Le nouveau chef du gouvernement italien Matteo Renzi prononce son discours devant le Sénat à Rome, le 24 février. Photo : AFP/VNA/CVN |
"L'avenir de l'Italie n'est pas de pleurer du matin au soir, ou d'être la lanterne rouge de l'Europe", "l'Italie veut devenir un lieu d'opportunités", a lancé le fougueux président du Conseil dans un discours d'une heure, en grande partie improvisé.
Volontiers provocateur, l'ex-maire de Florence, 39 ans, a rappelé qu'il n'avait pas l'âge requis pour siéger au Sénat (40 ans) et que l'abolition de cette Chambre sous sa forme actuelle figurait en bonne place dans son programme. "J'espère être le dernier Premier ministre à réclamer la confiance du Sénat", a-t-il même lancé, alors que l'existence même de son gouvernement dépend du vote de confiance des sénateurs, attendu dans la soirée.
À contre-courant du sentiment anti-européen qui croît dans la péninsule, M. Renzi s'est livré à un vibrant plaidoyer pour l'Union européenne, dont l'Italie assurera la présidence tournante semestrielle à compter du 1er juillet.
"La tradition européenne et européiste représente la meilleure partie de l'Italie ainsi que sa certitude d'avoir un avenir", a-t-il dit. "Ce ne sont pas Angela Merkel et Mario Draghi qui nous demandent de tenir nos comptes publics en ordre", a-t-il poursuivi en évoquant la gigantesque dette du pays, plus de 130% du PIB.
"Nous devons le faire par respect pour nos enfants, pour ceux qui viendront après nous", a-t-il lancé, alors que le pays sort timidement de la récession.
Rappelant les grandes réformes qu'il avait annoncées la semaine dernière - loi électorale, travail, administration publique, fisc, réforme de la justice -, M. Renzi n'a guère dévoilé de mesures concrètes. À l'exception du remboursement "intégral et immédiat" des dettes de l'administration publique envers les entreprises privées. Ces dettes d'un montant de plusieurs dizaines de milliards d'euros pénalisent fortement le tissu des petites et moyennes entreprises (PME) italiennes.
"Pas d'alibi"
Autre nouveauté annoncée, l'envoi de déclarations d'impôts pré-remplies aux salariés de la fonction publique.
Il a aussi promis "une réduction à deux chiffres" de la pression fiscale "avec des mesures sérieuses, irréversibles", non détaillées, mais assurant "des résultats immédiats dès 2014". Et il a plaidé avec force pour attirer les investissements étrangers en Italie.
Selon Giorgio Merletti, président de la Confédération syndicale des artisans, Confartigianato Imprese, ces promesses représentent environ "100 milliards d'euros à trouver immédiatement". La Bourse a toutefois bien accueilli le discours de Matteo Renzi, gagnant 0,42% à la clôture.
Très à l'aise, le jeune dirigeant s'est appuyé à plusieurs reprises sur des exemples concrets, nés de son expérience de maire et de père de famille. Celui d'un jeune homme victime d'un chauffard ivre qui a écopé d'une peine mineure, pour justifier une réforme de la justice. Celui d'une écolière née en Italie de parents étrangers, pour plaider en faveur d'une réforme de la citoyenneté.
Comme son prédécesseur, Enrico Letta, qu'il a écarté grâce à un coup de force au sein de leur Parti démocrate (PD), Matteo Renzi s'appuie sur une coalition gauche-droite : le PD, première force de centre gauche, le Nouveau Centre droit (NCD) d'Angelino Alfano, ministre de l'Intérieur et ex-allié de Silvio Berlusconi, et "Scelta Civica", le parti centriste de Mario Monti.
Au Sénat, M. Renzi peut compter sur une majorité faible mais a priori suffisante. À la Chambre des députés, où le vote interviendra le 25 février, pas de suspense, le PD étant largement majoritaire.
Pour mener ses réformes, M. Renzi va s'appuyer sur son ministre de l'Économie, Pier Carlo Padoan, ex-chef économiste de l'OCDE.
Fort de 16 ministres, dont les deux tiers sont nouveaux, le nouvel exécutif paraît moderne et jeune, mais beaucoup sont néophytes et connaissent mal les dossiers techniques. M. Renzi s'expose en première ligne et l'a d'ailleurs reconnu, en concluant devant les sénateurs : "Le temps du courage est venu. Si nous perdons ce défi, ce sera ma faute, nous ne chercherons pas d'alibi".