Des Japonais exhument le passé du village de Kim Lan

Bat Tràng et Phu Lang ne sont pas les seuls villages spécialisés dans la céramique à Hanoi. Des chercheurs de l’Institut d’archéologie du Vietnam, notamment deux Japonais, ont découvert que Kim Lan fut, du XIIIe au XVe siècles, un grand centre potier.

Le Docteur japonais Nishimura Masanari (4e à gauche) entouré des habitants du village de Kim Lan, lors d’une fouille archéologique.

Les premières fouilles archéologiques de Kim Lan datent de 2001. Des dizaines de milliers de reliques différentes avaient alors été trouvées dans ce vieux village du fleuve Rouge : fragments de porcelaine haut de gamme (dont beaucoup de style chinois), tasses d’alcool à deux anses, vases, vaisselle en tout genre, matériaux de construction, objets de décoration, etc. Ces objets de céramique témoignent pour l’essentiel du style de la dynastie des Trân (XIIIe – XVe siècles). Avaient également été mis au jour des vestiges de fours de poteries, un atelier de sucrerie et une construction architecturale.

«Ces découvertes ont suffit à l’État pour décider de reconnaître Kim Lan +station archéologique+», affirme l’archéologue japonaise Nishino Noriko. Accompagnée de son mari Nishimura Masanari et de confrères de l’Institut d’archéologie du Vietnam, elle participe à ces fouilles depuis leur genèse.

De la linguistique à l’archéologie

«Au départ, je ne devais pas être archéologue mais linguiste», s’amuse Noriko dans un vietnamien courant. Et d’expliquer : en 1999, la jeune Tokyoïte a poursuivi des études de linguistique à l’Université des sciences sociales et humaines de Hanoi. Un jour, visitant nonchalamment le vieux quartier, elle se retrouva «figée» devant une boutique d’antiquités où étaient exposés, entre autres objets, quelques vieux bols en céramique. «Ils étaient à la fois raffinés et d’une grande sobriété. Ils ressemblaient à ceux de l’art japonais», raconte-t-elle. Par la suite, elle fut comme hantée par ce souvenir, et l’idée faisant son chemin, elle décida finalement, après mûre réflexion, de changer de voie et de se lancer dans l’archéologie. Elle consacra sa thèse de fin d’études à la céramique antique de Phu Lang.

Pour son post-doctorat, Noriko choisit un thème plus large : les céramiques vietnamiennes à travers diverses époques, des dynasties des Ly (Xe-XIIe siècles), des Trân (XIIIe-XVe siècles), des Lê (XVe-XVIIIe siècle), des Nguyên (XIXe-XXe siècles) jusqu’à nos jours. C’est à cette époque qu’elle rencontra celui qui allait bientôt partager sa vie, Nishimura Masanari, lui aussi archéologue. Tous deux ayant en commun cette passion pour les antiquités, ils décidèrent d’allier leurs savoir-faire, notamment pour les fouilles de Kim Lan.

Un coin du Musée de céramique de Kim Lan construit par le couple japonais et avec la contribution des habitants locaux.

«Ces fouilles ont débuté en 2001, lorsqu’un paysan du village est venu à l’Institut d’archéologie nous montrer un certain nombre d’anciens fragments de céramique et de pièces de monnaie qu’il avait découvert par hasard en creusant un puits», raconte-t-elle. De fait, de telles reliques étaient éparpillées en nombre dans le sous-sol de ce territoire. Cela signifiait-il que Kim Lan était un centre de production de céramique comme l’est encore aujourd’hui le village de Bat Tràng ? C’est pour répondre à ces interrogations qu’un projet de recherches a été mis en place.

Deux «citoyens authentiques»

Après douze ans sur place, Noriko et Nishimura sont très attachés à Kim Lan et à ses habitants, qui ont assisté à leur mariage en 2001. Le couple est considéré comme citoyen à part entière du village et fait partie de sa communauté. «Leur amitié nous a donné la force et la volonté de poursuivre notre tâche», confie Noriko. Avec les archéologues vietnamiens, le couple japonais a trouvé pas mal d’objets antiques, des «témoins authentiques» d’une civilisation antique du delta du fleuve Rouge : tuiles brunes en forme de pantoufle, briques rouges ornée de l’image du phénix, disques et bols en émail blanc agrémentés de chrysanthèmes dorés, pièces de monnaie en bronze, etc.

Selon Noriko, ce travail a apporté la preuve que Kim Lan était un village de métier il y a 2.000 ans. Certains de ces modèles originaires de Kim Lan ont d’ailleurs été trouvés lors de fouilles réalisées au Japon. Ce qui signifie qu’il y a plusieurs siècles, les deux pays ont réalisé des échanges commerciaux.

Sa famille, y compris son petit fils, aime cette vie bucolique et ses mets frugaux. Se contentant d’une vie modeste, le couple japonais a ainsi économisé pendant des années, tout en collectant des dons auprès de leurs collègues et des habitants, pour construire un musée de la céramique dans le village qui a vu le jour début 2013.


Le Musée de Kim Lan à l’honneur

Inauguré en mars 2013, le Musée de la céramique de Kim Lan s’étend sur 200 m² et expose plus de 300 anciens objets dont des céramiques, poteries, modèles de fours, anciennes monnaies, etc. Ses six fondateurs se sont vu décerner, fin août dernier, le prix du «Travail pour l’amour de Hanoi - 2013». Il s’agit de cinq potiers locaux et de l’archéologue japonais Nishimura Masanari, qui ont contribué à la mise en place des collections et à la construction du musée.
Kim Lan, la dernière demeure de Nishimura

Le Docteur japonais Nishimura Masanari est décédé des suites d’un accident de la route, lorsqu’il allait au travail, en juin 2013. Conformément aux souhaits de sa famille, il a été inhumé dans le cimetière du vieux village de céramique de Kim Lan auquel il était tant attaché.

Nghia Dàn/CVN

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