Il reconstitue les visages de nos ancêtres

Nguyên Van Viêt, directeur du Centre de la préhistoire de l’Asie du Sud-Est, est le premier Vietnamien à avoir réussi la reconstitution de visages de «Viêt anciens» à partir de crânes. Une plongée dans la chair de nos origines.

En entrant dans le Centre de la préhistoire de l’Asie du Sud-Est à Hanoi, on ne

Le Docteur Nguyên Van Viêt, premier Vietnamien à avoir réussi la reconstitution faciale de Vietnamiens de la culture de Dông Son à partir de crânes.
Photo : LD/CVN

peut qu’être interloqué voire subjugué par la quantité d’ossements. Peut-être même effrayé pour certains. Quand on demande à son directeur Nguyên Van Viêt : «N’avez-vous pas peur de cohabiter avec tous ces os ?», le sexagénaire répond avec le sourire : «À côté des ancêtres, je me sens toujours protégé».Le Docteur Nguyên Van Viêt est passionné d’archéologie depuis son enfance. Il a eu la chance d’en faire son métier, un luxe. Formé en Allemagne et dans d’autres pays développés, c’est à son initiative qu’a été créé le Centre de la préhistoire de l’Asie du Sud-Est. Beaucoup d’experts pensaient que ce centre était juste une antenne de l’Institut de l’archéologie du Vietnam. Mais pour M. Viêt, c’est aussi et surtout un espace où des experts étrangers peuvent échanger des expériences sur les méthodes de reconstitution faciale.

Un savoir acquis auprès
des meilleurs

M. Viêt est animé depuis longtemps par cet objectif : reconstituer, par des méthodes scientifiques, le visage des Vietnamiens d’autrefois. Il avoue même que «c’est un rêve d’enfance». Pour y parvenir, il a rencontré les meilleurs spécialistes de la reconstitution faciale à partir de crânes. Un cours de formation l’a marqué. «Les experts étrangers avaient confié à chaque participant un moulage de crâne, à partir duquel nous devions reconstituer le visage. Mais point intéressant, les propriétaires des crânes étaient encore en vie, et même juste à côté de nous, dans la salle d’à côté ! À la fin de la formation, ils sont entrés pour se comparer avec les résultats de nos reconstitutions ! Les résultats ont été saisissants», explique-t-il.

Étudiant, M. Viêt était passionné par les cours du professeur Hà Van Tân. Il a aussi été marqué par le récit de M. Geraxinmov, un expert russe, qui a relaté l’histoire d’un enfant retrouvé mort en forêt, et que personne ne parvenait à identifier.

M. Geraxinmov a reçu le crâne et a commencé à reconstituer le visage. Les travaux achevés et rendus publics, un couple s’est fait connaître, catégorique sur le fait que c’était leur enfant disparu depuis des mois.

Entre 2004 et 2005, lors d’un chantier de fouille dans le village de Dông Xa, province de Hung Yên (Nord), M. Viêt et ses collègues ont exhumé une soixantaine de squelettes datant de l’époque de la culture de Dông Son (*), dont une vingtaine avec le crâne. Cinq visages ont pu être reconstitués. À la nouvelle de cette prouesse, scientifiques et médias lui ont posé beaucoup de questions. Avec des preuves scientifiques, M. Viêt a convaincu les plus sceptiques.

Regarder droit dans
les yeux nos ancêtres

Des visages reconstitués.

Ce succès cache un long travail prenant en compte de nombreux paramètres. «Nous avons d’abord procédé au moulage des crânes. Il a fallu ensuite déterminer l’épaisseur des muscles et de la peau, avant d’étaler de l’argile, confie Nguyên Van Viêt. Dans le village de Dông Xa, où ces crânes ont été trouvés, nous avons d’abord prouvé que les habitants actuels étaient les descendants des +propriétaires+ des crânes. Ensuite, nous avons fait des études sur des centaines d’habitants actuels du village pour déterminer la distance entre l’os et la chair».

Le groupe de chercheurs a aussi travaillé sur le régime nutritif des habitants de la culture de Dông Son et conclut que leur taux de graisse corporelle était inférieur à celui des habitants actuels. Les scientifiques ont également passé au crible toutes les études anthropomorphiques concernant les Viêt des dynasties des Ly et Trân.

«Tous ces travaux étaient indispensables pour déterminer l’épaisseur des muscles et de la peau. Ils ont été présentés dans des conférences internationales et ont reçu le soutien des experts étrangers», dit-il avec fierté. Par son entremise, sur la base des connaissances les plus pointues, la chair est soudain de retour sur les crânes. Le passé le plus lointain nous regarde.

Nguyên Van Viêt n’oubliera jamais l’émotion qu’il a ressentie quand il a vu pour la première fois le visage d’une Vietnamienne de la période de Dông Son. Une jeune femme. «Au moment où j’ai posé le dernier morceau d’argile sur les pommettes, son visage m’est apparu. Quelle joie !». Et de préciser: «Sur la base de la dentition, je suppose qu’elle avait environ 18 ans. Vu l’aspect de ses os iliaques, elle avait accouché au moins une fois».

Cette passion pour la reconstitution des visages des «anciens Viêt» anime Nguyên Van Viêt du matin au soir. Le sexagénaire poursuivra son travail afin que les Vietnamiens actuels puissent voir de leurs propres yeux leurs ancêtres, en créant peut être des mannequins en silicone, d’un réalisme saisissant, comme on peut en voir dans de nombreux musées de par le monde. «Une invitation à regarder droit dans les yeux nos ancêtres, une plongée dans nos origines», considère-t-il.

Quê Anh/CVN

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