Delta du Mékong : la production de riz face au changement climatique

D'un pays manquant de vivres, le Vietnam est devenu, en seulement une décennie, le deuxième pays exportateur mondial de riz. Le delta du Mékong, surnommé la "terre des neuf dragons" y est pour beaucoup dans ce résultat miraculeux. Toutefois, la riziculture de cette région se trouve actuellement confronté à de nouveaux défis, et pas des moindres.

Les exportations de riz du pays au premier trimestre 2011 ont atteint environ 1,8 million de tonnes, pour un chiffre d'affaires de 823 millions de dollars, selon l'Association nationale des vivres. C'est la première fois que le Vietnam exporte un tel volume durant les premiers mois de l'année. C'est aussi la première fois que son riz est accueilli de la sorte dans le monde. Avant d'y parvenir, l'agriculture vietnamienne a connu pas mal de hauts et de bas. Et ce n'est pas le fruit du hasard si ses rizières donnent aujourd'hui des grains qui valent des perles, permettant au passage cette ouverture au monde du secteur.

D'un importateur de riz autrefois à un exportateur désormais

Il faudrait avoir la mémoire courte pour ne pas se rappeler qu'en 1988, le Vietnam devait encore importer près de 200.000 tonnes de vivres et que l'année suivante il était déjà devenu pays exportateur de riz avec 1,4 million de tonnes, dont l'essentiel en provenance du delta du Mékong. Dix ans plus tard, en 1999, le Vietnam a exporté au total 4,5 millions de tonnes, devenant le deuxième pays exportateur rizicole, place qu'il occupe encore à ce jour.

En 2010, ses exportations de riz ont atteint le chiffre impressionnant de 6,8 millions de tonnes, pour une valeur de 3,2 milliards de dollars, soit une augmentation de 14% en volume et de 20,6% en valeur par rapport à 2009. Alors que l'étendue de la superficie rizicole vietnamienne n'est que la cinquième au monde, son rendement augmente chaque année de plus d'un million de tonnes. En 2010, le pays a produit 40 millions de tonnes de riz (21,5 millions de tonnes venus du delta du Mékong), atteignant avec 5 ans d'avance l'objectif fixé par le gouvernement. À l'heure actuelle, le riz vietnamien est écoulé dans 130 pays et territoires à travers le monde.

"Auparavant, on ne faisait dans cette région qu'une récolte de riz par an, avec une productivité faible de 2-3 tonnes par hectare. Le rendement total de toute la région se limitait à 4,5 millions de tonnes", se souvient le Professeur et Docteur Lê Van Banh, directeur de l'Institut de recherche sur le riz du delta du Mékong. Depuis la politique du forfait versé à chaque foyer, suivie de celle du Renouveau économique lancée en 1986, le rendement rizicole n'a cessé d'augmenter pour atteindre aujourd'hui 5-8 tonnes par hectare. Avec entre deux et 3,5 récoltes de riz par an, chaque hectare peut donner 12-15 tonnes par an.

La nouvelle donne du changement climatique

L'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) prévoit que nos besoins en vivres s'accroîtront sensiblement dans les décennies à venir. Malgré son bond spectaculaire, la production de riz du Vietnam, et plus particulièrement celle de la "terre des neuf dragons" se trouvent et se trouveront quand même confrontées à des défis non négligeables. Tout d'abord, ce sont les problèmes des parasites agricoles (insectes et maladies), puis ceux générés par le rythme effréné de l'urbanisation, les impacts du changement climatique avec notamment l'accroissement des périodes de sécheresse, mais aussi des inondations, la montée du niveau des océans (invasion et infiltration dans les sols de l'eau salée). Selon les prévisions, le pays aura perdu 5.700 ha de terres arables vers 2020 et 19.900 ha à l'horizon 2030. Depuis l'an 2000, la diminution de la superficie rizicole est déjà bien visible. Mais la qualité de la terre s'est améliorée et le rendement accru, ce grâce aux développements hydrauliques, aux progrès scientifico-technologiques et aux nouvelles variétés de riz. Aussi, la productivité annuelle a-t-elle augmenté de 2,45% par an.

De plus, les eaux et les alluvions fluviales de la région du delta du Mékong sont en baisse ces derniers temps. Du coup, assurer la sécurité vivrière nationale tout en produisant autant de riz pour l'exportation n'est pas seulement un défi à court terme. C'est une équation à long terme pour la stratégie d'exportation de riz du Vietnam. Récemment, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MADR) a soumis à l'approbation du gouvernement le plan d'aménagement général des terres rizicoles à l'horizon 2020 et la vision 2030 selon lequel il propose de maintenir la superficie rizicole à 3,8 millions d'hectares, dont 3,2 millions d'hectares en exploitation supérieure à deux récoltes par an.

Des variétés résistantes à la sécheresse et à l'eau salée

Étudier puis produire des variétés de riz résistantes à la sécheresse et à l'eau salée constitue aujourd'hui une nécessité impérieuse pour l'agriculture vietnamienne. Depuis 2006, les scientifiques de l'Institut de recherche sur le riz du delta du Mékong ont réussi à créer 16 variétés de riz résistantes à un fort degré de salinité et d'autres résistantes à la sécheresse. Approuvées par le MADR comme cultivars nationaux, ces dernières ont toutes été mises en culture de masse dans les provinces côtières relevant de la région du delta du Mékong. Elles s'avèrent avoir l'avantage de bien résister aux parasites agricoles, de donner une productivité élevée et stable de 5-7 tonnes par hectare, tout en assurant une qualité conforme aux critères d'exportation.

Par ailleurs, l'Institut de recherche sur le riz du delta du Mékong a aussi réussi à obtenir différentes variétés résistantes aux parasites (cicadelle brune, rabougrissement herbacé, pyriculariose...). Actuellement, ses scientifiques poursuivent leurs études sur des cultivars susceptibles de résister à un degré de salinité de 5% à 7%.

Trente-six années se sont écoulées depuis la réunification du pays, et le riz vietnamien est parvenu à se faire connaître dans le monde entier. Souhaitons qu'il continue à s'envoler encore plus haut et à répandre plus loin son parfum afin de donner une position solide à l'agriculture vietnamienne tout en visant une sécurité vivrière pour le pays, mais aussi pour le monde en général.

Minh Phuong/CVN

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