à des alternances permanentes entre lumière et obscurité, la mesure a finalement été étendue à presque tout le réseau.
L'efficacité est néanmoins contestée par l'Institut belge pour la sécurité routière (IBSR). Certes, l'éclairage améliore la visibilité. Mais il crée aussi "un (faux) sentiment de sécurité" chez les conducteurs, et les lampadaires eux-mêmes peuvent s'avérer "des obstacles extrêmement rigides et dangereux" et mortels, souligne-t-il.
L'eurodéputé conservateur allemand Peter Liese, qui a travaillé à Bruxelles sur la mise en œuvre des objectifs d'économies d'énergie de l'Union européenne, est également sceptique. Il reconnaît que l'Europe ne peut pas exiger de remettre les autoroutes belges dans le noir, mais prévient que la législation qui a déjà condamné à mort les vieilles ampoules à incandescence vaut aussi pour l'éclairage routier.
Les autoroutes belges ne brillent de toute façon déjà plus autant qu'avant. En Wallonie, elles ont été éclairées pendant 2.350 heures en 2008, contre encore 4.050 heures quelques années plus tôt. Avec les changements en Flandre, les astronautes belges pourraient bientôt perdre leur repère.
AFP/VNA/CVN