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Un chantier de construction d'un immeuble en pisé mené par l'entreprise Le Pisé, dans le quartier de la Confluence de Lyon. |
Photo d’archives : AFP/VNA/CVN |
Sous le dur soleil d'août, des ouvriers ramassent la terre stockée sous une bâche et l'introduisent dans une machine d'où elle ressortira sous forme de gros blocs solides. Ici, la municipalité de Montanay, en banlieue de Lyon, fait rénover et agrandir une ancienne ferme en pisé pour en faire une médiathèque.
Et contrairement aux ouvriers qui suent à grosses gouttes, les futurs lecteurs seront préservés de la chaleur.
"Grâce à la technique du pisé, on est sur un bâtiment qui va de lui-même garantir une fraîcheur et un confort intéressant", explique Camille Announ, dirigeant de l'entreprise Le Pisé, qui réalise la maçonnerie des travaux.
Cette technique "ancestrale", très répandue en Rhônes-Alpes jusqu'au début du XXe siècle du fait de la composition des sols, consiste à construire des murs en terre crue bien tassés avec des couches successives d'une dizaine de centimètres de hauteur, qui sècheront au soleil.
L'épaisseur des murs - environ 50 cm - et l'inertie thermique du matériau permettent un "effet tampon en cas de fortes chaleurs", explique Camille Announ, si bien qu'il fera aussi frais en été dans un bâtiment en pisé que dans une maison en pierre.
Mais "toutes les constructions en terre crue" bénéficient d'un autre atout : "la régulation hygrothermique", explique le maçon. Concrètement, les murs en terre crue, ce "matériau vivant", ont le pouvoir de capter le surplus d’humidité en hiver et de l’évaporer en été, et donc de faire baisser la température ressentie : "C'est comme une climatisation naturelle !"
Bas carbone
Pisé en Rhône-Alpes, bauge en Bretagne, torchis dans l'Est ou en Normandie : les régions françaises disposent d'un "important patrimoine" de construction en terre crue, mais "on n'en a très peu conscience", affirme Mathieu Lecaille, chercheur à l'ENTPE, spécialiste de la construction durable.
À Montanay par exemple, la terre utilisée pour la médiathèque a été récupérée sur deux chantiers situés à moins de 3 km. "Notre matière première est super locale, on ne peut pas faire mieux niveau bilan carbone", affirme Julie Benezet, collaboratrice du cabinet Zeppelin architectes en charge du projet.
La fabrication du pisé ne nécessite "que de la terre et de l'eau", ajoute-t-elle, ainsi qu'un peu d'électricité. L'architecte montre la machine de préfabrication des blocs : la terre est simplement filtrée des gros cailloux, puis comprimée à l'aide d'une pilonneuse électrique, avant que les blocs ne soient démoulés et posés à leur emplacement définitif, sur un soubassement en béton protégeant des remontées d'humidité.
Photo d'un bloc de pisé sur le chantier de construction d'un immeuble de bureaux à Lyon. |
Photo d’archives : AFP/VNA/CVN |
Un processus qui ne nécessite pas de transformation à haute température, très émettrice de CO2, "contrairement au ciment", souligne M. Lecaille, louant aussi la recyclabilité "indéfinie" du pisé et l'absence de déchets.
"Changement d'époque"
Avec la "prise de conscience d'une transition écologique nécessaire, on est à un changement d'époque" : "il y a une vraie demande qui explose", confirme Camille Announ.
Chez Le Pisé, elle a été "décuplée depuis 2017", principalement portée par les constructions publiques, que la loi RE2020 oblige désormais à ne pas dépasser un certain seuil d'émissions de CO2 sur leur durée de vie.
Mais le pisé présente certaines limites.
La hauteur des bâtiments est généralement limitée à trois niveaux. C'est aussi un matériau "plus challengeant" que d'autres, estime Julie Benezet, dont le cabinet ne travaille pas que sur le pisé. Il faut réfléchir bien en amont du chantier "pour les menuiseries, les planchers, faire une ouverture", car "on ne peut pas faire des trous partout comme dans le béton !"
Le prix peut aussi être un frein. Malgré une matière première largement disponible et bon marché, la main d’œuvre spécialisée et la durée du chantier alourdissent le coût d'investissement.
Construire en pisé "prend du temps", explique l'architecte : les chantiers ne peuvent se faire qu'entre avril et octobre, et la terre peut mettre plusieurs mois à sécher complètement, en fonction de la météo. Mais bâtir écologiquement, c'est de toute façon "un jeu de patience".
AFP/VNA/CVN