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La Ligue pour la protection des oiseaux invite les "confinés" à une vaste opération de comptage des oiseaux de jardins |
Plus important dispositif de science participative instauré en 2012, ce décompte s’effectue habituellement deux fois l’an, en janvier et mai, mobilisant jusqu’à 10.000 observateurs bénévoles. Mais depuis le lancement de l'opération au début du confinement par la LPO, 13.322 nouveaux contributeurs se sont inscrits sur https://www.oiseauxdesjardins.com et plus d’un demi-million d’oiseaux ont été observés.
Depuis janvier, plus de 528.000 actes d’observation ont été enregistrés contre 669.931 sur l’ensemble de l’année 2019. "Compter les oiseaux de jardins sert à observer comment se porte notre environnement grâce à un groupe facile d’accès", explique Laurent Couzi, ornithologue, responsable de la cellule connaissances de la LPO, dont le siège est à Rochefort (Charente-Maritime).
Il souligne "l’avantage" de ce dispositif de science participative, comme l’observation des insectes pollinisateurs ou de la flore, "qui s’adresse à un très large public". Dans la banlieue bordelaise, Bastien, 7 ans, est inscrit depuis le 2 avril grâce à ses cousins encouragés par leur maîtresse d’école. Pour reconnaître les oiseaux qui se posent dans son jardin arboré, incluant une mangeoire "avec des boules de graisse l’hiver" et un nichoir, il s’appuie sur les fiches mises en ligne par la LPO et sur les livres feuilletés aux côtés de son grand-père qui l'a initié.
En l’espace de 35 minutes il explique avoir comptabilisé dans son jardin de Bègles 4 moineaux domestiques, 1 étourneau sansonnet, 1 merle noir, 1 mésange charbonnière et 4 pigeons ramiers. Les données recueillies sont ensuite traitées par le Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco) du muséum d’histoire naturelle de Paris.
Et en 2018, le million d’observations recueillies a permis la rédaction d'une thèse universitaire qui a par exemple confirmé que "l’augmentation depuis 2012 du nombre de pinsons dans les mangeoires était la conséquence d’un problème de ressource alimentaire dans la matrice agricole en hiver", explique M. Couzi et "cela nous a interpellés pour comprendre pourquoi".
"Indicateur"
Selon le bilan 2019, les espèces les plus observées sont le moineau domestique, loin devant la mésange charbonnière, le pinson des arbres ou la mésange bleue. Le nombre de merles noirs diminue lui d’année en année, victime probable du virus Usutu, transmis par les moustiques. "Simple phénomène passager causé par des conditions climatiques particulières ou lien avec ce virus, la question reste entière", avancent prudemment les auteurs du bilan. Le président de la LPO - organisation qui a fêté ses 30 ans avec 400 salariés et 3.000 membres - se réjouit de cet "engouement".
En plus de sensibiliser à la biodiversité, l'opération "Confinés mais aux aguets" a "aussi vocation à inviter à l’évasion depuis sa fenêtre ou son balcon", souligne-t-il. Allain Bougrain-Dubourg, qui se bat chaque année à l’entrée de l’hiver contre le braconnage des ortolans, notamment dans les Landes où est chassée cette espèce pourtant protégée, rappelle que "l’oiseau est un indicateur reconnu en Europe de l’ensemble de l’état de la biodiversité".
"Un tiers des oiseaux ont disparu dans les zones d’agriculture intensive" qui efface haies et bosquets, et use de "produits chimiques (faisant) disparaitre les insectes", principale nourriture des oiseaux, souligne-t-il. En cette période de confinement, le chant des oiseaux semble lui prégnant. "C’est simplement qu’il y a moins d’agitation humaine et donc moins de bruit", explique M. Couzi. "Il n’y a pas plus d’oiseaux dans les villes aujourd’hui qu’en février, en un mois il n’y a pas eu de génération spontanée", assure-t-il.
Les opérations de comptage l’an prochain pourront déterminer "si cette baisse d’activité humaine a entraîné une augmentation des reproductions". Mais "ce ne sont pas quelques semaines de confinement qui vont tout changer" pour les oiseaux et la biodiversité, tempère-t-il.