Dàng Nang Long, docteur et entremetteur d’éléphants

À Buôn Dôn, sur les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên), Dàng Nang Long est connu comme le loup blanc. Sa renommée, il la doit à sa connaissance des éléphants, un héritage de ses ancêtres.

Grâce aux remèdes empiriques du docteur Long, le patient Y Khun s’est rétabli au fil des jours et est devenu le plus grand de sa troupe.

C’est le printemps, saison des festivités au Vietnam. Au district de Lak, province de Dak Lak, Dàng Nang Long, 43 ans, d’ethnie M’Nông, entraîne le groupe d’éléphants domestiques, en préparation d'une course d'éléphants organisée annuellement au Tây Nguyên. Il est descendant de troisième génération d’une famille de chasseurs et dresseurs de pachydermes. «Tout cela, c’est l’héritage de mon défunt père, Dang Nhay. Je me souviens encore de ses derniers mots avant sa mort : +promets-moi que tu défendras et soigneras notre troupe d’éléphants. Sinon, tu auras une grande dette envers nos ancêtres+», confie-t-il. Mieux que quiconque, cet homme d’ethnie M’Nông comprend la psychologie du plus gros animal terrestre.

Remèdes empiriques

Autrefois, les éléphants domestiques de Buôn Dôn servaient principalement à transporter bois et marchandises. De nos jours, leur principal «job» consiste à transporter les touristes. Imaginez le délice de pouvoir voyager sur le dos d’un éléphant à travers les forêts des hauts plateaux ! La troupe d’une dizaine de têtes de Dàng Nang Long a été ainsi entraînée à servir de moyens de locomotion extraordinaires. Bien moins fatiguant que de débarder des grumes de bois...

Dans le microcosme des dresseurs d’éléphants, Dàng Nang Long se distingue par ses connaissances en matière de soins vétérinaires. Curieusement, au Vietnam, malgré des siècles de domestication de cet animal, il n’existe aucun traité médical qui lui est consacré et encore moins de vétérinaire spécialisé.

«Jamais je n’ai pas pensé devenir un jour +docteur d’éléphants+ comme on m’a surnommé, avoue Dang Nang Long. C’est le destin qui l’a voulu ainsi». La «faute» à Kham Bun, une éléphante de cirque de six ans, morte à Hanoi en 2010 à cause de blessures au pied. Capturée en 2007 à Dak Lak par des braconniers, le jeune animal s’est affaibli de plus en plus, avant d’être remis à l’Union des cirques du Vietnam, à Hanoi. Mais, faute de remède, elle a succombé. «J’ai eu le cœur déchiré de la voir agoniser», exprime Long, rappelant le jour où il est venu l’ausculter à Hanoi. Selon lui, pour pouvoir guérir un éléphant malade, il faut faire un diagnostic à la fois physiologique et psychologique, puis choisir des remèdes empiriques.

 

Le docteur d’éléphants Dang Nang Long à côté de son patient.

Comme pour mieux se faire comprendre, il cite le cas de l’éléphant Y Khun frappé par une maladie étrange marquée par d’innombrables abcès sur le corps. Lorsque Long l’a pris en charge, il ne lui restait que la peau sur les os. «Chaque fois que j’ai un éléphant malade à charge, le meilleur à faire est de le lâcher en forêt. Car d’instinct il trouvera les plantes capables de le traiter», explique-t-il. Long a étudié minutieusement ces plantes avec lesquelles il a préparé des remèdes à boire ou à appliquer. Dans le cas d’Y Khun, ces remèdes empiriques ont été complétés par des opérations chirurgicales des tumeurs infectées. L’éléphant squelettique s’est rétabli au fil des jours, et est devenu le plus grand de sa troupe.

La réputation du «docteur d’éléphant» retentit loin des frontières de Buôn Dôn. Il est désormais appelé dans diverses régions de Dak Lak. «Je le fais pour rien. Car les éléphants, c’est une partie de ma vie», confie-t-il.

Entremetteur d’éléphants

Le «docteur» Long nous a confié sa grande inquiétude : c’est qu’un jour, il n’y ait plus un seul éléphant domestique sur les hauts plateaux du Centre. En effet, Dak Lak n’en compte plus qu’une cinquantaine au lieu de 502 en 1980, essentiellement dans les districts de Buôn Dôn et Lak. Mais depuis une dizaine d’années, aucune naissance n’a été constatée. Et pas question d’aller «s’approvisionner» en forêt. L’espèce, en voie de disparition, est strictement protégée.

Ces dernières années, Long a cherché à nouer des liens entre des mâles et femelles, avant de les lâcher dans leur environnement naturel. «Comme chez nous, les éléphants se mettent en couple par affinité. Ils refusent tout acte contraignant», révèle-t-il.

Déjà, quelques couples se sont formés. Dàng Nang Long attend avec impatience le jour où un bébé verra le jour...

À remarquer qu’en fin 2011, de sa propre volonté, Dàng Nang Long a quitté son poste de directeur du site d’éco-tourisme de Hô Lac pour se consacrer entièrement à la sauvegarde des pachydermes. Il a construit avec ses propres deniers une maison traditionnelle d’ethnie M’Nông, servant à la fois de lieu d’exposition des objets matériels et culturels de son ethnie, d’édifice cultuel dédié au génie d’éléphant.

 


Les éléphants du Vietnam à l’agonie

Il resterait moins d’une cinquantaine d’éléphants sauvages au Vietnam. Autant dire que le pays pourrait perdre dans les années à venir l’un de ses plus nobles animaux. Les braconniers jouent un rôle crucial dans cette course à l’extinction, aux côtés des bûcherons, des villageois et des bureaucrates négligents. «Le salut des éléphants est plus impératif aujourd’hui que jamais. Il est temps de passer à l’action». Cet appel d’urgence des services compétents résonne partout dans le pays. Déjà mis sur les rails un programme dit «Itinéraire - Vietnam vert» dans lequel la vie des éléphants du Tây Nguyên est au centre des préoccupations.
 

 

Nghia Dàn/CVN

 

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