"La production agricole du Vietnam est de plus en plus exposée aux risques", considère Tang Minh Lôc, chef du Service de l'économie, de la coopération et du développement rural (ministère de l'Agriculture et du Développement rural).
Cette observation a ses raisons. Selon le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), l'agriculture est l'un des secteurs les plus menacés par le changement climatique. D'autant plus que, selon les prévisions, le Vietnam devrait figurer parmi les cinq pays les plus affectés par ce phénomène planétaire.
En effet, le secteur agricole souffre chaque année de sécheresses ou au contraire d'inondations dévastatrices qui mettent à mal les cultures. Le climat, les maladies et autres calamités naturelles peuvent déprécier les récoltes, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif.
De plus, l'agriculture vietnamienne, qui repose en grande partie sur de petites exploitations familiales, manque de spécialisation, de bâtiments modernes et de technologies. "Sans assurance, les agriculteurs auront beaucoup de mal à s'orienter vers une agriculture de type marchande", estime M. Lôc.
Si l'assurance agricole existe déjà dans de nombreux pays du monde, la production agricole au Vietnam présente une réalité qui lui est spécifique. Le monde rural y est très rétif à l'assurance en général du fait de mauvaises expériences qui ont prévalu dans le passé. "La réticence des agriculteurs s'explique par le fait qu'une multitude de programmes de ce genre leur ont été présenté dans le passé sans succès", explique Tang Minh Lôc.
Mais l'analyse de ces échecs a permis de tirer des leçons. Cette fois-ci, le plan d'expérimentation de l'assurance agricole dans 21 provinces et villes pour la période 2011-2013, conformément à une décision en date du 1er mars 2011 du Premier ministre Nguyên Tân Dung, a été bien préparé par les ministères et services concernés. "Dans l'optique d'établir une plateforme de gestion des risques climatiques et épidémiques sur l'exploitation agricole, il est nécessaire de concrétiser les règlements précisant les risques assurables pour éviter un nouvel échec", estime le vice-ministre de l'Agricul- ture et du Développement rural, Hô Xuân Hùng.
Son ministère a promulgué une circulant précisant les modalités d'indemnisation selon le type d'assurance dans la culture et l'élevage, les petites exploitations familiales ne suivant pas le processus de production commun resteront exclues. "Force est de constater que l'assurance agricole permet non seulement aux paysans de diminuer les risques dans leur exploitation, mais encore de les orienter vers l'application de nouvelles méthodes et de hautes technologies, en vue d'une stabilité et d'une pérennité de l'agriculture vietnamienne", note le vice-ministre Hô Xuân Hùng.
Difficultés des deux parties
Non seulement au Vietnam mais aussi dans le monde, l'assurance agricole constitue une opération très difficile, qui se traduit notamment par sa faible part sur le marché des assurances.
Selon le Service de la gestion et de la surveillance des assurances (du ministère des Finances), sur le premier semestre de cette année, le chiffre d'affaires de l'assurance agricole a représenté la plus faible proportion (0,1%), en s'établissant à seulement près de 5,8 milliards de dôngs, répartis entre cinq sociétés d'assurances : Bao Viêt (2,7 milliards de dôngs), Quân Dôi (2,7 milliards), Viên Dông (0,2), Bao Minh (0,09) et Toàn Câu (0,04).
Parmi les premiers assureurs à intervenir dans l'agriculture, la Compagnie générale d'assurances du Vietnam (Bao Viêt) s'est lancée dans ce domaine dès les années 1980, en proposant une palette étendue de garanties : riziculture, élevage, plantes industrielles, incendie... "L'assurance agricole n'est pas qu'une opération commerciale car elle touche à des aspects sociaux très importants. Elle a donc besoin de la préoccupation des pouvoirs publics, des différents échelons et secteurs, ainsi que de toute la société. Elle aura du mal à obtenir des succès si l'État n'élabore pas une politique en la matière", reconnaît Nguyên Quang Phi, directeur général adjoint de Bao Viêt.
Par ailleurs, l'assurance agricole est importante pour une économie en développement comme le Vietnam en ce sens que l'agriculture est le secteur où se concentrent les couches les plus vulnérables et les plus nombreuses. Aussi la gestion des risques se révèle-t-elle très difficile. "Le manque d'expériences et de personnel dans l'assurance agricole constitue aussi une difficulté qui fait obstacle au développement de ce type de service", indique M. Phi.
Une autre difficulté tient au manque de compréhension et de nécessaire prise de conscience des exploitants sur l'intérêt qu'ils ont à souscrire un contrat d'assurance agricole. Cela est lié aussi à leurs faibles capacités financières ainsi que leur échelle de production réduite.
Autant de défis qui attendent d'être relevés. Le responsable de Bao Viêt souligne que des difficultés liées à la vulgarisation de l'assurance, à la sensibilisation des cibles sur les produits d'assurance se posent à l'institution. Ainsi, Bao Viêt compte vaincre la "défiance" du monde rural vis-à-vis de l'assurance, promouvoir ses polices d'assurance, contribuer à la diffusion de bonnes pratiques culturales. Les enjeux et défis à relever sont également de nature à faciliter l'accès des agriculteurs au crédit agricole, rationaliser les multiples formes d'intervention de l'État, et restaurer la profitabilité du secteur agricole.
Afin de promouvoir l'assurance agricole, une aide est octroyée aux agriculteurs qui souscrivent un contrat. L'assistance consiste en une prise en charge par l'État de 100% des primes d'assurances pour les exploitations familiales pauvres, de 80% pour celles au seuil de la pauvreté, et de 60% pour les autres. C'est-à-dire que les participants à cette expérimentation reçoivent tous des aides financières de l'État. "La condition sine qua non pour la réussite de l'assurance agricole", prévoit Nguyên Quang Phi.
Pour sa part, le vice-ministre Hô Xuân Hùng souligne la nécessité de mobiliser toutes les composantes économiques pour les cotisations en faveur des agriculteurs ou de créer une Caisse d'assurance agricole.
Hoàng Minh/CVN